Texte original grec du fragment (et traduction)

texte original

οἱ μὲν γὰρ ἀπείρους τῷ πλήθει τούς κόσμους ὑποθέμενοι, ὡς οἱ περὶ Ἀ. καὶ Λεύκιππον καὶ Δημόκριτον καὶ ὕστερον οἱ περὶ Ἐπίκουρον, γινομένους αὐτοὺς καὶ φθειρομένους ὑπέθεντο ἐπ' ἄπειρον, ἄλλων μὲν ἀεὶ γινομένων ἄλλων δὲ φθειρομένων καὶ τὴν κίνησιν ἀίδιον ἔλεγον· ἄνευ γὰρ κινήσεως οὐκ ἔστι γένεσις ἢ φθορὰ.

traduction proposée

Ceux qui faisaient grandir le nombre de mondes jusqu’à l’infini, comme Anaximandre, Leucippe et Démocrite, ou à une époque plus tardive Épicure, disaient qu’ils advenaient et se détruisaient de façon infinie, certains advenant, et d’autres se détruisant, sans que le mouvement soit à l’origine de cette destruction.



Commentaire/Analyse





Ce fragment est présenté comme fragment d’Anaximandre. Mais on voit bien qu’il s’agit d’un fragment sur Anaximandre, et nous n’avons donc pas ici la parole d’Anaximandre. On remarquera encore une fois cette présentation finalement très rabbinique (Rabbi A, B et C ont enseigné que…) qui laisse à penser que le mode de fonctionnement rabbinique est finalement plus « classique » que cela, et que l’antiquité fonctionnait toute entière sur ce mode de transmission orale. On ne mettra pas en cause la véracité, la cohérence et la continuité de la vision cosmique du monde entre ces quatre grands noms de la philosophie présocratique. Partons du postulat qu’il y eut continuité. Qu’est-ce que cela montre ?

Le savoir commun académique actuel enseigne qu’Anaximandre c’est -610 à -546. Leucippe c’est -460 à -370. Démocrite c’est aussi -460 à -370. Et enfin Épicure c’est -342 à -270. En comparaison, Socrate c’est -470 à -399. Platon c’est -428 à -348.

En terme d’histoire sainte, pour faire un parallèle Moïse c’est -1390 à -1270. David c’est -906 à -836. Isaïe c’est -600, comme Daniel. Cessons ce déluge de dates pour ne pas prendre un cadre trop scolaire. La vision cosmique qui était celle d’Anaximandre perdura pendant quatre siècles.

Au-delà du fait de comprendre véritablement ce qu’elle était (la précision sur le mouvement est plus énigmatique qu’autre chose), cela entraîne une conclusion et une illustration concernant le Christ.

La conclusion est qu’on ne peut sérieusement pas dire grand-chose de ce que pensait Anaximandre sur ce point précis à partir de ce fragment. On annonce souvent que les grecs croyaient en l’éternité de la matière et du temps. Pour l’instant, au niveau de ce qui a été traduit ici, rien ne permet de l’affirmer avec force. Mon but ici n’est pas de faire d’Anaximandre un Moïse ou Josué grec, mais d’appeler à la modestie. Nous ne savons pas exactement ce que pensaient les écoles grecques. N’oublions pas que souvent dans l’histoire des idées, des gens projettent leurs propres idées sur les textes qu’ils étudient pour donner à leur propos une antiquité et une ancienneté validant leur position. Mes études islamiques et maçonniques ont amplement démontré, s’il était besoin, l’existence de ce genre de phénomène. Et ces projections, tout en étant fausses sont parfaitement sincères. Puis, par imitation, l’on répète ce qui a été dit par le précurseur dans cette position. Il faut l’arrivée de quelqu’un de déterminé à revoir la position pour mettre la première théorie à mal. Ceci dans le domaine historique est presqu’un classique. Les premières études sur l’inquisition catholique romaine avait ainsi dépeint quelque chose de très sombre : un tribunal au fonctionnement stalinien, extrêmement cruel, recourant systématiquement à la torture. D’autres études sont venues pour nuancer cela et montrer quelque chose de plus conforme à la réalité historique… Ainsi, le travail présenté ici sur les présocratiques, part du principe que nous ne savons rien sur eux, et ne sait pas à quelle conclusion il parviendra…

Passons à l’illustration concernant concernant Jésus. Il s’est entouré de douze disciples. Lorsque l’on considère les choses sous l’angle de la transmission orale, on doit considérer les douze apôtres comme deux groupes de six. Le nombre de six est attesté dans plusieurs études concernant la transmission orale en milieu sémite. Je veux croire à un fonctionnement plus vaste, et y voir (peut-être avec une arithmétique différente selon les groupes culturels) un fonctionnement antique, vous l’aurez compris. Mais restons sur six pour l’exemple. Six est idéal pour une progression très importante du nombre de disciples (qu’on appelle en mathématiques une progression géométrique). Ainsi, chaque personne enseignée va lui-même faire six nouveaux disciples et être pour eux ce que son maître fut pour lui. Chaque apôtre va être pour ses six disciples, ce que le Christ fut pour lui. Pour ce premier cercle, vous passez à 6 x 12 = 72. Vous retrouvez ainsi le nombre d’apôtres de certaines énumérations traditionnelles (dont l’Évangile de Luc). Si on dit que chacun de ces 72 apôtres de ce deuxième cercle apostolique fait lui-même 6 disciples on monte à 432. Or, 432 + 72 = 504, c’est-à-dire un chiffre très proche des 500 donnés par Paul comme témoins du ressuscité dans sa première aux Corinthiens. On dira que 500 et 504 ce n’est pas pareil. Mais les Juifs, lorsqu’ils parlent de nombres, ne respectent pas les mathématiques. Les habitués de la Bible le savent. 72 a été conservé, car c’est un chiffre important du point de vue religieux (il est lié aux anges) tandis que 504 n’a pas de signification précise. 500 par contre montre une plénitude du 5 : 5 x 100. Il est possible que la vision du monde qu’avait Anaximandre, soit passée à ses successeurs d’une façon très proche de celle du Christ à son Église. Il se peut même que cette façon était identique. Ainsi on peut conjecturer que le Christianisme s’est développé spontanément dans les milieux hellénistiques non pas seulement par son contenu, mais également par son mode de transmission.