le cadastre de la terre sainte

original anglais

The Talmudic Girdle of the land under the second temple, taken out of the Jerusalem Sheviit, fol 36.3 ניסים שבים ibid col, 4

תחומי א"י כל etc. unto דאשקלון What all these things mean, I cannot so much as conjecture; yea, nor can I scarce conjecture, what the meaning is of some of them. Neither is there any Oedipus at hand, nor Sphinx herself, to explain and unriddle them. The talmudists are silent from making any comments here, nor have we the advantage of any other commentator. We must, therefore, act here according to the uncertain instruction of nods and winks; and that either by saying nothing, or by mere conjecture, since that the mind of the authors is neither altogether unknown, or it is wholly doubtful, whether it be known or no. Expect not, that I go from street to street to knock at all the gates of these places : it will be enough, if we can scrape out, in what regions these places lie, and are able to guess at what points of the heaven they are disposed. We will at present take in hand only the first and last clause of this place quoted;which may have some tendency towards entrance into our present business. The rest (if there be any we can attain unto) we shall handle in their proper places.

“These (say they) are the bounds of the land of Israel, which they possessed that came out of Babylon”. פרשת חומת מגדל שיד "The division, or part, of the walls of the tower Sid”. Nor dare I confidently to assert, that this is spoken of the 'tower of Strato' or “Caesarea”; nor yet do I know to what it may more fitly be applied. We observe in its place, that that tower is called by the talmudists,  מגדל שיר  "the tower of Sir” : which by how very little a point it differs from this word, and how very apt it is by want of care in writing to be confounded with it, the eye of any reader is witness. It may happily confirm this conjecture, that  עכו the name Aco, so soon follows  שינ"דרור only coming between. Concerning which we have nothing to say, if that, which we meet with in the writers of the Babylonian Talmud, may not have any place here. They say תא דרך תחתית חהרים  , etc. “Go in the lowest way, below the mountains” and they will protect you from showers and rain. Hence, therefore, it may be supposed, that the word  שינ" doth denote some way at the foot of some mountainous place, which was, as it were, the dividing line between the 'land of Israël ' and 'without the land'; perhaps at the foot of mount Carmel : but we do not assert it : we had rather profess silence and ignorance, than, by a light of conjecture, either to deceive others or be deceived ourselves.

These places, concerning which the talmudists here treat, are of a different condition from those, which were called  מדינת הים  "the region of the sea”. For those places were certain towns, here and there, on this sea-coast, and elsewhere; which were, indeed, inhabited by heathens, and so could not properly reckoned the 'land of Israël'; yet they were such, as between which, and the outmost bounds of the land, was again the land of Israël. But these places, which we are now handling, are those, which were the utmost bounds, and beyond which were no places at all, but what was reckoned the 'land of the heathen' : the phoenicians, syrians, or other gentiles, possessing all that coast thence forward unto the shore of the mediterranean sea.

We cannot also pass by those things, that are said by the gemarists in the very same page, from whence the scheme before-mentioned is taken.  הניסים שבים , etc. “You see isles in the sea; and if a line were drawn from the mountains of Amana to the river of Egypt, - whatsoever it within the line, belongs to the land of Israel; whatsoever is without the line, is without the land” after the same manner speaks the Targum of Jerusalem upon Num XXXIV: : “and their western bounds shall be the great sea, and the isle of it”. Isles ? What isles ? Let the authors of the maps well weigh these passages.

traduction : La division de la terre

Le collier talmudique de la terre sous le second temple, pris dans le traité Jérusalem Sheviit, 36.3 ניסים שבים ibid col, 4

