Nous reprenons notre étude biblique du tout premier verset de la Genèse. Nous allons voir comment les Pères de l’Eglise ont expliqué ce verset fondateur. Vous imaginez bien qu’il a été beaucoup commenté et par les plus grands. Il sera impossible de voir les commentaires de tous nos Saints Pères, surtout sur un passage aussi important. Je vous propose donc pour ce récit de la création, de suivre 3 commentateurs principaux : Saint Jean Chrysostome, Saint Basile de Césarée et le Bienheureux Augustin. Ensuite, selon les versets nous pourrons adjoindre un autre commentateur qui nous semblera intéressant et qui complète harmonieusement les trois autres

Tout d’abord, pourquoi ce choix particulier autour de Chrysostome, de Basile et d’Augustin ? Chrysostome a le grand intérêt d’être un commentateur de la littéralité. La littéralité est un enjeu herméneutique énorme pour la Bible. Dieu veut nous dire une infinité de choses au travers de l’Écriture, mais on a tendance à oublier ce qu’Il veut nous dire en premier lieu. On tombe souvent dans l’ornière de dire que tel ou tel verset symbolise, ceci, représente cela, mais on oublie souvent de regarder ce qu’il dit en premier lieu. Chrysostome est l’un des meilleurs pour rester collés à ce plan littéral. Chrysostome , comme son nom l’indique, cela signifie « bouche d’or », était un prédicateur exceptionnel. Ses explications sur la Genèse étaient données dans le cadre d’homélies, à une époque où le lectionnaire avait des lectures vétéro-testamentaires. Il faut savoir que tout Antioche puis plus tard Constantinople lorsqu’il en devint le patriarche, se pressait pour venir l’écouter dans des homélies qui duraient longtemps, parfois jusque deux heures. Cet assemblage inédit de virtuosité biblique, rhétorique et spirituel nous est parvenu parce que ses admirateurs notaient ses homélies. Saint Basile de Césarée de son côté a livré, également dans le cadre d’homélies, une explication exceptionnelle sur tout le récit de la création compilée dans un ouvrage appelé Hexameron, Hexa faisant référence au nombre six, pour les six jours de la création. Saint Basile de Césarée, est avec Saint Jean Chrysostome et Saint Grégoire de Nazianze, un des trois hiérarques, un des trois saints docteurs de l’Eglise, reconnu par l’Eglise orthodoxe comme étant un des sommets de la patristique. Là, où saint Grégoire de Nazianze fut davantage impliqué dans des écrits plus particulièrement théologiques, Saint Basile de Césarée a laissé une œuvre exégétique importante où l’hexameron tient une place centrale. C’est à lui, entre autres, que nous devons le concept d’hypostase, servant à définir les personnes au sens théologique. Basile a été un des sommets de la patristique, cet immense continent de la pensée, aujourd’hui oublié en occident, pour le plus grand malheur de celui-ci. Puisque nous parlons d’occident, passons à Augustin. Il fut le disciple de Saint Ambroise de Milan, qui avait traduit en latin l’Hexameron de Saint Basile, pour que l’occident puisse bénéficier de ce joyau. Il faut comprendre que chez beaucoup d’orthodoxes occidentaux, peut-être poussés par un désir inconscient de donner des gages d’orthodoxie aux orientaux, Augustin est vu comme le grand initiateur du schisme qui a définitivement écarté orient et occident. On lui reproche tout un ensemble de choses qui seraient ici hors sujet. Sachez néanmoins qu’Augustin est un très bon révélateur de cette néo-orthodoxie qui n’a finalement pas grand chose d’orthodoxe et que vous devez fuir comme la peste. La plupart de ceux qui critiquent Augustin sont des petits qui critiquent un géant. Petits dans l’ascèse, petits dans l’exégèse, petits dans la théologie. Lisez plutôt ce qu’écrivait Seraphim Rose sur Augustin si vous voulez lire des choses sérieuses. L’œuvre exégétique d’Augustin, par son ampleur et son impact n’a peut-être pas d’équivalent, à part peut-être Chrysostome ou Origène en Orient.

Passons aux commentaires proprement dits.



