La parodie d’Orthodoxie

Texte de présentation de la problématique par une église non canonique (lien ici)

Il arrive trop souvent que nous entendions dire que certaines Eglises Orthodoxes, en dépit de leur histoire prestigieuse ou de leur passé religieux, sont dites " non canoniques". Que signifie une telle expression? Cela veut-il dire que ces Eglises sont de fausses Eglises prétendument Orthodoxes? Non, évidement, quoiqu'en disent certains de nos "frères canoniques". Etudions donc et considérons en toute vérité les origines et les incidences d'une telle expression afin d'en dégager le sens exact et la juste expression. Le mot " canonique" vient du mot grec canon qui signifie " règle" ou un ensemble de règles éditées par les Saints Conciles traitant soit des questions touchant à la Foi de l'Eglise, soit à l'administration, la discipline publique de l'Eglise. Il est évident que les règles ou canons auquels se réfère la Foi Orthodoxe sont irréformables et définitivement établies. Cependant, les canons traitant des questions de gouvernement de l'Eglise, de son administration ou de sa discipline n'ont pas la même valeur. Même si ces règles disciplinaires sont importantes pour la bonne gestion de l'ordre dans l'Eglise, ces mêmes règles n'appartiennent pas à la substance même du Christianisme et de sa Foi. Elles peuvent être changées ou parfois complètement ignorées comme le démontre de toute évidence l'Histoire de l'Eglise dans tout son ensemble. Les Canons irréformables, donc touchant à la Foi ( que l'on nomme canons dogmatiques) constituent à eux seuls la Canonicité Dogmatique, alors que les canons disciplinaires constituent en revanche, la canonicité administrative. Il y a donc, en résumé deux sortes de canonicité différentes. Si nous parlons d'une Eglise " non -canonique" nous avons à spécifier de quelle sorte de canonicité il s'agit. En effet, pour démontrer qu'une Eglise n'est pas canonique, il est impératif de prouver que l'Eglise en question n'observe pas les canons orthodoxes touchant à la Sainte Foi ou qu'elle suit des pratiques qui lui sont opposées. Alors, et seulement en suivant cette règle, on pourra affirmer en toute vérité qu'une Eglise n'est pas canonique. Beaucoup d'Eglises dites "non-canoniques" peuvent prouver à tout instant qu'elles vivent de la Foi Orthodoxe et de sa Tradition vivante, dans une authentique Succession Apostolique. Seule leur canonicité administrative est discutée , et l'on constate trop souvent qu'on nous cache la vérité à ce sujet. Beaucoup d'Eglises dites"non-canoniques" refusent le "patriarcalisme exclusif" des Eglises et leur "nationalisme" la Foi orthodoxe n'appartient à personne mais est pour tous. Trés souvent, ces Eglises Orthodoxes que l'on nomme prétendument " non canoniques" suivent avec un très grand sérieux et une piété profonde tout comme avec zèle toutes les règles de l'Eglise Orthodoxe et de sa spiritualité ainsi que ses canons. Par la nature même de l'Eglise et de son plérôme, toutes ces Eglises sont en communion avec toutes les autres Eglises orthodoxes. Il arrive parfois que cette communion n'est pas réalisable pour des raisons matérielles:obstacles humains, naturels, physiques, spirituels ou culturels. Il ne demeure pas moins que tous ont le même Père, Dieu et la même Mère, l'Eglise. C'est un Mystère que nous ne méditons ni ne contemplons suffisament.

(tiré de la lettre de la Fraternité Monastique orthodoxe du Monastère Orthodoxe de la Dormition)


Commentaire/Analyse





J’ai longuement hésité à utiliser le terme “église” pour présenter cette problématique. Car du point de vue orthodoxe, n’est Eglise, que ce qui confesse la foi orthodoxe. Toute autre assemblée de personnes ne peut recevoir le titre d’Eglise. Mais je trouvais plus parlant de mettre “église non canonique” plutôt que “assemblée non canonique”. Il existe en France, et le site que j’ai mis en lien illustre cette situation, de multiples églises avec l’appelation “orthodoxe”. Si l’on peut résumer la position de cette assemblée non canonique, elle est la suivante : il y a une hiérarchisation dans les canons de l’Eglise, certains étant éternels et d’autres temporaires. Les canons éternels sont les canons dogmatiques. Les canons temporaires sont les canons administratifs et disciplinaires concernant le fonctionnement interne de l’Eglise. Ainsi, est considéré orthodoxe, une assemblée qui suit les premiers canons, éternels et dogmatiques, mais pas ceux qui sont temporaires et relatifs au fonctionnement. Les assemblées non canoniques refusent le “patriarcalisme” exclusif des églises canoniques ainsi que leur nationalisme.

On pourra, quelques instants, être séduit par cette présentation, car effectivement, le patrimoine canonique orthodoxe demande de la finesse et du discernement. Il y a des canons, relativement au Christ ou à la Theotokos qui ne sont plus discutables, tandis qu’il y a des canons tout à fait contextuels à l’époque qu’on ne suit plus aujourd’hui. Par exemple, le canon 4, sur l’ordination illicite de Maxime, lors du second concile oecuménique, est bien évidemment contextuel… Mais l’erreur de la démarche, et la fourberie qui repose derrière est la suivante : considérer comme contextuels, temporaires et passagers des canons qui n’ont pas vocation à l’être. Et c’est là que le fidèle qui cherche une véritable vie orthodoxe, c’est à dire dans l’Eglise du Christ sur terre, et pas dans une copie frelatée de celle-ci, doit faire preuve de beaucoup de discernement et d’attention. Une “église non canonique” n’est pas une église qui ne respecte pas des choses subalternes. Ce n’est pas une église du tout.