תחומי א"י כל etc. jusque דאשקלון Ce que toutes ces choses signifient, je ne peux que conjecturer; Je ne peux que difficilement conjecturer quelle est la signification de certaines d’entre elles. Je n’ai sous la main, ni Œdipe, ni le Sphynx lui-même pour les expliquer et les solutionner. Les talmudistes sont silencieux ici dans leurs commentaires, et nous n’avons l’aide d’aucun autre commentateur. Nous devons donc, agir avec les instructions incertaines de clignements d’yeux et de signes de tête; Et ceci n’en dit pas plus, ou par simple conjecture, car la pensée des auteurs nous est totalement inconnue, ou bien totalement douteuse, que nous la connaissions ou pas. N’attendez pas que j’aille de rue en rue, frapper à toutes les portes de ces lieux : il sera suffisant, si nous pouvons y gratter, dans quelles régions sont ces lieux, et si nous pouvons deviner à quels points du ciel ils sont placés. Nous voulons aujourd’hui n’utiliser que les premières et dernières citations de lieux ; lesquels pourraient avoir tendance à entrer dans notre affaire. Le reste (s’il en est que nous puissions atteindre) sera géré dans leurs lieux propres.

“Ceci (disent-ils) sont les limites de la terre d’Israël, que possédaient ceux qui sortirent de Babylone ». פרשת חומת מגדל שיד « la division, ou partie, des murs de la tour Sid ». Je n’ose affirmer avec confiance, que ceci parle de la tour de Strato ou de Césarée. Je ne sais pas à quoi cela pourrait être attribué plus correctement. Nous observons à son emplacement, que la tour est appelée par les talmudistes, מגדל שיר  « la Tour de Sir » : ce qui diffère très légèrement de ce mot par un petit point, et le rend très apte à être confondu, l’œil du lecteur en sera témoin. Il pourra tout aussi confirmer cette conjecture, à savoir que le terme עכו Aco, suit rapidement שינ"דרור, qui vient seulement entre, concernant lequel nous n’avons rien à dire, si ce n’est, que nous le rencontrons dans les écrits du Talmud babylonien, qu’il n’est ne serait pas placé ici. Il disent תא דרך תחתית חהרים  Etc, « va par le chemin le plus bas, sous les montagnes » et elles te protégeront des averses et des pluies. Ainsi donc, on peut supposer, que le mot שינ" fait référence au pied d’une zone montagneuse, qui était alors, la séparation entre ‘la terre d’Israël’ et ‘en dehors de la terre’ ; peut-être le pied du Mont Carmel : mais nous ne l’affirmons pas. Nous préférons le silence et l’ignorance, qui à la lumière d’une conjecture, peut soit tromper les autres, ou nous tromper nous-même.

Ces lieux que traitent les talmudistes, ont une différence notable, appelée מדינת הים  , la région de la mer. Dans ces lieux, nous avons certaines villes, ici et là, sur la côté de cette mer, et ailleurs ; Celles-ci étaient d’ailleurs habitées par des païens, et ne peut pas être légitimement comptée ‘terre d’Israël’. Il y en avait d’autres du même type, plus à l’intérieur des limites extérieures de la terre, et qui étaient considérées dans la terre d’Israël. Mais ces lieux que nous étudions, étaient ceux qui étaient les limites les plus extérieures, au-delà desquels était reconnue ‘la terre des païens’ : les phéniciens, les syriens, et autres gentils possédaient toute la côte jusqu’au rivage de la méditerranée.

Nous ne pouvons non plus ignorer ces choses dites par les guémaristes dans les mêmes pages, d’où le propos mentionné est tiré. הניסים שבים Etc, « vous voyez des îles dans la mer ; et si une ligne était tracée des montagnes d’Amana jusqu’à la rivière de l’Egypte, tout ce qui se trouve dans cette ligne appartient à la terre d’Israël. Et tout ce qui n’est pas dans la ligne est sans la terre », selon la façon dont le Targoum de Jérusalem déclare sur Nb 34 : « et les limites occidentales seront la grande mer, et leurs îles ». Quelles îles ? Que les auteurs des cartes prennent bien en compte ces passages.