Saint Jean Chrysostome commence ainsi son commentaire sur le verset : « Au commencement, dit Moïse, Dieu créa le ciel et la terre. Ici on demande avec raison pourquoi ce saint prophète, qui n’a vécu que plusieurs siècles après la création du monde, nous en raconte l’histoire. Certes il ne le fait point au hasard et sans de graves motifs. Il est vrai que dans les premiers temps, le Seigneur, qui avait créé l’homme, parlait lui-même à l’homme en la manière que celui-ci pouvait l’entendre. C’est ainsi qu’il conversa avec Adam, qu’il reprit Caïn, qu’il donna ses ordres à Noé, et qu’il s’assit sous la tente hospitalière d’Abraham. Et même, lorsque le genre humain se fut précipité dans l’abîme de tous les vices, Dieu ne brisa pas toute relation avec lui, mais il traita dès lors les hommes avec moins de familiarité, parce qu’ils s’en étaient rendus indignes par leurs crimes; et lorsqu’il daigna renouer avec eux des rapports de bienveillance, et comme faire une nouvelle alliance, il leur parla par lettres, ainsi que nous le faisons à un ami absent. Or Moïse est le porteur de ces lettres, et voici quelle en est la première ligne. Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. ». Chrysostome aborde ici la problématique de tradition primordiale. La vérité n’a pas commencé à être connue avec le don de la Loi à Moïse sur le Sinaï. Elle a toujours été connue. Du temps d’Adam, de Noé, d’Abraham. C’est pourquoi, de façon moins précise, moins complète, moins détaillée, diverses civilisations, issues de Noé et couvrant la surface de la terre, ont dans leurs mythes, dans leurs cultures, dans leurs récits, des éléments qui rejoignent ce que Dieu réexplique à Moïse.

Puis SJC poursuit « C’est pourquoi il entre ainsi en matière : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Ne semble-t-il pas nous dire à haute et intelligible voix : Sont-ce les hommes qui m’ont appris ce que je vais vous révéler? nullement, mais Celui-là seul qui a opéré ces merveilles, conduit et dirige ma langue pour vous les apprendre : je vous conjure donc d’imposer silence à tout raisonnement humain, et de ne point écouter ce récit comme s’il n’était que la parole de Moïse. Car c’est Dieu lui-même qui nous parle, et Moïse n’est que son interprète. Les raisonnements de l’homme, dit l’Ecriture, sont timides, et ses pensées incertaines. (Sag. Ix, 14.) ». Chrysostome nous montre quelle est la vision correcte de l’inspiration, qui est en soi un sujet. Car comment se positionner quant à l’auteur de ce texte ? Est-ce Moïse qui écrit ce qu’il sait ? Est-ce Dieu qui dicte et Moïse est son simple scribe ? C’est un ineffable mélange des deux, dont les proportions nous échappent : Dieu parle et Moïse l’interprète. Il faut se figurer Dieu parlant comme une lumière, et Moïse retranscrivant comme un prisme. Moïse a été respectueux de la parole divine comme un prisme qui n’a rien déformé de la lumière divine. Mais elle est tout de même passée par lui. On notera d’ailleurs avec intérêt, que Moïse ne parle pas de lui. Il ne se présente pas, ni les circonstances. Il s’efface totalement pour laisser passer le message. Et en commençant ainsi Dieu veut déjà que nos petits raisonnements limités fassent silence.

Chrysostome explique : « Accueillons donc la parole divine avec une humble déférence, sans dépasser les bornes de notre intelligence, ni rechercher curieusement ce qu’elle ne saurait atteindre. Mais les ennemis de la vérité ne connaissent point ces règles, et ils veulent apprécier toutes les oeuvres du Seigneur selon les seules lumières de la raison. Insensés ! ils oublient que l’esprit de l’homme est trop borné pour sonder ces mystères. Et pourquoi parler ici des oeuvres de Dieu, quand nous ne pouvons même comprendre les secrets de la nature et des arts? car dites-moi comment l’alchimie transforme les métaux en or, et comment le sable devient un cristal brillant. Vous ne sauriez me répondre; et lorsque vous ne pouvez expliquer les merveilles que la bonté divine permet à l’homme d’opérer sous vos yeux, vous présumeriez, ô homme, de scruter curieusement les ouvrages du Seigneur ! ». Le saint docteur semble avoir la prescience de la place démesurée que prendra la science dans notre monde. Joseph de Maistre, des siècles plus tard aura la même attitude envers ces positivistes qui croient la science apte à tout expliquer. Orgueil insensé.

Chrysostome pour suit plus loin sur un point qui me semble important de noter : « Et ne vous étonnez point, mon cher frère, si Moïse en a usé de la sorte dès le principe, et dès les premiers mots, puisqu’il parlait à des juifs grossiers et sensuels…Jean, le fils du tonnerre, s’écrie : Tout a été fait par le Verbe, et sans lui rien n’a été fait. (Jean, I, 3.) Mais Moïse débute moins solennellement, et il a eu raison de le faire. Car il ne convenait point d’offrir des viandes solides à ceux qu’il fallait nourrir encore de lait. Les maîtres expliquent d’abord aux enfants qu’on leur confie, les premiers éléments des sciences; et puis ils les conduisent progressivement à des connaissances plus élevées. C’est aussi cette méthode qu’ont suivie Moïse, le Docteur des nations, et Jean, fils du tonnerre. Moïse, qui dans l’ordre des temps, est le premier instituteur de l’humanité, ne lui a proposé que les premiers éléments de la doctrine; Jean au contraire, et Paul qui lui ont succédé, ont pu développer à leurs disciples un enseignement plus parfait. » Il est important lorsque l’on lit les Pères, de bien savoir à qui nous avons à faire. Leur façon de parler n’était pas corsetée dans le politiquement correct, et ils disaient les choses de façon parfois un peu abrupte et directe. En disant « il parlait à des juifs grossiers et sensuels » Chrysostome ne fait pas un jugement de valeur qu’on pourra qualifier de négatif. Il rappelle une chose fondamentale qui vaut pour tout texte : il faut toujours se questionner sur l’auteur, ses motifs, les circonstances de la rédaction, son destinataire, les circonstances de sa réception. Lorsqu’un auteur écrit un texte, il s’adapte à son public. Si un auteur écrit un texte pour enfant, même s’il a un doctorat en médecine, il restera à un niveau enfantin, car son public est enfantin. Dans quel état son les juifs lorsque Dieu donne la Torah à Moïse ? Ce sont des esclaves en fuite dans le désert. Ils ont passé plusieurs générations en esclavage. Ce n’est pas le contexte idéal pour développer un mode de vie qui allie intelligence et subtilité. On cherche principalement à survivre. Ce que dit Chrysostome est ici fondamental. Ce texte initial de la Genèse est recevable par les gens les plus rustres, les plus simples, les plus éloignés de l’éducation. Il délivre un message dans une forme de simplicité et d’évidence. Ce seront les bases de ce qui permettra ensuite de s’intéresser à des choses plus complexes, plus élaborées.

