L’Orthodoxie

l’Eglise

L’humanité est une dans le Christ. Tous les hommes sont les sarments de la même vigne, les membres d’un corps unique. La vie de chacun s’étend infiniment à celle des autres. C’est « la communion des saints ». Chaque homme dans l’Eglise vit de la vie de toute l’humanité ecclésialisée, il est l’humanité : homo sum et nihil humani me alienum esse puto. Et il s’agit non pas seulement de l’humanité des vivants qui se tiennent avec nous en prière et au travail, devant le Seigneur, puisque la génération présente ne compose qu’une page du livre de la vie, mais encore de l’humanité en Dieu et dans son Eglise, où il n’y a point de distinction entre les vivants et les morts, car en Dieu tous sont vivants : Dieu est « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Mt XXII,32) (Et ceux qui ne sont pas nés, mais qui sont à naître, vivent déjà dans l’éternité de Dieu). Cependant, même le genre humain tout entier n’est pas la limite de la catholicité ecclésiale, puisque le chœur des anges entre aussi dans l’Eglise en vertu de sa relation intime avec l’homme. L’être même du monde angélique est inaccessible au regard corporel, il ne peut être attesté que par une expérience spirituelle, perçu par les yeux de la foi : il en va de même et surtout pour notre unification dans l’Eglise par le Fils de Dieu, qui a réuni ce qui est de la terre et ce qui est du ciel, et qui a levé la barrière entre le monde angélique et celui des hommes. Or, le créé tout entier, la nature et l’univers, sont liés au chœur des anges et au genre humain. Ils sont commis à la garde des anges et soumis à la domination de l’homme, dont la création entière partage la destinée : avec nous elle gémit et elle souffre maintenant encore ; « attendant l’adoption et la rédemption de notre corps » (Rom, VIII :22-23), sa transfiguration en « créature nouvelle » avec notre résurrection. Ainsi donc, dans l’Eglise, l’homme devient un être universel, et sa vie en Dieu l’unit à la vue de la création entière par les liens de l’amour cosmique. « Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le choeur des anges, de l'assemblé des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l'aspersion qui parle mieux que celui d'Abel ». Telles sont les limites de l’Eglise. En tant que telles, unissant les vivants et les morts, les ordres angéliques et la créature entière, l’Eglise est invisible, encore que non pas inconnaissable. Ses limites sont au-delà de la création du monde et de l’homme, elles se perdent dans l’éternité.


Commentaire/Analyse



La problématique des limites de l’Eglise est un souci qui traverse toutes les époques. C’est la réactualisation chrétienne de la problématique antérieure (et toujours actuelle pour eux) : qui est juif ? Elle est réactualisée en : qui est orthodoxe ? Est-ce que l’orthodoxie est la frontière de l’Eglise ? Est-ce que les contours de l’Eglise sont dogmatiques ? Il est très difficile de répondre catégoriquement à cette question, et c’est en même temps très simple. Avant d’y répondre, il est important de préciser la chose suivante : en relisant le discours eschatologique du Christ dans l’Evangile de Matthieu, on comprend parfaitement que la problématique du salut n’est pas liée à une question dogmatique. Donner à boire à qui a soif se pratique chez les non orthodoxes, et certains orthodoxes ne le pratiquent pas. Le salut se jouera sur la relation à l’autre. On ne va pas au paradis en faisant des carêmes et des liturgies. Certains orthodoxes le croient, mais c’est une vision naïve et simpliste de l’orthodoxie. Ce sont nos pharisiens (lorsqu’on reçoit le terme pharisien comme celui qui s’estime sauvé par sa pratique).

Répondons maintenant à la question que laisse entrevoir le Père Serge : l’Eglise est le corps du Christ. Ce corps n’a pas de frontière. Il est divin. Il est illimité. Ceci vaut pour la dimension divine, invisible de l’Eglise. Le Père Serge explique que l’Eglise regroupe ainsi la communion des Saints et les ordres angéliques. Lorsque nous célébrons les divins mystères, nous avons autour de nous les Saints Pères, les Saints ascètes, les anges, etc. Et ils sont à la fois présents dans tous les lieux où se déroule une divine liturgie. Ils sont présents, de même que la Theotokos et le Christ en personne. Cela représente donc une pure et simple abolition du temps et de l’espace. Les notions de présence en théologie n’ont pas grand-chose à voir avec les problématiques physiques. Le comportement de la lumière dans certaines expérimentations de physique quantique laisse néanmoins entrevoir que nous ne sommes pas fous en affirmant pareille chose. La partie divine est bien identifiée dirons-nous. Le problème arrive lorsque nous devons considérer la dimension humaine de l’Eglise.