Du catholicisme romain dans toutes ses formes : le cas particulier de l'immaculée conception
Du catholicisme romain dans toutes ses formes
MARIE EST IMMACULEE CONCEPTION
Pour beaucoup, cette doctrine est difficile à comprendre et encore plus à croire. Le 8 décembre 1854, le Pape Pie IX a ainsi défini de façon infaillible le dogme de l’Immaculée conception :
« La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel ».
Explication du dogme
Trois point clés :
1) Marie a été préservé du péché originel depuis le premier instant de son existence? Non seulement Marie a été préservé du péché originel, mais aussi des souillures (effets) du péché originel. Cela signifie qu’elle n’avait pas de nature corrompue.
2) L’Immaculée Conception concerne uniquement le fait qu’elle ait été préservée du péché originel. Cependant, l’Eglise enseigne aussi que Marie n’a jamais commis de péché personnel. Dans cet article, nous considérerons donc de façon large le fait que Marie est totalement pure de tout péché.
3) Ce privilège a été donné à Marie en vue des mérites du Christ. Jésus est le Sauveur de Marie. Tout comme nous, elle a été racheté par Jésus, à la différence près qu’elle a bénéficié de la rédemption d’une façon proactive. Le fruit de la Rédemption par Jésus a été appliqué pour préserver Marie, tout comme il nous est appliqué pour effacer les péchés que nous avons commis.
Nos frères protestants objectent ce dogme pour les raisons suivantes :
1) Ils disent que cela ne se trouve pas dans les Ecritures. De plus, cela contredit Rm 3, 23 qui affirme que«tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu».
2) Ils affirment que cette doctrine signifie que Marie n’a pas besoin d’être rachetée par Jésus. La réponse à cette objection se trouve plus haut dans la distinction faite entre la rédemption qui préserve du péché et la rédemption qui purifie du péché.
3) Ils maintiennent que les Pères de l’Eglise n’ont pas enseigné cette doctrine et notent le fait que même le grand Thomas d’Aquin (1225-1274) l’a rejeté.
Nous examinerons tout d’abord Rm 3,23 et montrerons alors comment défendre l’Immaculée Conception scripturairement. Nous adresserons enfin la question des Pères de l’Eglise et de St Thomas d’Aquin.
Romains 3, 23 « TOUS ont péché… »
Il est évident que st Paul parle de péchés personnels que nous commettons, et non du péché originel que nous héritons. Paul ne parle pas de « tous » dans un sens absolu, excluant absolument chaque homme. Des exceptions évidentes sont par exemple Jésus, Adam et Eve avant la chute et les enfants en dessous de l’âge de raison. Les catholiques croient que Marie est une autre exception.
Plus tôt en Rm 3, 9-10, Paul dit : « Juifs et Grecs, tous sont soumis au péché, comme il est écrit : Il n’est pas de juste, pas un seul, il n’en est pas de sensé, pas un qui recherche Dieu. »
Paul cite ici le psaume 14. Lorsqu’il cite l’Ancien Testament, il respecte toujours le contexte original, selon les règles juives d’utilisation de la Bible. De ce fait, il ne transforme jamais le sens d’un verset pour lui faire dire l’inverse. Donc que veut dire le roi David, lorsqu’il dit : « Non, il n’est plus d’honnête homme, non, plus un seul » (v.3) ? David se lamente de la rébellion qui s’étend en Israël. Les ennemis de David ne sont pas seulement les nations païennes, mais aussi ses compatriotes israélites comme Saul et Absalom, membre de sa propre famille d’alliance. David utilise « tous » dans un sens collectif, qui inclut de larges portions de chaque groupe (juifs et païens), et non pas dans un sens distributif qui inclurait chaque individu. Nous savons cela parce que David distingue immédiatement « tous les malhonnêtes » de « mon peuple » (v.4) et de « la génération des justes » (v.5). Si il n’y a absolument « pas un seul » qui est juste, comment David peut-il parler de « génération des justes » ?
De la même façon, Paul utilise cette citation dans un sens collectif et non pas distributif : les païens ne sont pas les seuls à pécher contre Dieu. Les juifs, unis à Dieu par l’alliance sont aussi rebelles. Rm 3, 23 utilise donc « tous » dans un sens collectif. Paul affirme qu’il n’y a pas de distinction enter les juifs circoncis et les païens incirconcis : les deux groupes commettent des péchés personnels et ont besoin d’être justifiés par la foi ;
De même, lorsque nous lisons Rm 5, 12. 18-19, où Paul enseigne que tous les hommes héritent le péché d’Adam (péché originel), nous devons admettre des exceptions tels que Jésus, Adam et Eve, et selon la foi catholique, Marie.