Chrysostome passe ensuite à une problématique essentielle : « Nous comprenons donc les motifs qui ont porté Moïse à condescendre à la faiblesse de son peuple. Sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, il parlait aux Juifs le langage qui leur convenait; mais il ne laissa pas d’étouffer par ces mots : (10) Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, toutes les hérésies qui, comme un mauvais, grain, devaient pulluler dans l’Eglise. C’est pourquoi, quand un manichéen vous dit que la matière préexistait, et quand Marcion, Valentin ou un païen vous soutiennent la même, opinion, répondez-leur qu’au commencement Dieu créa le ciel et la terre; mais s’ils récusent l’autorité de l’Ecriture, traitez-les comme des extravagants et des insensés. Et, en effet, comment excuser celui qui refuse de croire le Créateur de l’univers et qui taxe de mensonge la Vérité suprême? Il se cache sous de belles apparences et feint les dehors de la douceur; mais il rien est pas moins un loup sous une peau de brebis. Ne vous laissez donc point séduire; et vous devez même d’autant plus le haïr qu’il affecte envers un homme une conduite pleine d’égards, et déclare la guerre au Dieu, souverain Maître de l’univers. Hélas ! il ne s’aperçoit pas qu’il expose le salut de son âme. Pour nous, attachons-nous à la pierre ferme, et revenons à notre sujet : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. ». Le docteur fait ici une chose importante. Après nous avoir expliqué que ce texte était recevable par des gens grossiers et sans éducation, il n’en est pas moins formulé à débusquer certaines hérésies. Pas toutes bien sûr, et pas les plus subtiles. Mais certaines. Il énumère les manichéens, les marcionistes et les valentiniens. Pour faire vite, puisque cela n’est pas le sujet ici, les manichéens sont les disciples de Mani, qui voyait le monde comme le résultat de l’équilibre de deux divinités, une bonne et une mauvaise. Les marcionistes étaient les disciples de Marcion qui opposait le Dieu de l’ancien et du nouveau testament. Et Valentinien était le guru d’une secte gnostique qui proposait un récit de création du monde bien différent. Ce qui est intéressant ici, est que Chrysostome nous dit que le texte ne sert pas uniquement aux juifs sortant d’exil en Egypte vers 1200, 1300. Il nous sert aussi à chacun, dans les problématiques de nos époques. Et ceci rejoint précisément ce que j’ai dit lors de la vidéo précédente. Il n’y a plus de manichéens, de marcionistes ou de valentiniens. Aujourd’hui, les hérésies sont d’une autre nature. Mais la réponse reste la même. Est-ce que nous avons des gens qui viennent aujourd’hui nous voir, avec un récit qui s’habille des oripeaux de la vérité, et qui vient contredire ce que Moïse relate ici ? Ces gens aujourd’hui sont les scientifiques. Ils viennent avec une vérité alternative, fort différente. 6 jours, 14 milliards d’année. Des théologiens aujourd’hui s’épuisent dans le fait de réconcilier les deux. Auraient-ils poussé la collaboration à l’époque de Chrysostome au point de vouloir présenter un récit biblico-manichéen compatible ? Une synthèse entre Marcion et Moïse ? Aurions nous eu des vêpres oecuméniques avec les valentiniens ? Je ne crois pas. Leur astuce est de nous dire que Moise fait de la poésie. On voit que Chrysostome n’est pas du tout sur un registre poétique. Dieu ne se présente pas comme un auteur romantique, maudit et incompris. Il dispense les enseignements fondamentaux pour tous ceux qui vont choisir de mener leurs vies pour entrer dans son Royaume. Il n’y a pas de poésie ici. Juste la froide littéralité de l’enseignement : dans le premier jour, Dieu a créé le ciel et la terre.