Pourquoi ? Car le Credo de Nicée-Constantinople fait partie de ce patrimoine canonique intemporel. Il est l’écrin de la foi orthodoxe. Il déclare longuement ce qu’est le Père, le Fils, le Saint-Esprit, mais également l’Eglise. Il nous apprend que l’Eglise a quatre attributs qui permettent de la reconnaître. Elle est une, sainte, catholique, et apostolique. Lorsque vous vous retrouvez dans un endroit, pour savoir si votre lieu de culte est véritablement orthodoxe, demandez vous si votre Eglise répond à cette définition. Déjà, si l’on y dit pas ce Credo, vous pouvez partir. Mais si on le dit, il faut encore le vérifier : mettre les paroles en accord avec les actes.

apostolique : le critère d’apostolicité revient à être conduit par un évêque qui peut témoigner d’une succession apostolique. C’est à dire qu’il a été fait évêque par un ou des évêques qui eux-mêmes pouvaient témoigner d’une sucession apostolique. Vous pouvez ainsi remonter de la sorte jusqu’au Christ. L’évêque qui donne sa légitimité à votre communauté et aux sacrements qui y sont prodigués reçoit sa légitimité du Christ. Il ne s’auto-légitime pas. L’auto-légitimation est l’attitude qui a valu sa chute à Satan.

catholique : ce terme veut dire ici universel. Cela signifie que cette église concerne l’univers entier. Elle n’est pas l’exclusive d’une partie de la population humaine. Dans la petite pique qu’adresse ce texte aux patriarcats nationaux il y a quelque chose de bien injuste : les patriarcats sont souvent organisés sur des entités nationales : Patriarcats de Russie, de Serbie, de Roumanie, etc. Mais il y a également des patriarcats non nationaux : Antioche, Jérusalem, Constantinople et Alexandrie. Si Antioche, Jérusalem, Constantinople et Alexandrie reconnaissent la légitimité et la canonicité des partiarcats nationaux cela suffira à s’assurer de la validité de ceux-ci. D’ailleurs, l’Eglise orthodoxe a condamné au XIXème siècle l’ethno-phylétisme, une hérésie qui fait passer la nation avant tout. Le “patriarcalisme” dénoncé dans le texte est donc totalement imaginaire et fantaisiste (surtout venant d’une entité qui se nomme elle-même “patriarcat orthodoxe des nations”).

sainte : l’Eglise est sainte car elle n’est pas du monde. Elle ne se soumet pas aux injonctions du monde. Et il est évident qu’il y a de belles personnes dans ces assemblées non canoniques. Il y a là-bas des personnes qui pourraient donner une puissance de prière, de piété et d’ascèse incomparables aux paroisses véritablement orthodoxes. Leur devoir est de sortir de la cécité canonique et de venir dans la véritable Eglise du Christ. Ces lieux sont parfois finalement utiles dans l’insondable providence de notre Seigneur : ils préparent des gens à l’orthodoxie véritable. Mais il faut s’assurer de bien progresser et de ne pas rester au stade de la préparation.

une : c’est là que tout se joue. L’Eglise est une. Il n’y en a qu’une. Il ne peut y en avoir deux. Il ne peut y avoir celle qui relativise certains canons, et l’autre qui ne les relativise pas. Sinon le Credo aurait dit “une dans la foi”. Mais elle est une. Il n’y a pas d’Eglise catholique romaine au sens canonique. Il n’y a pas d’églises protestantes au sens canonique. Cela n’enlève rien au fait que parfois, des assemblées, des cultes et des traditions non pleinement orthodoxes puissent produire des saints authentiques (comme c’est bien évidemment le cas chez les catholiques romains). Quelle est la conséquence tragique et immédiate ? Les sacrements délivrés en dehors de l’Eglise ne sont pas valides. Si une personne est baptisée en dehors de l’orthodoxie, son baptême n’est pas valide. Si un couple se marie en dehors de l’orthodoxie, son mariage n’est pas valide. Il n’y a que l’Eglise orthodoxe, qui en fonction du parcours de chacun pourra juger d’éléments manquants. Je connais très bien cette problématique, car mon baptême personnel était litigieux. Finalement, l’évêque a pris sur lui qu’un Credo serait suffisant après une formation catéchétique. Je ne parle donc pas de l’extérieur avec une position dure, mais relativement à un parcours que j’ai fait moi-même également.



Conclusion : les assemblées non canoniques ne sont simplement pas orthodoxes du tout. Il faut bien comprendre que l’orthodoxie ne se proclame pas, elle se reçoit. Ce sont les autres qui vous reconnaissent orthodoxes. Il faut que les fidèles de ces assemblées comprennent que leurs prêtres et leurs évêques les maintiennent dans une impasse en terme ecclésial, et qu’ils sont attendus à bras ouverts dans des lieux véritablement canoniques. Je ne veux pas leur vendre du rêve : ils trouveront dans les paroisses orthodoxes, à priori les mêmes problèmes que dans les leurs : frictions avec certaines personnes, concurrence dans le clergé. Nous ne sommes pas humainement supérieur en quoi que ce soit. Mais nous sommes véritablement orthodoxes. Les autres ne le sont pas. La question que chacun doit se poser maintenant est la suivante : où veut-il être ? Dans l’Eglise que le Christ a fondé sur la proclamation de foi de Pierre, sur la route de Césarée ? Ceci s’appelle l’Eglise orthodoxe. Le reste n’en est que la pale copie…