Evidence scripturaire que Marie est sans péché.
« Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon ». Gn 3, 15
Interprétation : Dieu parle au serpent (Satan) après qu’Adam et Eve ont succombé à la tentation. La descendance de la femme qui écrasera la tête du serpent est reconnue par tous les chrétiens comme étant Jésus. L’hostilité ou l’opposition entre la femme et le serpent est la même hostilité qui existe entre Jésus et le serpent. Cette hostilité est totale, le démon n’a jamais fait tomber Jésus dans le péché, comme il l’a fait avec Adam et Eve. Par conséquent, la femme, la mère de Jésus, n’a pas non plus été piégée par le péché parce qu’elle est aussi en totale hostilité envers le serpent. Cette femme est Marie, et non pas Eve, qui s’est détourné de Dieu en écoutant le démon. De plus Eve n’a pas littéralement donné naissance à Jésus, Marie si.
« Il entra et lui dit : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » Lc 1, 28
Interprétation : l’ange Gabriel appelle Marie « pleine de grâce » pour indiquer qu’elle possède la plénitude de la grâce. De fait, il ne l’appelle pas « Marie », mais utilise « pleine de grâce » comme un nom propre, manifestant ainsi combien cette plénitude est exceptionnelle. Ce titre suscite d’ailleurs chez elle la surprise : « A cette parole elle fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. » (v.29).
Nous avons montré ailleurs comment l’Arche d’Alliance de l’Ancien Testament préfigurait Marie, l’Arche de la Nouvelle Alliance. Le premier chapitre de l’évangile de Luc fait allusion à ce thème de façon répétée :
Arche de l’Ancien Testament
Marie
Une nuée de gloire couvrait le Tabernacle et l’Arche (Ex 40, 34-35 ; Nb 9, 15) « L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (Lc 1, 35)
L’arche est restée trois mois dans la maison d’Ebed Edom le Gittite (2 S 6, 11) Marie passa trois mois dans la maison de Zacharie et d’Elisabeth (Lc 1, 26. 40)
Le roi David demanda :« Comment l’arche de Yahvé entrerait-elle chez moi ? » (2 S 6, 9) Elisabeth demanda à Marie : « Et comment m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? » (Lc 1, 43)
David bondit et dansa devant le Seigneur lorsque l’Arche arriva à Jérusalem (2 S 6, 14-16) Jean le Baptiste bondit de joie dans le sein d’Elisabeth lorsque Marie arriva (Lc 1, 44)
Comme nous l’avons vu, Dieu a pris soin de préparer et de préserver le réceptacle qui contenait Sa Parole écrite. L’Arche était faite de bois d’acacia et d’or pur. Dieu exigea qu’elle soit sans défauts. Il frappa Uzza de mort pour avoir oser toucher et ainsi profaner l’Arche (2 S 6, 7). Si Dieu a pris un tel soin pour préserver l’Arche de l’Ancien Testament de toute tâche, défaut ou profanation, combien plus a-t-il préservé l’Arche du Nouveau Testament de toute trace de péché, elle qui portait un trésor encore plus saint, la Parole vivante ?
Les Pères de l’Eglise enseignent que Marie est sans péché.
St Justin Martyr et St Irénée ont implicitement enseigné que Marie était libre de tout péché lorsqu’ils montrèrent qu’elle était la nouvelle Eve qui renversait la désobéissance de la première. Lorsqu’elle désobéit, Eve était libre de tout péché et de toute concupiscence (inclination au péché). Ainsi, son « non » à Dieu était un choix libre et conscient de sa volonté. Pour que l’obéissance de Marie puisse défaire la désobéissance d’Eve, le « oui » de Marie devait être aussi parfait que le « non » d’Eve. Cela n’a été possible que parce que Marie était libre de tout péché et de toute inclination au péché, tout comme Eve. Plus tard, d’autres Pères sont explicitement enseigné que Marie était sans péché.
St Ephrem de Syrie (306-373), docteur de l’Eglise, écrit : « Toi [Christ] seul et ta Mère sont plus beaux que tous les autres, car il n’y a pas de défaut en toi ni de tâches sur ta Mère » (Hymne 27, 8).
