Le premier verset en hébreu est

בְּרֵאשִׁ֖ית בָּרָ֣א אֱלֹהִ֑ים אֵ֥ת הַשָּׁמַ֖יִם וְאֵ֥ת הָאָֽרֶץ

Cela se lit Bereshit Bara Elohim et hashamayim wéet haaretz.

Il fait donc 7 mots, ce que nous avons par les espaces, mais la tradition orale d’Israël nous enseigne qu’il n’y avait pas de signe de vocalisation ni d’espace. C’était donc plutôt comme cela :

ברשיתבראאלהיםאתהשמיםואתהארץ

C’est parce que Moïse a dit les mots comme il les a dit que nous savons où placer les espaces et comment vocaliser. Les signes de vocalisation sont les petits signes au dessus et au dessous des lettres, indiquant si on doit dire a, e, é, etc. Il est communément admis que le premier mot signifie « au commencement ». Le grec de la LXX le traduit ainsi « εν ἀρχῇ » ce qui signifie « au commencement » en grec, montrant que cette compréhension est exacte. Pourtant l’hébreu dans sa littéralité absolue ne veut pas dire exactement cela. Rachi, le célèbre rabbin connu pour ses commentaires précise : « ce texte ne vient pas nous donner l’ordre de la création, nous dire que ces éléments ont été créés en premier. Si tel était le cas, le texte aurait dû porter barichona (« en premier lieu »), car on ne rencontre jamais le mot reshit dans la Bible sans qu’il soit lié au mot suivant. Exemples : au commencement bereshit du règne de Yehoyaqim (Jr 26 :1), les prémices (reshit) de ton blé (Dt 18 :4)… » Ce que nous précise ici Rachi, est que le T final dans bereshit est un T marquant le génitif. Car le mot pour commencement est Resh, Rosh, qui signifie littéralement tête. Vous déjà entendu Rosh hashana pour nouvel an ; cela veut dire tête de l’année pour début de l’année. Revenons à Béréshit. Le Bé du début signifie dans, avec. En décomposant le mot on a donc Bé Resh It (le i sert à relier resh et le T, car resht n’est pas prononçable), c’est-à-dire Dans commencement de. Le problème est qu’il manque le mot après, celui sur lequel porte le génitif. C’est donc une construction très bizarre. Dans le commencement de… et lorsque je dis « dans LE commencement de », je force encore le texte, car il n’y a pas d’article. L’article défini en hébreu est ha, à savoir la lettre HE avec une vocalisation en A. Mais lorsqu’il y a un pronom devant le nom, l’article disparait et la vocalisation en A passe sur ce pronom. Ici, pour avoir dans le, je devrais avoir BE vocalisé avec un A, donc BAréshit, mais j’ai BEreshit, donc ce n’est pas Dans LE commencement de, c’est plutôt « dans commencement de ». Puis vient le verbe sans que le nom concerné par le commencement ne soit donné. C’est donc un commencement qui nous échappe. Bara est le verbe qu’on traduit généralement par créer. Il est ici au passé, à la troisième personne du singulier. Souvent, les exégètes, par raccourci disent que nous avons ici une création ex nihilo. Nous savons par le livre des maccabées que nous avons une création ex nihilo (2 Mac 7 :28). Mais bara ne signifie pas toujours création ex nihilo. Dans le psaume 50, « crée en moi un cœur pur », bara ne s’applique pas à une création ex nihilo, mais à un renouvellement, une re création. David demande à Dieu que son cœur déjà existant soit renouvelé par la pureté. Il y a beaucoup d’occurrences dans la Bible où le verbe bara n’est pas création ex nihilo mais renouvellement. Ici, le terme est ambigu et il n’y a pas de réponse évidente du point de vue philologique. Par exemple à la fin du premier chapitre, c’est le même verbe qui est utilisé, et pourtant on sait que Dieu utilise de la terre pour former l’homme. Adam n’est pas créé ex nihilo. Ainsi, ce n’est pas ce verset qui permet de définir le dogme de la création ex nihilo.

