Le véganisme

Le véganisme a de plus en plus d’adeptes. Car ne nous y trompons pas, il s’agit bien d’une religion. Au moment où l’Eglise entre dans le carême de Noël, il est bon de réfléchir un peu sur cette religion, ce qu’elle dit de bon, et ce qu’elle dit de mauvais. Sa dogmatique est très sommaire : elle refuse de considérer les diverses espèces animales comme différentes (c’est ce qu’on appelle antispécisme) et les voit donc équivalentes du point de vue moral. En plus du végétalisme comme pratique alimentaire, elle ajoute le refus de l’utilisation de quoi que ce soit d’origine animale (même pas un pull en laine donc). Le végétalisme alimentaire rejoint donc la pratique du carême orthodoxe : aucun produit d’origine animale n’est admis dans l’alimentation en période de carême.

L’équivalence morale entre le poisson rouge et l’être humain est choquante du point de vue théologique. La théologie réalise une différenciation sans ambiguïté entre l’homme et le règne animal. L’homme est le co-artisan de la création divine. Il en est le gardien. Et au-delà de la sottise antispéciste du véganisme, on peut néanmoins considérer avec bienveillance cette intuition végan qu’on retrouve dans le récit biblique : l’homme est là pour garder la création. Un gardien de la création doit-il considérer avec bienveillance l’aquarium, le cirque, ou la corrida ? non. Mais il faut néanmoins un discernement et un équilibre, car la position végan est bien évidemment extrême. Une poule pouvant procurer des oeufs, et élevée en plein air, a probablement une vie plus paisible et agréable qu’une cousine sauvage qui tombera sur un renard affamé…

La problématique alimentaire est encore plus profonde, car elle touche a une problématique immense du point de vue théologique, sinon Dieu ne se serait présenté à sa créature dans les Saints Dons de la divine Eucharistie. Est-il moral de manger la chair d’un animal ? C’est une question théologique qu’il faut poser et non une question de morale, car la morale est une occupation de petits. Reformulons donc : quelle est la signification théologique de l’alimentation ? manger, c’est transformer la matière en énergie, et la faire sienne. Le végan, ou le chrétien qui respecte le carême lorsqu’il le peut, s’interdit de transformer la matière provenant d’un animal qui peut ressentir de la douleur. Le végan le fait pour une question qu’il estime morale. L’orthodoxe le fait car ainsi le demande l’Eglise. Le résultat est donc le même, mais la cause est bien différente… La position végan est en soi respectable, mais témoigne d’une incompréhension du monde, du pourquoi théologique de l’alimentation animale. Le chrétien se retient de ce plaisir que constitue l’alimentation animale, et le réserve au moment de fête. C’est donc quelque chose qui a trait à la fête, à la joie. Lorsqu’Abraham et Sarah reçoivent les trois anges, ils font un festin qui doit beaucoup à l’alimentation à base animale. En cela, le véganisme ne peut pas se départir d’une certaine tristesse. Mais il nous envoie une fois de plus, un message que nous devons méditer : si la viande est l’apanage de la fête, alors devons-nous manger de façon festive à chaque repas ? Si la fête est perpétuelle, est-ce encore la fête ? Si nous mangieons du foie-gras tout le temps, nous donnerions à cet aliment une dimension qui deviendrait “classique” ou “standard” et non pas celui de la fête. Le véganisme nous rappelle, si nous l’avons oublié que notre fête s’accompagne de la mort d’un animal. En ce cas, il faut retrouver cette connexion. Il conviendrait que celui qui mange la viande d’un animal participe à sa mise à mort. La théologie de l’alimentation animale est donc à la rencontre de la fête, de la mort et de la responsabilité.



Le véganisme, il ne faut pas se bercer d’illusion, est voulu par l’économie capitaliste, qui veut nous vendre à prix d’or des choses beaucoup moins coûteuses que la viande. Mais cette énième transformation du “système” qui mute pour survivre, et on voit par là tout l’humour du Créateur, passe par un carême. C’est intéressant à constater… Mais un c’est un carême sans Dieu. Il n’a donc aucune valeur. Il est même grotesque, si le végan possède un smartphone d’une marque à base de fruit, lorsqu’on connait la façon dont sont assemblés ces smartphones horriblement coûteux. Respecter les animaux et ne pas respecter l’homme, c’est une hypocrisie sans borne. Le véganisme est un péché au sens théologique, car il focalise l’amour sur les animaux sans aborder le problème de l’homme. Le système économique dans lequel nous vivons devrait attirer davantage de haine, que la problématique bien réelle de l’exploitation animale.