St Ambroise (340-397), évêque de Milan et docteur de l’Eglise, écrie dans son commentaire au ps 118 : « Marie, une Vierge non seulement incorrompue, mais une Vierge que la grâce a rendue inviolée, libre de toute trace de péché » (Commentaire du ps 118, 22, 30)
St Augustin (354-420) écrit : « Ainsi donc, à l’exception de la sainte Vierge Marie, dont il ne saurait être question quand je traite du péché et dont je ne saurais mettre en doute la parfaite innocence, sans porter atteinte à l’honneur de Dieu ; car celle qui a mérité de concevoir et d’enfanter l’innocence même, le Verbe incarné, pouvait-elle ne pas recevoir toutes les grâces par lesquelles elle serait victorieuse de tout péché quel qu’il fût? » (De la nature et de la grâce, 42).
La question du péché originel et de la nécessité du salut pour Marie
Les Pères de l’Eglise ont cru que la Sainte Ecriture et la Sainte Tradition enseignaient que Marie n’avait jamais commis de péché personnel. Cependant, ils n’adressèrent pas explicitement le fait que Marie était libre du péché originel. St Augustin, dans un passage, fait entendre que Marie était née avec le péché originel. Cependant il n’aborde pas explicitement cette question. Au Moyen Age, les docteurs de l’Eglise ont réfléchi plus directement sur la question de Marie et du péché originel. Ils ont tous affirmés que Marie a été, tout au long de sa vie, sans péché. Mais, des théologiens, tels que St Bernard, st Thomas d’Aquin et st Bonaventure (tous trois très dévoués à Marie) ont vu une difficulté. L’Immaculée Conception semble impliquer que Marie n’avait pas besoin d’un Sauveur. Comment réconcilier le fait que Marie est sans péché avec l’universalité de la rédemption accomplie par le Christ ?
Ces grands théologiens ont pressenti que cette contradiction apparente devait être résolue avant que l’Eglise ne définisse dogmatiquement ce que la Bible et la Tradition semblaient enseigner : que Marie est sans péché. Duns Scott (1266-1308), un théologien franciscain anglais, trouva une solution. Par ses brillants écrits, il montra que la préservation de Marie du péché original n’enlevait pas le besoin pour Marie d’être rachetée. Cela nécessitait une rédemption encore plus parfaite : une rédemption préservatrice. Si un homme vous sort de sables mouvants, vous direz qu’il vous a sauvé. Mais s’il vous empêche de tomber dans les sables mouvants, vous direz qu’il vous a sauvé d’une façon plus parfaite encore.
Les mérites du Christ pouvaient bien évidemment être appliqué à Marie par anticipation. Tous les saints de l’Ancien Testament ont été pardonnés de tous leurs péchés (y compris le péché originel) en raison des mérites des souffrances du Christ, de sa mort et de sa résurrection. Lorsque l’Eglise réconcilia l’Immaculée Conception avec la Rédemption universelle du Christ, les discussions autour de ce sujet cessèrent.
Les Pères ont considéré comme évident que Marie n’avait commis aucun péché personnel. Les mêmes raisons qui ont fait que Dieu a préservé Marie de tout péché personnel s’appliquent d’autant plus à la préservation du péché originel. Les péchés véniels personnels ne séparent pas une personne de Dieu comme le fait le péché originel.
Le rôle de Marie comme la Nouvelle Eve exclut non seulement tout péché, mais aussi la concupiscence. Comme st Paul l’enseigne en Romains 5, les dons obtenus pour nous par Christ sont bien plus nombreux que les dommages provoqués par Adam. La restauration accomplie par Dieu transforme toute chose, au-delà même de ce qui était à l’origine. Par conséquent, nous devons conclure que le « Oui » de Marie, qui a conduit à notre rédemption dans le Christ, a été plus parfait que le « Non » d’Eve qui a conduit à notre chute en Adam. Puisqu’Eve a dit non à Dieu avec une nature humaine parfaite, Marie de même a du dire oui à Dieu avec une nature humaine parfaite. Une telle nature exclue tout péché et toute concupiscence.
Commentaire/Analyse
« Pour beaucoup, cette doctrine est difficile à comprendre et encore plus à croire. Le 8 décembre 1854, le Pape Pie IX a ainsi défini de façon infaillible le dogme de l’Immaculée conception : ». D’un point de vue orthodoxe, cette phrase n’a aucune puissance d’aucune sorte : que le patriarche de Rome se considère infaillible dans sa tragique solitude est une chose, mais cela ne saurait engager une empathie dans la vision orthodoxe. C’est l’Église, avec à sa tête le Christ, guidée par l’Esprit-Saint depuis la Pentecôte, qui est infaillible. Depuis 1054, le monde occidental ne fait plus partie de l’Église. Cette infaillibilité n’a donc aucun sens, d’aucune sorte. Tout au plus, il peut renseigner sur l’état ecclésial maladif de ce qu’il se passe à Rome.