Le troisième mot est un nom de Dieu dans la Bible, un nom qui exprime un pluriel : Elohim. En effet, les pluriels en hébreu, généralement masculins se terminent en im, et les féminins en ot. Ainsi Elohim est le pluriel d’Eloha. Ce nom de Dieu commence par un Aleph, première lettre de l’alphabet, ce qui semble normal, puisque tout procède de Dieu. Ainsi, Aleph est une lettre qui à elle seule peut représenter Dieu. Ce qui est intéressant si on retourne à bara c’est que cela s’écrit beth resh aleph. Et beth resh si je le vocalise avec un a, comme dans bara justement, j’ai bar. Et bar, c’est fils en hébreu. Il y a bar et ben pour exprimer fils. Ici c’est bar. Donc Bara, si je sépare le aleph final, c’est bar aleph : fils de Dieu. De même béréshit démarrait par beth et resh, donc fils. Au début de tout il y a le fils. Au sein de l’acte de créer, il y a le fils de Dieu. Vous vous souvenez que le Christ avait dit sur le chemin d’Emmaus, que toute l’écriture parlait de lui. Il est ici au premier verset. Revenons sur cette tension entre bara, verbe singulier et elohim nom pluriel. Le verbe est mal conjugué. Ou le nom devrait être singulier. Tout le monde aura compris ici l’enseignement trinitaire. On voit donc que les erreurs sont des messages de Dieu. C’est magnifique. Vient ensuite un mot de deux lettres qui se prononce èt. Il ne veut rien dire et pourrait même ne pas être là, que nous comprendrions la phrase. èt marque le COD en hébreu. Mais s’il pouvait ne pas être là, alors, pourquoi est-il là ? Il est composé de la première et dernière lettre de l’alphabet hébreu : aleph et tav. Ce mot est intéressant car le Christ dit dans l’Ecriture qui nous est parvenue en grec « je suis l’alpha et l’oméga », à savoir la première et la dernière lettre de l’alphabet grec. S’il s’exprimait en hébreu, il dirait probablement « je suis l’aleph et le tav ». Ce mot ici, a entre autre comme fonction de nous faire pointer vers le Verbe, verbe coéternel au Père et à l’Esprit. Hashamayim se traduit par « les cieux », c’est un pluriel avec un article défini. Puis vient wéèt, wé signifie et, et étant toujours collé au mot qu’il introduit en hébreu, et ici c’est une nouvelle occurrence du mot èt, comme pour nous dire que le Verbe a tout créé : les cieux et la terre. A chaque fois il est à l’origine de ce qui est créé. Puis le dernier mot haaretz, avec son article défini. Haaretz, signifie la terre. Mais ce n’est pas le même mot que ce que Dieu va utiliser pour former l’homme. Il utilisera du adamah, pas du aretz. Voyons ce que dit le grec pour terminer avec l’étude purement philologique

Εν ἀρχῇ ἐποίησεν ὁ Θεὸς τὸν οὐρανὸν καὶ τὴν γῆν.

On ne retrouve pas l’ambiguïté du terme Bereshit, dans « ev arxe ». Le texte mosaïque a une ambiguïté gnostique, il faut bien le dire : nous ne savons pas si le texte postule, ou pas, le fait d’utiliser quelque chose de préexistant. La vision gnostique qui prévalait, dans absolument tous les autres cultes antiques, dans toutes les autres conceptions est que la matière est éternelle. Elle a toujours été là. Et la divinité de la religion en question, organise cette matière preexistante. Il n’en est pas le créateur mais l’organisateur. C’est la figure de ce que les gnostiques appellent le démiurge. La gnose a de plus, une image négative de ce démiurge, c’est un ange mauvais qui a fait un monde mauvais à son image, où l’homme souffre. Dans l’analyse suivante nous verrons les commentaires patristiques sur ce verset et nous avancerons dans le texte. Mais pour conclure cette étude, il faut bien comprendre, que ce verset est absolument et conformiste et révolutionnaire au moment où Moïse le reçoit sur le Sinaï. Nous sommes à ce moment dans un monde où nul ne postule une création ex nihilo. Hésiode, dans sa théogonie qui décrit toute la mythologie grecque de l’antiquité, postule un monde ex vacuo, tiré d’un chaos primordial, un donné préalable. Toutes les cosmogonies, toutes les autres religions postulent des mythes via des récits un peu de ce genre. Il faut donc comprendre que Dieu ici répond au travers d’idiome courants. Il les reprend pour les subvertir. Il utilise une forme de récit cosmogonique mystérieux, c’est la partie conformiste, pour le retourner complètement. C’est la partie révolutionnaire. L’enjeu pour Dieu ici, est de ne pas être un parmi les dieux, mais d’être Dieu. C’est tout l’enjeu du premier verset. Les cieux et la terre, c’est une façon de dire « tout ». Et ce verset postule que tout ça, est venu d’un seul Dieu. D’une façon qui nous échappe (la complexité du Bereshit). Mais tout est venu d’un seul Dieu. « je crois en UN seul Dieu ». Ceci était révolutionnaire pour ceux qui recevaient le texte de façon immédiate, sans rentrer dans ses mystères. Et pour ceux qui voulaient en percer les mystères, ils comprenaient, que le commencement de cet acte de création pointait vers autre chose, mais encore scellé à ce moment. On voit donc sur ce simple verset combien l’AT prépare la venue du Fils.