Passons à Saint Basile et son Hexameron. Il explique « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Frappé de cette idée admirable, je m’arrête. Que dirai-je d’abord ? par où commencerai-je mon instruction ? confondrai-je les erreurs des infidèles, ou exalterai-je les vérités de notre foi ? Incapables de se fixer à une seule opinion solide, les sages de la Grèce ont fabriqué sur la nature des choses mille opinions diverses, qui se combattent et se détruisent les unes les autres sans qu’il soit besoin que nous les attaquions. Comme ils ignoraient le vrai Dieu, ils n’ont pas admis une cause intelligente qui ait présidé à la création de l’univers ; mais ils ont forge des systèmes conformes à leur ignorance de l’Être suprême. Recourant à des causes matérielles , les uns ont attribué l’origine du monde aux éléments du monde même; les autres ont cru que les choses visibles sont composées de corps simples, d’atomes plus ou moins rapprochés , que de leur réunion ou de leur séparation résulte la génération ou la dissolution des êtres, que l’adhésion plias ferme et plus durable de ces mêmes atomes forme ce qu’on appelle les corps durs. C’est vraiment ne donner que des tissus de toile d’araignées, que de fournir des principes si faibles et si peu consistants du ciel, de la terre et de la mer, ils ne savaient pas dire, ces sages insensés : Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre. Aussi l’ignorance de la divinité les a-t-elle jetés dans l’erreur de croire que tout est régi par le hasard, et non gouverné par une suprême sagesse. » Basile développe une idée qui est fondamentale ici. Les sages de la Grèce dont il parle sont bien évidemment les différents maîtres des diverses écoles philosophiques. Ces gens ont tous en commun d’avoir spéculé. Ils ont hissé leur intelligence humaine, parfois peut-être avec des bribes de la tradition primordiale que j’évoquais plus tôt, au sommet de ce qui était possible de faire, à cette époque, et à cet endroit. Qu’est-ce que cela vaut ? Pas grand-chose au final, lorsque cela est comparé à une révélation. Nous sommes ici, nous rappelle Saint Basile, dans le cadre d’une révélation. L’auteur du monde nous explique le monde, dans ses propres mots, de façon compréhensible. Nous passons du philosophe qui pense que, au créateur du monde qui dit comment il a fait le monde. Rien à voir.

Basile poursuit « Au commencement , dit-il, Dieu créa. Oui, cette nature bienheureuse, cette bonté immense, cet être si cher à tous les êtres doués de raison, cette beauté si désirable, ce principe de tout ce qui existe, cette source de la vie, cette lumière spirituelle, cette sagesse inaccessible ; c’est lui qui au commencement créa le ciel et la terre. Ne vous imaginez donc pas, ô homme, que les choses visibles soient sans commencement ; et parce que les globes qui se meuvent dans les cieux y roulent en corde, et qu il n’est pas facile à nos sens d’apercevoir le commencement, d’un cercle, ne croyez pas que la nature des corps qui roulent en cercle soit d’être sans commencement. En effet, quoiqu’en général dans cette figure plane terminée par une seule ligne, nos sens ne puissent trouver ni par où elle commence , ni par où elle finit, nous ne devons pas supposer pour cela qu’elle soit sans commencement : Mais, quoique ce commencement échappe à notre vue, celui qui a tracé la figure en partant d’un centre et en s’éloignant à une certaine distance, a réellement commencé par un point. De même vous, quoique les êtres qui roulent en cercle reviennent sur eux-mêmes, quoique leur mouvement soit égal et non interrompu, n allez pas tomber dans l’erreur que le monde est sans commencement et sans fin. La figure de ce monde passe , dit saint Paul ( I . Cor. 7. 31.). Le ciel et la terre passeront , dit l’Evangile ( Matth. 24. 35. ). » Basile de Césarée avait reçu une éducation classique. Il avait étudié à Athènes les lettres, la rhétorique et tout ce qu’un jeune homme éduqué de son époque se devait d’étudier. Il connaît donc parfaitement ce qu’il dénonce. Il a appris tous ces systèmes grecs qui voyaient le monde matériel éternel. Il dit à ses compatriotes : je sais pourquoi vous pensez ainsi : tout se meut en cercle, et l’on ne peut discerner humainement un point de ce cercle qui fut le point de départ. Mais cela ne signifie pas que ce point de départ n’existe pas. En comme il y a un début, il y a aussi une fin : chose difficilement démontrable depuis une simple observation, pour un citoyen romain du cinquième siècle. Il nomme d’ailleurs plus loin les croyances les plus classiques de cette époque : le monde co-éternel à Dieu, où plus simple : le monde comme Dieu.