« Marie a été préservé du péché originel depuis le premier instant de son existence? Non seulement Marie a été préservé du péché originel, mais aussi des souillures (effets) du péché originel. Cela signifie qu’elle n’avait pas de nature corrompue. » : On voit ici le caractère additionnel des innovations romaines. Le péché originel n’est pas une doctrine traditionnelle. Jamais le consensus patristique n’a considéré que le péché originel se transmettait dès la conception. Jamais aucun canon n’a été en ce sens. Cette innovation du péché originel, theologoumenon du Bienheureux Augustin lors de sa controverse contre l’hérétique Pélage, oblige les romains à gérer cette contradiction qu’engendre cette croyance : si la souillure du péché de nature se transmet par la conception, et que Jésus est sans péché, alors il faut que dans la lignée qui va d’Adam à Jésus, il y ait une interruption de cette transmission. Cette interruption, c’est l’immaculée conception de Marie. C’est Rome prise à son propre piège.
« L’Immaculée Conception concerne uniquement le fait qu’elle ait été préservée du péché originel. Cependant, l’Église enseigne aussi que Marie n’a jamais commis de péché personnel. Dans cet article, nous considérerons donc de façon large le fait que Marie est totalement pure de tout péché. » : il y a ici une distinction à faire, pour rendre à la vision orthodoxe sa subtilité. Le troupeau catholique romain, dans son ignorance, suppose que les orthodoxes ont une position protestante concernant la Vierge. Or, il n’en est rien. La position orthodoxe est que Marie a bien évidemment un péché de nature, tandis qu’elle n’a aucun péché personnel. Elle n’a jamais connu aucun péché dans son comportement. Elle est donc pure du péché personnel, mais non exempte du péché de nature.
« Ce privilège a été donné à Marie en vue des mérites du Christ. Jésus est le Sauveur de Marie. Tout comme nous, elle a été racheté par Jésus, à la différence près qu’elle a bénéficié de la rédemption d’une façon proactive. Le fruit de la Rédemption par Jésus a été appliqué pour préserver Marie, tout comme il nous est appliqué pour effacer les péchés que nous avons commis. » : ceci est conforme à la logique interne, propre à la dynamique de la position catholique romaine. Je vais tâcher de montrer en quoi ceci est erroné, au fur et à mesure des arguments romains.
« Nos frères protestants objectent ce dogme pour les raisons suivantes : » : il est intéressant de voir que pour les catholiques romains français, l’orthodoxie, au final, n’existe pas. Nous allons voir, que comme toujours, avec les protestants, si la protestation est fondée, ses raisons le sont beaucoup moins.
« 1) Ils disent que cela ne se trouve pas dans les Écritures. De plus, cela contredit Rm 3, 23 qui affirme que«tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu». » : Le réflexe pavlovien des protestants est le renvoi à l’Écriture Sainte. L’approche orthodoxe sera bien différente. Car ceci ne prouve rien au final. Vous pouvez très bien avoir des dogmes qui ne sont pas directement soutenus par la Sainte Écriture. En effet, l’autorité suprême des protestants est la Bible. Chez les catholiques, c’est le Pape. Chez nous orthodoxes, c’est l’Église, le corps mystique du Christ. La Bible est un produit de l’Église et non l’inverse. Par contre, il est bien évident qu’un dogme ne saurait être contraire à la Sainte Écriture. Mais l’argument adolescent de l’absence de référence claire dans l’Écriture, n’est pas recevable du point de vue orthodoxe. Nous pourrions dire, d’un côté orthodoxe : jamais aucun office liturgique n’a affirmé cela. De ce constat froid nous pouvons en déduire, que jamais l’Église n’a prié, proclamé et confessé une immaculée conception de Marie.
« 2) Ils affirment que cette doctrine signifie que Marie n’a pas besoin d’être rachetée par Jésus. La réponse à cette objection se trouve plus haut dans la distinction faite entre la rédemption qui préserve du péché et la rédemption qui purifie du péché. » : Les protestants constatent une forme illogique mais sans attaquer le péché originel. En effet, les protestants sont souvent de super augustiniens.