Commentaire/Analyse

Deux choses à retenir de ce second chapitre. Premièrement Lightfoot n’a pas de paresse lorsqu’il déclare qu’il ne va pas aller sur le terrain, frapper à chaque porte pour demander des précisions géographiques. Pourquoi ? Parce qu’à son époque il n’aurait pas trouvé de personnes capables de lui répondre. Les communautés juives les plus à même de répondre n’étaient justement pas sur la terre sainte, ou très peu, mais plutôt dans de grands centres urbains européens. Vous avez plus de chance de glaner une information auprès d’un grand maître espagnol (Maïmonide, Nachmanide) ou Lithuanien (Gaon de Vilna) [même si ces maîtres sont anachroniques pour Lightfoot] relativement à un passage obscur du Talmud, que d’aller sur place demander une information à un autochtone d’origine turque ou arabe qui ne vit pas selon la Torah de Moïse. C’est donc le bon sens qui guide Lightfoot ici. Il y a beaucoup d’humilité dans sa démarche, car il sait pertinemment que le Talmud partage cette particularité avec le biblique : le but n’est pas la vraisemblance historique ou géographique, mais l’enseignement spirituel. Les détracteurs ignares pointent souvent ces problèmes pour discréditer l’ensemble. Cela a autant de valeurs que si quelqu’un attaquait une œuvre de science-fiction pour en attaquer la morale ou le message. La nuance évidemment, est que le biblique ou la talmudique, n’est pas fictionnel comme la science-fiction, mais plutôt théâtral ou d’un genre romanesque littéraire très particulier : on emprunte des éléments du réel et on les réagence pour faire passer un message. Ceci est un préalable de compréhension pour toute étude sérieuse. Les fondamentalistes n’ont généralement pas perçu cette subtilité.

Deuxièmement ce passage nous enseigne, puisque la terre d’Israël est métaphore du paradis ou de l’Eglise, que les contours en sont complexes à percevoir. Il est impossible de définir ce qui est véritablement paradisiaque. Il est impossible de définir ce qu’est véritablement l’Eglise. Dès qu’on en donne une définition, viennent immédiatement de multiples exceptions à cette règle, pour répondre à tel ou tel cas particulier. Le jugement dernier reste incertain. Et c’est très bien comme cela. On a du mal à définir qui en est, et qui est exclu.

Il y a d’autres passages de la tradition rabbinique à rapporter relativement à cette problématique de territoire, très proche de ceux de Lightfoot. Dans la Meggila 6A, on a le texte suivant : « Rabbi Eliezer a dit : le prophète a dit (il s’agit de Sophonie 2:4) ‘Ekron sera déracinée’. Cela fait référence à Kisri, ville d’Edom, qui était située dans les sables, et ville extrêmement dangereuse à l’époque des grecs. Lorsque les roi hasmonéen l’a finalement conquise, ce jour fut appelé le jour de la prise de la tour de Shir. A un autre endroit elle s’appelle tour de Shid, et encore tour de Zur. »

