Du catholicisme romain dans toutes ses formes



L’Église du Christ sur terre est l’Église orthodoxe. Le Credo nous dit que l’Église est une. Ainsi, le Corps mystique du Christ ne saurait être divisé. On a parlé de poumons catholique et orthodoxe, mais ceci reste une pieuse image de fantasme de réunion ecclésiale entre Rome et les patriarcats orthodoxes. Je voudrais tenter une explication sur le pourquoi cette réunion n’aura jamais lieu.



Le catholicisme romain traverse depuis Vatican 2 une crise très profonde. Elle est tiraillée entre une aile moderniste qui cherche à rendre l’Église compatible avec le monde, et une aile traditionaliste qui se veut fidèle à un catholicisme plus ancien. Et si les deux catholicismes semblent difficiles à réconcilier, ils sont néanmoins, pour un regard orthodoxe, deux phénomènes absolument identiques. En effet qu’est-ce que le catholicisme traditionnel, sinon la conséquence schismatique d’une innovation ? Cette innovation avait des raisons bien humaines liées au pouvoir. Ce qui allait devenir le catholicisme romain avait alors imaginé la centralisation pontificale, la primauté pétrinienne d’autorité juridictionnelle. Partant de cette première base absolument contraire à la synodalité orthodoxe et à l’organisation en patriarcats autonomes communiant à la même foi, cette entité devenue solitaire va se mettre à empiler les innovations théologiques non traditionnelles : transmission de la culpabilité de la faute d’Adam lors de la conception, qu’on appelle communément péché originel, double procession de l’Esprit-Saint (controverse du Filioque), l’utilisation de la philosophie grecque au service de la pensée théologique chrétienne au sein de ce qu’on nomme scolastique, l’invention du purgatoire, l’utilisation de l’orgue lors de la messe, l’immaculée conception de Marie, communion sous une seule espèce avec un pain azyme, pratique de l’ascèse réservée aux moines, abandon de l’ordination des hommes mariés en occident, abandon de l’iconographie traditionnelle au profit d’une peinture naturaliste, réduction quasi-totale du jeûne eucharistique, et enfin l’infaillibilité papale. Ce que les traditionalistes catholiques romains défendent bec et ongles comme faisant partie de l’identité romaine est une suite d’innovations absolument non traditionnelles. On peut donc les considérer comme des modernistes, introduisant des nouveautés hérétiques dans la théologie millénaire de l’Église.



Et c’est finalement l’humour et la sanction divine de faire vivre à ces catholiques traditionalistes l’arrivée d’autres innovations tout aussi toxiques, afin de leur faire vivre ce qu’a vécu la véritable Église du Christ. Ils ont eu à vivre la destruction minutieuse de tout l’esprit de la liturgie : instruments de musique moderne, forme dégradée et simplifiée de la liturgie, qui n’est que la continuation des premières innovations toxiques. Posons cette question éminemment diabolique : pourquoi seulement l’orgue, et pas la guitare électrique ? une fois qu’est abandonnée la praxis du chant byzantin, on aboutit aux lénifiants concerts pops des charismatiques.



On voit que plus le temps passe, plus les romains empilent les hérésies et il est difficile de penser qu’un jour ils renonceront à tout cela. Car (inconsciemment peut-être) ils savent que le catholicisme ne se distingue que par ces innovations non traditionnelles. C’est pourquoi ils les défendent avec une ardeur qu’on ne peut que constater. Peut-on proclamer en même temps l’infaillibilité du pape et mille ans d’erreurs ? Cela demandera une humilité et une repentance dont le monde catholique n’est probablement pas capable. L’union avec un monde aussi perdu pastoralement et théologiquement n’est ni possible ni souhaitable. Tant que le peuple catholique sera enfermé dans son sentimentalisme théologique rien ne sera possible. L’immaculée conception de Marie est une maladroite façon de réaliser une dévotion mariale. Aujourd’hui le monde romain est agité par la définition dogmatique voulue pour ”Marie co-rédemptrice”. Doit-on mentir sur la Vierge pour aimer la Vierge ? En résumé, avant qu’une réunion orthodoxe soit possible avec Rome, il faudra que Rome (la traditionaliste) se réconcilie avec Rome (la moderniste). Si la « tradition » se soumet à la modernité, rien ne se passera avec l’orthodoxie à cause du ridicule liturgique romain. Si la modernité se soumet à la tradition, rien ne se passera parce qu’aura triomphé une fausse tradition que l’Orthodoxie ne saurait reconnaître comme la tradition de l’Église indivise. Ainsi, aucune réunion n’est possible.