Comme Chrysostome, Basile fait remarquer que le texte s’adresse aussi aux croyants d’autres cultes de son époque : «Les sages du paganisme sont si éloignés d être attentifs à ces vérités, qui ils ne peuvent s’empêcher de rire quand nous leur parlons de la consommation du monde et de la régénération du siècle. Mais, comme le principe marche naturellement avant ce qui en dérive , l’écrivain sacré en parlant des objets qui reçoivent leur être du temps, a du débuter par ces mots : Au commencement Dieu créa. » Il faut bien comprendre, que pour nous qui vivons dans un monde où la Bible s’est imposée, à l’époque de Basile, et plus encore à l’époque de Moïse, le fait de dire qu’un seul Dieu, distinct de tout, avait créé tout le cosmos, était totalement révolutionnaire. Ce récit était hyper novateur, hyper original, et comme le dit Basile, risible pour les gens de l’antiquité. Cela ne correspondait pas du tout aux diverses visions du monde acceptable. La Bible faisait rire à l’époque ceux qui avaient une éducation philosophique et une pratique des cultes antiques et des religions à mystères. Aujourd’hui elle fait rire ceux qui prêtent une foi aveugle à la science. Il n’y a qu’au moyen-âge, que la Bible fut prise au sérieux, lorsque le monde était authentiquement chrétien.

Que l’on croit aux fariboles du Big Bang ou qu’on étudie la Genèse, une question vient immédiatement à l’esprit : qu’y avait-il avant ? Basile aborde ce point : « Il est probable qu’avant ce monde il existait quelque chose que notre esprit peut imaginer, mais que l’Écriture supprime dans son récit, parce qu’il ne convenait pas d’en parler à des hommes qu’on instruit encore, et qui sont enfants pour les connaissances. Oui, sans doute, avant que ce monde fût créé, il existait une constitution plus ancienne, convenable à des puissances célestes, une constitution qui a précédé les temps visibles, une constitution qui a commencé, mais qui ne doit jamais finir. Les ouvrages qu’y a formés l’Ouvrier suprême, le Créateur de l’univers, sont une lumière spirituelle, qui convient à l’état bienheureux d’êtres qui aiment le Seigneur, des natures raisonnables et invisibles, en un mot tout cet ordre de créatures spirituelles, auxquelles notre pensée ne peut atteindre, et dont nous ne pouvons même trouver les noms. C’est-là ce qui compose la nature du monde invisible, comme nous l’apprend le divin Paul : Tout a été créé en lui, dit-il, les choses visibles et invisibles, les trônes, les dominations, les principautés, les puissances ( Col. 1. 16. ) ; c’est-à-dire , les armées des anges commandées par les archanges. Dieu devait ajouter à ce qui existait déjà, ce monde, d’abord et principalement comme une école où l’esprit des hommes peut s’instruire : c’était ensuite un séjour parfaitement propre à des êtres qui s’engendrent et se dissolvent. » On voit ici, que pour ce saint père à l’orthodoxie au dessus de tout soupçon, il n’est pas impossible qu’il ait existé quelque chose avant. Mais ceci nous échappe de toute façon. C’est d’une autre nature, et Basile spécule sur la probabilité d’un monde antérieur qui soit lié aux anges. Mais notre monde, dit-il, d’une toute autre nature, est adapté à notre constitution, ce qui nous disqualifie pour savoir quoi que ce soit d’un monde angélique antérieur. Ainsi, dans le champ patristique, notre monde n’est potentiellement pas le premier.

Basile pose ensuite la problématique, d’une façon brillante, du début du temps et du séquençage du récit de la création. Quelle est la dimension chronologique de ce récit ? Il écrit : « l’Écriture dit-elle : Au commencement Dieu créa, parce que le ciel et la terre ont été créés dans un moment unique, sans aucun espace de temps, le commencement ne pouvant être coupé et divisé en plusieurs parties ? Car, de même que le commencement du chemin n’est pas encore le chemin, et que le commencement d’une maison n’est iras la maison ; ainsi le commencement du temps n’est pas encore le temps , n’est pas même la plus petite partie du temps. Que si quelqu’un soutient que le commencement du temps est le temps , il faudra qu’il divise ce commencement en plusieurs parties, lesquelles formeront un commencement, un milieu et une fin. Or il est pleinement ridicule d’imaginer le commencement d’un commencement. Celui qui divisera un commencement en deux parties, en fera deux au lieu d’un, ou plutôt un nombre infini, en divisant ce qui est déjà divisé. Afin donc que nous apprenions que la matière du monde a existé par un simple acte de la volonté de Dieu sans aucun espace de temps, il est dit: Au commencement Dieu créa. C’est le sens que plusieurs interprètes ont donné à ces mots, au commencement; ils l’ont entendu, tout ensemble, dans un moment indivisible. » Il poursuit plus loin pour expliquer la simultanéité absolue de tout dans l’acte souverain de la création « Si donc il ne dit rien des éléments, de l’eau, de l’air et du feu, vos propres réflexions doivent vous apprendre d’abord que tous les éléments sont mêlés avec tous les corps, que vous les trouverez tous dans la terre seule , puisque le feu jaillit des cailloux, puisque dans les chocs et les frottements on voit une grande abondance de feu sortir en brillant du fer même qu’on a tiré des entrailles de la terre. Et ce qui doit paraître admirable, c’est que le feu renfermé dans les corps y séjourne sans leur nuire ; et que lorsqu’on le tire au dehors, il consume les corps mêmes qui le recelaient. Ceux qui creusent des puits nous prouvent que l’élément de l’eau est aussi dans la terre; la même chose nous est prouvée de l’air par les vapeurs qu’exhale la terre humide lorsque les rayons du soleil l’échauffent. D’ailleurs , comme le ciel occupe naturellement un lieu élevé, la terre le lieu le plus bas; comme les corps légers s’élèvent vers le ciel, et que les pesants se portent vers la terre; comme le haut et le bas sont opposés l’un à l’autre , Moïse en faisant mention des deux êtres les plus éloignés, parle conséquemment de tous les êtres intermédiaires qui occupent le mi-lieu. Ainsi ne demandez pas un détail de tous les objets, mais que ce qu’on vous dit vous fasse comprendre ce qu’on ne vous dit pas. »