La prophétie de Sophonie est la suivante : « Car Gaza sera délaissée, Askalon sera réduite en désert, Asdod sera chassée en plein midi, Ékron sera déracinée » (2:4). Elle renvoie à ce passage du livre de Josué : «Josué était vieux, avancé en âge. L’Éternel lui dit alors: Tu es devenu vieux, tu es avancé en âge, et le pays qui te reste à soumettre est très grand. Voici le pays qui reste: tous les districts des Philistins et tout le territoire des Gueschuriens, depuis le Schichor qui coule devant l’Égypte jusqu’à la frontière d’Ékron au nord, contrée qui doit être tenue pour cananéenne, et qui est occupée par les cinq princes des Philistins, celui de Gaza, celui d’Asdod, celui d’Askalon, celui de Gath et celui d’Ékron, et par les Avviens; à partir du midi, tout le pays des Cananéens, et Meara qui est aux Sidoniens, jusqu’à Aphek, jusqu’à la frontière des Amoréens; le pays des Guibliens, et tout le Liban vers le soleil levant, depuis Baal Gad au pied de la montagne d’Hermon jusqu’à l’entrée de Hamath; tous les habitants de la montagne, depuis le Liban jusqu’à Misrephoth Maïm, tous les Sidoniens. Je les chasserai devant les enfants d’Israël. Donne seulement ce pays en héritage par le sort à Israël, comme je te l’ai prescrit; et divise maintenant ce pays par portions entre les neuf tribus et la demi-tribu de Manassé. » (Jos 13:1-7). Ce passage semble indiquer un cadastre possible, mais il faut bien comprendre que ce n’est pas le seul dans le biblique. Ce passage est à comparer avec Nombres : « L’Éternel parla à Moïse, et dit: Donne cet ordre aux enfants d’Israël, et dis-leur: Quand vous serez entrés dans le pays de Canaan, ce pays deviendra votre héritage, le pays de Canaan, dont voici les limites. Le côté du midi commencera au désert de Tsin près d’Édom. Ainsi, votre limite méridionale partira de l’extrémité de la mer Salée, vers l’orient; elle tournera au sud de la montée d’Akrabbim, passera par Tsin, et s’étendra jusqu’au midi de Kadès Barnéa; elle continuera par Hatsar Addar, et passera vers Atsmon; depuis Atsmon, elle tournera jusqu’au torrent d’Égypte, pour aboutir à la mer. Votre limite occidentale sera la grande mer: ce sera votre limite à l’occident. Voici quelle sera votre limite septentrionale: à partir de la grande mer, vous la tracerez jusqu’à la montagne de Hor; depuis la montagne de Hor, vous la ferez passer par Hamath, et arriver à Tsedad; elle continuera par Ziphron, pour aboutir à Hatsar Énan: ce sera votre limite au septentrion. Vous tracerez votre limite orientale de Hatsar Énan à Schepham; elle descendra de Schepham vers Ribla, à l’orient d’Aïn; elle descendra, et s’étendra le long de la mer de Kinnéreth, à l’orient; elle descendra encore vers le Jourdain, pour aboutir à la mer Salée. Tel sera votre pays avec ses limites tout autour. » (Nb 34:1-13). L’enquête de Lightfoot consiste à trouver la cohérence dans tous ces passages. La conclusion temporaire de son enquête, est qu’il est difficile de le conclure. Ceci ne surprendra pas, pour les raisons expliquées plus haut…

Par contre l’analyse de Lightfoot est surprenante, car il déclare ne pas trop savoir quelles sont les limites de la terre sainte, mais ne précise pas que dans la tradition rabbinique, ce cadastre est également des plus fluctuants. Pourtant, il part du traité Shevi’it qui montre ceci de façon exemplaire. Je ne le soupçonne pas le moins du monde de ne pas connaître certains passages. C’est assez étrange, ou bien cela viendra plus tard dans son œuvre (que je n’ai pas encore lue en entier au moment où je la commente).

La mishna 6:1 de Shevi’it déclare : « il y a trois terres en regard de la septième (année) : tous ceux qui sont montés de Babylone prennent la terre jusque Keziv : on ne peut en manger et y travailler ; et tous ceux qui sont venus d’Egypte ont pris de Keziv jusque la rivière Amana : on peut en manger et pas y travailler ; de la rivière on peut travailler et manger ».

La mishna 9:2 de Shevi’it déclare : « il y a trois terres en regard du Biur : la Judée et l’autre côté du Jourdain et la Galilée ; et chacune consiste en trois zones ; La Haute-Galilée, la Basse-Galilée et la vallée ; de Kefer Khananiyah et plus haut, partout où les sycomores ne poussent plus c’est la Haute-Galilée ; et de Kefar Khananiyah et plus bas, où poussent les sycomores, c’est la Basse-Galilée. Et la région de Tibériade est la vallée de Judée : les montagnes, les basses plaines et la vallée. Les basses plaines de Lod sont comme les basses plaines du sud, et sa région montagneuse est comme la montagne du roi. De Beis Choron jusqu’à la mer, c’est une province »

La septième année et le Biur sont des commandements particuliers que nous traiterons ultérieurement. On voit que l’observance sur la terre d’Israël connaît des modulations en fonction du lieu. C’est très déroutant au premier abord. C’est dans les commentaires talmudiques de ces passages que Lightfoot a pris ses sentences talmudiques, précisément dans le Talmud de Jérusalem. Il nous donne l’impression de chercher un cadastre fixe, et ne voit pas qu’il est par essence changeant. C’est en partant de cette constatation littérale que l’herméneutique avancée est possible : le salut fluctue en fonction des époque, et seul Dieu en connaît les contours.