Saint Antoine le Grand - Apophtegme 4

texte original roumain

Acest avva Antonie, căutând la adâncul judecăților lui Dumnezeu, a cerut zicând : « Doamne, cum se face că unii mor de tineri, iar alții prea îmbătranesc ? și pentru ce unii sunt săraci, iar alții bogați ? și cum cei nedrepți sunt bogați, iar cei drepți săraci ? » și a venit lui un glas zicând : « Antonie, ia aminte de tine, că acestea sunt judecăți ale lui Dumnezeu și nu-ți este ție de folos a le ști ».

traduction proposée

Antoine, cherchant la profondeur des jugements de Dieu, a demandé en disant « Seigneur, comment se fait-il que certains meurent jeunes, tandis que les autres vieillissent grandement ? Et pourquoi certains sont-ils pauvres, tandis que les autres sont riches ? Et pourquoi les méchants sont riches, et les justes pauvres ? » Et une voix lui est venue disant : « Antoine, sache que ceux-ci sont les jugements de Dieu et qu'il ne t'es d'aucune utilité de les connaître »




Commentaire/Analyse

La question que se pose Antoine dans cet apophtegme est une question que chacun s’est posé un jour, et qui renvoie à la justice divine. Les yeux humains n’arrivent pas toujours à voir la logique qui sous-tend les décrets divins. Tout naturellement, ceux qui essaient de penser le monde s’interrogent. Ce que nous contemplons semble profondément injuste. Par rapport à ce spectacle, il y a en règle générale deux attitudes : soit la personne va considérer qu’il n’y a pas de Dieu, soit la personne va considérer que les décisions de Dieu sont incompréhensibles. D’où les proverbes du type « les voies du Seigneur sont impénétrables ».

Examinons d’abord ceux qui disent qu’il n’y a pas de Dieu. Dire qu’il n’y a pas de cause à un phénomène que l’on ne comprend pas ou ne constate pas est invalide sur le plan de la logique formelle. Si je le ramène à une dimension humaine, cela reviendrait à dire « ma mère fut une mère indigne, donc, en réalité, je n’ai pas de mère ». Ceci est absurde. Il faudrait plutôt dire : une mère ne devrait pas se comporter comme cela. Chose que l’on ne peut juger au final qu’en devenant soi-même parent pour mettre correctement en perspective… C’est là où l’exemple s’épuise, car il ne nous appartient pas de devenir Dieu, et la transposition « Dieu ne devrait pas se comporter comme cela » est très problématique. Pour un croyant, penser cela est un grand affront et une grande erreur. En effet, cela revient à dire que Dieu a fait quelque chose qu’il ne fallait pas. Qu’il a commis une erreur. C’est un des nombreux sujets du merveilleux livre de Job. De la même façon qu’un puceron ne peut pas discuter avec Beethoven sur ses choix musicaux, il est impossible pour un homme de discuter les choix de Dieu. Il y a, en outre, pour aider à les accepter plusieurs éléments absolument centraux à toujours prendre en compte : l’homme et le monde ont été créé absolument libres, libres jusque la révolte contre Dieu. Dieu a créé un monde pour le bien, ou le devenir joyeux est eschatologique et ne concerne pas les temps présents (ainsi on peut voir la joie comme une anticipation de la joie du Royaume), et le monde et l’âme de chacun est le jeu d’une lutte titanesque entre des forces contraires et parfois très hostiles à l’homme.

Comment réagit Antoine face à cela ? il se rappelle cette voix, la plus sage qui soit, qui lui dit un jour que les jugements de Dieu n’appartiennent qu’à Dieu et qu’il ne lui appartient pas de les connaître. Le pourrait-il ? Est-il accessible à un esprit humain de connaître et surtout de comprendre les jugements de Dieu ? Cela n’est pas possible. C’est évidemment pour cela que le Christ nous appelle à ne pas juger, car nous ne le pouvons pas. Nous n’avons pas tous les paramètres. Nous ne pouvons que rendre des verdicts faux. Nos pensées sont incomplètes. Partielles. Injustes. La théodicée est une impasse philosophique, une invitation au renoncement de soi. Il n’est pas mauvais de désirer autre chose lorsque viennent les épreuves. Le Christ a prié pour éviter le supplice. Il n’est pas mauvais de pleurer sur la dureté du monde. Le Christ a pleuré Lazare mort.