Basile va ensuite reconnaître que ces problématiques chronologiques ne sont pas essentielles. Il ne se joue rien de crucial dans le fait de savoir précisément si Dieu a crée l’eau avant de créer la terre, ou inversement, ou en même temps. En tout cas, on ne peut pas le déduire avec assurance de ce premier texte. Alors comment va-t-il faire pour trouver d’autres sources d’informations ? Il va aller à un autre endroit de la Bible. Ceci est un classique exégétique patristique : la Bible explique la Bible. « Qu’il nous suffise pour l’essence du ciel, de ce que nous lisons dans Isaïe. Ce prophète nous donne une idée suffisante de sa nature dans ces paroles qui sont à la portée de tout le monde: Celui, dit-il, qui a étendu le ciel comme une fumée (Is. 51. 6.); c’est-à-dire, qui a formé le ciel d’une substance légère, et non épaisse et solide. Quant à sa forme, ce qu’il dit en glorifiant Dieu doit nous suffire : Celui qui a établi le ciel comme une voûte (Is. 40.22.). Procédons de même pour ce qui regarde la terre. N’examinons pas avec trop de curiosité quelle est son essence, ne nous fatiguons pas à raisonner sur sa substance propre, n’allons pas chercher une nature qui par elle-même soit dépourvue de toute qualité; mais soyons convaincus que tout ce que nous voyons en elle appartient à son être, constitue son essence : car vous la réduirez à rien en lui ôtant les unes après les autres toutes les qualités qu’elle renferme. Oui, si vous lui ôtez le noir, le froid, le pesant, le serré, toutes les propriétés de saveur qu’elle peut avoir, et d’autres encore, il ne restera plus rien. Je vous exhorte donc à laisser là toutes ces recherches, à ne pas examiner non plus sur quoi la terre est fondée. »

Basile nous encourage ici à être apophatique. La Bible ne nous révèle pas tout. Il n’y a pas de connaissance absolue. La Bible dévoile la connaissance nécessaire et suffisante à la problématique de la vie chrétienne réussie. Elle dit beaucoup de choses, énormément même. Mais ce qui reste et restera pour toujours inconnu est immense. Basile explique par exemple que notre esprit ne peut saisir sur quoi la terre repose. Tout raisonnement logique s’épuise à cela. Basile poursuit : « Ainsi mettez des bornes à votre imagination , de peur que si vous prétendez découvrir des vérités incompréhensibles, Job ne réprime votre curiosité, et ne vous fasse cette demande: Sur quoi ses bases sont-elles affermies (Job. 38. 6.)? Si vous lisez dans les psaumes : J’ai affermi ses colonnes ( Ps. 64. 4. ), croyez que le prophète entend par colonnes la puissance qui tient la terre en place. Quant à ces mots: Il l’a fondée sur les mers (Ps. 23. 2. ), que signifient-ils autre chose sinon que les eaux enveloppent de tous côtés la terre ? Comment donc l’eau qui est fluide par sa nature et qui se précipite, demeure-t-elle suspendue sans couler d’aucune part ? ». On voit que pour Basile, la nature exacte de notre monde demeure mystérieuse. Il conclue son homélie sur ce passage par un nécessaire appel à la modestie, qui nous concerne tous. Nous ne savons pas totalement comment est notre monde. C’est la seule déclaration véritablement sage qu’on puisse faire sur le monde : nous ne comprenons pas comment est le monde.



