Boulgakov : l'orthodoxie (chap 1, premier commentaire) : l'Orthodoxie est l'Eglise du Christ sur terre
L’Orthodoxie
l’Eglise
Jésus a vécu parmi les hommes et il est mort sur la Croix, mais il est ressuscité et il est monté au ciel. Or, l’ayant fait il ne s’est pas séparé de son humanité, il demeure en elle maintenant, toujours et dans les siècles des siècles.
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Commentaire/Analyse
L’Orthodoxie, du Père Serge, est un ouvrage assez court (216 pages dans mon édition) étant donné le sujet. Il ne s’agit pas d’une somme dogmatique énorme avec un vocabulaire très technique. Néanmoins, dans ce premier paragraphe de ce premier chapitre, on voit que son ouvrage est une présentation davantage qu’une vulgarisation. La première phrase m’a toujours semblé d’une puissance extraordinaire, car elle synthétise tout. Elle prend également de front l’un des deux grands problèmes que se posent les gens qui demeurent sur le seuil de la porte : qu’est-ce que l’Eglise ? Comment du Christ, ce rabbi fascinant, sommes-nous passés à cette institution étrange ? Le deuxième problème étant : qu’est-ce que le Saint-Esprit (corollaire de l’étrangeté de la Trinité) ?
Il me semble que le Père Serge n’était pas perdu dans les cimes de la théologie, mais avait bien saisi de façon concrète, ces légitimes interrogations que chacun se pose au tout début de son cheminement en Dieu. Il y répond donc d’emblée : l’Eglise n’est pas une institution (même si elle a de par le fonctionnement du monde également dû manifester une dimension institutionnelle). Elle est l’endroit où l’on expérimente, réalise, construit, pérennise sa relation avec le Christ. Cette relation est indissociable de l’action de l’Esprit-Saint. Même s’il est bien plus que ça, dans une présentation consacrée à l’Eglise, le Père Serge choisit de nous renvoyer très logiquement vers un Esprit qui permet cette vie en Christ. Si on devait schématiser grossièrement on dirait que le Christ est le but, et que l’Esprit est le moyen.
La théologie, comme toute discipline, utilise un vocabulaire. Et dès le deuxième paragraphe, voici que nous avons deux inventions, deux néologismes anxiogènes : déi-humaine et théanthropique. Ces deux termes pointent vers le même concept. Comme ce concept n’existait pas avant le Christianisme, le vocabulaire ne l’avait pas synthétisé pour le penser ou l’exprimer. Ces deux mots expriment une forme d’union, de relation entre le divin et l’humain. Ces mots expriment la spécificité mystique profonde du Christianisme orthodoxe : l’union entre l’humain et le divin. Et le terme, ne met jamais l’humain en premier. Mettre l’humain au rang du divin, c’est là toute l’idolâtrie. Remarquez comment le terme place Dieu en premier, puis l’homme. Ceci résume de façon lumineuse que tout part de Dieu. Et enfin, Le Père Serge nous rappelle ce que cela signifie pour l’homme. La vision orthodoxe de l’homme est donc, très élevée, la plus élevée qui n’ait jamais été pensée dans l’histoire de l’homme : l’humanité est éternellement unie au divin, en dehors de ce monde. Et cette union, cette participation à la nature divine dit le Saint Apôtre Pierre dans sa deuxième épître, qui est possible, c’est le Christ et l’Esprit qui nous offrent la possibilité de la réaliser. Cette réalisation de l’inouï, c’est à, dans et par l’Eglise que nous autres humains, allons la réaliser.
Ceci est bien éloigné de ce qu’est le Christianisme pour ceux qui le perçoivent comme une morale exigeante. C’est tellement plus que cela. Cela a voir, de façon radicale, avec la vie et la mort. La vie en plénitude. Sans fin. Loin de la perception athée qui voit dans la religion quelque chose de morbide, le chrétien aime tant la vie, qu’il ne veut pas qu’elle s’arrête. Le chrétien, sans laisser de côté l’humilité qui doit guider ses pas, sait qu’il est appelé à un destin grandiose qui le différencie de tout le reste de la création : participer à la glorieuse vie divine.