« 3) Ils maintiennent que les Pères de l’Église n’ont pas enseigné cette doctrine et notent le fait que même le grand Thomas d’Aquin (1225-1274) l’a rejeté. Nous examinerons tout d’abord Rm 3,23 et montrerons alors comment défendre l’Immaculée Conception scripturairement. Nous adresserons enfin la question des Pères de l’Église et de St Thomas d’Aquin. » : il est savoureux de voir les protestants invoquer les Pères de l’Église… mais ils ont néanmoins raison. Le premier à théoriser cela est Duns Scot, un docteur de la scolastique médiévale, mais de grands noms romains s’élèveront contre cette théologie précise, tels que Bernard de Clairvaux.
Démonstration sur Paul dans l’Épître aux Romains : il s’agit ici d’une réponse catholique à un argument protestant. L’argument est plutôt bon, puisque l’attaque protestante est maladroite, mais cela ne prouve pas pour autant une immaculée conception de Marie. L’argumentaire catholique tend à prouver, tout au plus, que le discours sur l’universalité du péché ne peut pas s’adapter à Marie. Effectivement, dans le contexte, c’est impossible, puisque dans une conscience orthodoxe, Marie est sans péchés.
Démonstration scripturaire de l’immaculée conception de Marie : les occurrences choisies sont des classiques bibliques, patristiques et liturgiques du rang absolument hors norme de Marie en terme de sainteté. Mais aucun de ces passages n’a de lien avec sa conception.
Occurrences patristiques : c’est là le passage déterminant pour un orthodoxe. Le pape n’a évidemment aucune autorité. La Bible ne va pas dans ce sens. Mais si de nombreux Pères de l’Église avaient fait cette acclamation, au long de l’histoire, avec une conséquence liturgique, les choses seraient bien différentes. Mais il n’en est rien. Et le texte romain le dit bien : les Pères proclament Marie sans péché. Ce n’est pas la même chose que de déclarer que sa conception est immaculée. La liturgie orthodoxe, dans le texte des liturgies de Saint Jean Chrysostome et Saint Basile de Césarée, proclame Marie immaculée. Il faut ici faire preuve de finesse. Marie est immaculée. Pas sa conception. Et c’est d’autant plus méritoire et grandiose. Si Marie est préservée du péché, elle n’a aucun mérite relativement à celui-ci. Or, traditionnellement, elle est libre de pécher, mais c’est librement qu’elle ne pèche pas. Et c’est beaucoup plus beau ainsi. C’est ce que disent les Pères, y compris dans les preuves patristiques maladroitement convoquées ici.
Finissons cette triste affaire théologique romaine avec les docteurs romains. Que Thomas d’Aquin lui-même voit le problème de tout ceci (car on peut dire ce qu’on veut de sa théologie, c’était tout de même un homme brillant) est une preuve éclatante du côté intenable de la position romaine officielle. Cette théologie est une innovation de Duns Scot, en réponse à une première innovation sur la transmission du péché originel. Ce n’est en rien traditionnel, patristique, biblique ou liturgique. Les catholiques s’évertuent à défendre ce dogme indéfendable car il a été proclamé par un pape qui se prétend infaillible, alors qu’il est hors de l’Église depuis bientôt mille ans. Tout est dit.
Alors, que dire sur Marie ? Pouvons nous prendre la position orthodoxe pour un simplisme protestant vis-à-vis de l’immaculée conception ? En rien, c’est bien évident. Car si le protestantisme fait l’impasse sur la Vierge, l’orthodoxie, fidèle à sa mémoire et à sa tradition, a une grande dévotion pour la Vierge. Et elle priée et louée selon le terme qui est son titre depuis la troisième concile œcuménique : Theotokos (ce qui signifie Mère de Dieu en grec). Quel terme pourrait le mieux approcher le mystère lié à Marie. Car, il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a rien qui puisse stupéfier, qui puisse laisser interdit quand on pense à Marie. La conception de Notre Seigneur en son sein est ineffable. L’enfantement de Notre Seigneur est également totalement ineffable ; la liturgie ne dit-elle pas de façon systématique que Marie est restée vierge avant, pendant et après l’enfantement ? Le chant liturgique principal déclare qu’elle est supérieure aux Chérubins et aux Séraphins. C’est-à-dire qu’elle est au dessus des plus grands ordres angéliques. Ainsi, pour paraphraser Saint Bernard de Clairvaux, inutile d’inventer des mérites imaginaires à la Theotokos pour lui rendre la dignité qui lui est due. La Tradition l’a fait de manière équilibrée, éloquente et suffisante. Il faudra donc probablement considérer le dogme de l’immaculée conception à la croisée d’une dévotion déséquilibrée, et l’enchaînement logique avec d’autres innovations théologiques déjà déviantes.