Passons maintenant à Saint Augustin. Quelque chose de structurant dans l’approche patristique est peut-être apparu dans les commentaires précédents : les Pères approchent pratiquement toujours le texte en le questionnant. Ils posent tout un ensemble de questions, puis tentent d’y apporter les réponses. Mais c’est une méthode véritablement patristique et traditionnelle que de questionner le texte. Si le texte ne vous pose pas de questions, posez-vous des questions ! Voici une énumération de questions posées par lesquelles Augustin entame son commentaire sur ce tout premier verset : « « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Faut-il entendre par là l’origine du temps, les éléments primitifs de la création ou le principe suprême, je veux dire le Verbe, Fils unique de Dieu ? En outre, comment Dieu peut-il se manifester, et, sans cesser d’être immuable, créer des êtres soumis aux changements du temps ? Que signifient les mots ciel et terre? Représentent-ils les esprits et les corps que renferment le ciel et la terre, ou seulement les corps ? En supposant qu’il ne soit point ici question des esprits, les termes de ciel et de terre ne servaient-ils qu’à désigner la matière dans les régions supérieures ou inférieures de l’espace ? Sous les mots de ciel et de terre faut-il voir la substance matérielle ou spirituelle en l’absence de toute forme : je veux dire la vie de l’esprit, tel qu’il peut exister en lui-même, avant de s’être uni au Créateur, union qui fait sa beauté et sa perfection, et sans laquelle il ne possède pas sa forme véritable; je veux dire aussi la vie du corps, tel qu’on peut le concevoir dépouillé de toutes les propriétés que révèle la matière, quand elle a atteint sa perfection et que les corps ont pris les formes susceptibles d’être perçues par la vue ou tout autre sens ? Ou bien, faut-il entendre, par le mot ciel, la créature immatérielle, parfaite et bienheureuse du moment qu’elle reçut l’être ; par le mot terre, la matière imparfaite encore ? car, est-il dit, « la terre était invisible, sans forme, et les ténèbres étaient sur l’abîme, » expressions qui semblent désigner dans la matière l’absence de toute forme. Faut-il voir dans ce passage l’imperfection naturelle aux deux substances; au corps, par ce que la terre était invisible et sans forme; » à l’esprit, parce que les ténèbres étaient sur l’abîme ? » L’abîme ténébreux serait dans ce cas une métaphore pour désigner l’état primitif de l’esprit, avant qu’il s’unisse à son Créateur; cette union étant l’unique moyen de mettre en lui l’ordre, pour faire disparaître l’abîme, et la lumière, pour chasser les ténèbres ? Dans quel sens devons-nous aussi entendre que « les « ténèbres étaient sur l’abîme ? » Serait-ce que la lumière n’existait pas encore ? Car si elle eût existé, elle serait élevée et comme répandue, dans les régions supérieures : ce qui se fait dans les âmes lorsqu’elles s’attachent à la lumière immuable et toute spirituelle qui est Dieu. »

On voit ici que le nombre de questions est considérable. SI les Pères avait des qualités éminentes, la concision du propos n’en fait pas partie. Les réponses s’étalent sur des pages et des pages. Voyons quelques unes des réponses d’Augustin.

« Comment Dieu a-t-il dit: « Que, la lumière « soit ? » Est-ce dans le temps ou dans l’éternité de son Verbe ? Or, le: temps implique le changement ; dès lors Dieu n’a pu prononcer cette parole que par l’entremise d’une créature, puisqu’il es en dehors de tout changement. Mais si Dieu s’est servi d’une créature pour dire : « que la lumière soit, » comment la lumière serait-elle le premier être créé, puisqu’il aurait existé antérieurement une créature qu’il aurait employée pour dire que la lumière soit? » Faudrait-il, en se fondant sur le passage, « au commencement Dieu créa le ciel et la terre, » admettre que la lumière n’a pas été créée au début, et que des lors une créature céleste a pu faire entendre dans la succession de la durée cette parole : « Que la lumière soit ? » S’il en était ainsi, ce serait à l’instant où fut créée la lumière visible aux yeux du corps, que Dieu aurait employé un pur esprit, créé antérieurement et au moment même qu’il fit le ciel et la terre, pour prononcer le Fiat lux, comme le pouvait prononcer par un mouvement intérieur et mystérieux, cette sorte de créature sous l’inspiration divine. ». Ici Augustin s’intéresse à cette passionnante question de l’articulation du temps et de l’éternité. Qu’est-ce qui est relatif à l’éternité et au temps dans le récit ? On voit que la parole divine est créatrice. On peut alors se demander si Dieu a dit quelque chose avant que terre et ciel soient créés. Existe-t-il une parole qui nous est cachée ? Augustin se pose une question cruciale aussi : si la lumière est créée avant toute chose, alors le commencement n’est pas temporel. Le récit n’obéit pas à une chronologie. La Bible ne se soumet pas au temps.

Augustin continue son raisonnement au scalpel : « 5. Ou bien encore, quand Dieu: dit : « que la lumière soit , » aurait-il fait entendre un son matériel semblable à celui qui éclata, quand il dit : « Vous êtes mon Fils bien-aimé ? » et par le moyen de la créature à qui il donna l’être au moment qu’il fit le ciel et la terre; et avant la création de la lumière destinée à paraître au son de cette voix ? Et s’il en était ainsi, dans quelle langue aurait été prononcée là parole divine; « Que la lumière soit ?» Les langues ne se diversifièrent qu’après le déluge, lorsqu’on éleva la tour de Babel. Quelle serait donc cette langue simple, uniforme, dans laquelle Dieu aurait fait entendre : « Que la lumière soit? » Quel serait l’être qui dut entendre, comprendre cette parole et lui servir comme d’écho ? Mais n’est ce pas là un songe creux et une conjecture de la chair ? » Augustin en semblant tâtonner sait parfaitement où il va. Il est train de nous montrer que si ce « commencement » est temporel, alors s’additionne les problématiques de logique. Ainsi, Augustin retrouve par le simple raisonnement logique et intellectuel, ce que l’hébreu cachait dans ses lettres : ce commencement est le Verbe coéternel au Père. Il peut donc dérouler ainsi :

« Que faut-il donc dire ? L’idée cachée sous ces mots, «fiat lux, » n’est-elle pas, au lieu du son même des mots, la véritable voix de Dieu ? Et cette idée, n’est-elle pas de la nature même du Verbe dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu? » Car, si « tout a été fait par lui » il est manifeste qu’il a fait également la lumière, au moment où Dieu a dit : « Que la lumière soit. » D’après ce principe, la parole divine : « Que la lumière soit, » est éternelle ; car le Verbe de bien, Dieu au sein de Dieu, Fils unique de bien, est coéternel à son Père. Toutefois, la parole divine émise dans le Verbe éternel, n’a produit les créatures que dans le temps. Bien qu’en effet les expressions humaines d’époque, de jour, aient rapport à la durée, la désignation de l’instant où un acte divin doit s’accomplir est éternelle dans le Verbe ; quant à l’acte, il s’accomplit au moment où doit se réaliser la conception du Verbe, qui reste en dehors de toute époque, parce que tout en lui est éternel. »

Augustin n’est pas seulement un logicien implacable. Comme Chrysostome ou Basile, et peut-être plus encore, c’est un écrivain, un styliste. Son commentaire peut-être littéraire. Voici cet extrait des confessions pour vous en donner une petite saveur : « . Et voilà donc le ciel et la terre ! Ils sont. Ils crient qu’ils ont été faits ; car ils varient et changent. Or ce qui est, sans avoir été créé, n’a rien en soi qui précédemment n’ait point été ; caractère propre du changement et de la vicissitude. Et ils ne se sont pas faits ; leur voix nous crie : C’est parce que nous avons été faits que nous sommes; nous n’étions donc pas, avant d’être, pour nous faire nous-mêmes. L’évidence est leur voix. Vous les avez donc créés, Seigneur ; vous êtes beau, et ils sont beaux ; vous êtes bon, et ils sont bons ; vous êtes, et ils sont. Mais ils n’ont ni la beauté, ni la bonté, ni l’être de la même manière que vous, ô Créateur ; car, auprès de vous, ils n’ont ni beauté, ni bonté, ni être. Nous savons cela grâce à vous ; et notre science, comparée à la vôtre, n’est qu’ignorance. » (Confessions livre XI)

Pour terminer, j’aimerai ajouter un commentaire d’Origène : « Dans le commencement Dieu créa le ciel et la terre. Qu’est-ce que le commencement de toutes choses sinon notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, le premier né de toutes créatures ? Dans ce commencement, d’ailleurs, qui est son Verbe, Dieu fit le ciel et la terre, comme le dit l’évangéliste Jean au début de son évangile : au début était le verbe, et le verbe était auprès de Dieu et le verbe était Dieu». Origène, comme nombre d’autres pères se focalise ici sur le commencement. Il nous dit : dans ce texte là, la notion de commencement est vitale. Et nous ne devons pas rester passifs en lisant les Pères de l’Église. Cela doit nous faire sortir du rôle de spectateur, ou pire de consommateur, pour passer à celui d’acteur. Posons nous cette question presque obligatoire : ce commencement est-il le seul commencement ? N’y a t il pas d’autres commencements ? Et en tout dans la Bible, il y a trois livres qui commencent par cette notion de commencement. C’est tout de même assez important pour être relevé. Quels sont ces trois commencements ? Il y a celui-ci, puis celui de Marc « commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu », et enfin celui de Jean « au commencement il y avait le logos ». Trois commencements pour un Dieu trinitaire, c’est comme cela que la Bible nous enseigne. La Bible n’est pas un traité de dogmatique, écrit de façon systématique et ordonnée comme le réclame stupidement les hérétiques. La Bible ne dit pas au chapitre 2, point 4 : « Dieu est une trinité de Personnes ». La façon biblique de dévoiler la Trinité est cela : trois livres qui fondent trois commencements. D’ailleurs, sans être trop analytiques, on peut dire que le commencement de la Genèse nous dévoile le Père, celui de Jean le Fils et celui de Marc l’Esprit. Pourquoi le dernier serait-il celui de l’Esprit ? Parce que c’est un commencement qui est tourné vers la prédication apostolique. On ne parle pas de la fondation du monde, ou du rôle du Fils dans cette fondation. On parle de l’Evangile. C’est donc l’Église. Et l’esprit sera le grand sujet du verset suivant et donc de notre prochaine explication biblique.