Justice divine : les traces géographiques

original anglais

Lightfoot chapter IX : A Sight of Judea

"In Judea is the mountainous country, the plain, and the vale. What is the mountainous country of Judea? It is the king's mountain. The plain of it is the plain of the south. The vale is from En-gedi to Jericho. The plain of Lydda is as the plain of the south: and its mountainous country is as the king's mountainous country. From Beth-horon to the sea is one circumjacent region. Rabbi Jochanan saith, Yet it hath a mountainous part, a plain, and a vale. From Beth-horon to Emmaus is mountainous, -- from Emmaus to Lydda is plain, -- from Lydda to the sea is valley."

Judea is not divided amiss into four parts: -- namely, into the country, which formerly was the Philistines', which takes up the western part. To this joins, on the east, the mountainous country of Judea, which is also called "The king's mount." To the mountainous country, on the east, joins a plain, a country more low and level than the mountains, which nevertheless here and there hath its hills..."A valley, lying between mountains, is reckoned with the mountains, and mountains in a valley are numbered with the valley." To the plain eastwardly joins a valley, lower than the plain, -- namely, the coast of the sea of Sodom, and at length of Jordan.

The land of Benjamin, in like manner, which is numbered with Judea, in respect of its superficies, was of the same nature; which, although "it was a portion of the narrowest limits, by reason of the goodness of the soil," yet had its mountainous part, its plain, and vale: and that, not only towards Lydda, and the great sea, but towards Jericho and Jordan.

Judea did excel all the other parts of the land of Israel in very many privileges. For, besides that in it was seated Jerusalem, the metropolis of the whole nation, and in Jerusalem stood the Temple, and in the Temple sat the Sanhedrim: -- this was also peculiar to it out of the Canons, that "it was not lawful to intercalate the year out of Judea, while they might do it in Judea." Maimonides gives the reason of the thing, "Because there dwelt the divine glory." -- "Nor was the sheaf of the first-fruits of the barley to be fetched elsewhere, than from Judea, and as near as might be to Jerusalem." Once it was fetched a great way off, &c.

traduction

Une vue de la Judée

"En Judée, on trouve la partie montagneuse, la plaine et la vallée. Laquelle est la partie montagneuse ? C’est la montagne du roi. La plaine est la plaine du sud. La vallée va de En-Gedi jusque Jericho. La plaine de Lydda est comme la plaine du sud : et sa partie montagneuse est comme la montagne du roi. De Beth-Horon jusque la mer est la région environnante. Rabbi Jochanan a disait qu’il a encore une partie montagneuse, une plaine et une vallée. De Beth-Horon jusque Emmaüs, c’est montagneux – d’Emmaüs jusque Lydda c’est la plaine, -- de Lydda jusque la mer c’est une vallée.

La Judée n’est pas divisée de travers en quatre parties : -- nommément, dans le pays, qui était auparavant aux philistins, qui prend la partie occidentale. Ceci rejoint, à l’est, la partie montagneuse de Judée, qui est aussi appelée « montagne du roi ». Une plaine rejoint cette partie montagneuse à l’est, une partie plus basse en niveau que les montagnes, mais qui ici ou là a ses propres collines »… Une vallée, qui réside entre les montagnes, est comptée avec les montagnes, et les montagnes dans une vallée sont comptées avec la vallée. » La plaine rejoint une vallée à l’est, plus basse que la plaine, -- nommément la côté de la mer de Sodome, et au bout le Jourdain.

La terre de Benjamin, d’une façon semblable, qui est comptée avec la Judée, dans le respect de leurs superficies, était de la même nature ; Laquelle, bien que « étant une portion des limites les plus étroites, à cause de la qualité du sol » avait tout de même une partie montagneuse, sa plaine et sa vallée : et ceci pas seulement vers Lydda, et la grande mer, mais aussi vers Jericho et le Jourdain. La Judée surpassait toutes les parties de la terre d’Israël de bien des façons. Car c’est là que se trouvait Jérusalem, la métropole de toute la nation, et dans Jérusalem se trouvait le Temple, et dans le Temple siégeait le Sanhedrin : -- C’était tellement particulier et en dehors de de ce qui est usuel, qu’il « n’était pas permis d’intercaler l’année hors de Judée, alors qu’ils pouvaient le faire en Judée ». Maimonide donne la raison de cela, « parce que là résidait la gloire divine » -- « Il n’y avait pas non plus possibilité de récolter autre part l’épi des premiers-fruits de l’orge, qu’en Judée, et aussi prêt que possible de Jérusalem ». Alors c’était récolté en abondance, etc.




Commentaire/Analyse



Ce chapitre traitant d’une description géographique de la Judée, son commentaire portera sur des éléments annexes, à savoir Maïmonide et la Shekhina. En effet, à l’époque de Lightfoot, on peut comprendre l’intérêt en forme de pis-aller de réaliser ce genre de description, mais nous autres modernes, au moyen des réseaux sociaux pouvons facilement consulter des cartes de la Judée, et visualiser des photos de cet endroit du globe. Je laisse donc ceci à votre diligence. Néanmoins, puisque Lightfoot parle de Maïmonide et que ce dernier parle de la Shekhina, j’ai trouvé bon d’en toucher quelques mots. Maïmonide est un rabbin médiéval, qui a vécu en Espagne (1138-1204). Il était médecin et conseiller du roi, et fait partie des rabbins ayant produit un commentaire systématique. J’entends par là qu’il a commenté toute l’écriture, ainsi que les textes rabbiniques tels que Mishna et Talmud. Il est dans la foulée de Rashi, et précède Nachmanide, eux aussi systématiques. Il est l’auteur d’une œuvre qui se voulait une œuvre de vulgarisation, partant du principe que les Juifs de son époque n’auraient pas le temps ou les capacités de lire tout le corpus rabbinique pour en faire les déductions en matière d’observance. C’est ainsi qu’il faut accueillir son ouvrage « mishne torah », la seconde Torah : c’est la Torah pour ceux qui ne peuvent pas lire la vraie… Il a été beaucoup attaqué à son époque comme étant celui qui introduit la philosophie grecque dans la religion juive. En effet, il donne une place importante à Aristote, ce qui dénote plutôt le reflet juif de quelque chose de très répandu à l’époque dans les milieux religieux. En effet, la scolastique avec Thomas d’Aquin ne faisait pas autre chose pour le catholicisme romain, et Avicenne et Averoes faisaient de même pour l’islam. Il est permis de conclure qu’Aristote et la philosophie grecque au sens large étaient considérés comme la culture commune de tout un chacun, et avaient la même place que les mathématiques dans un caractère d’universalité. Byzance ainsi que tout l’orient chrétien n’ont pas donné cette place centrale à la philosophie grecque, mais ont su préserver le cœur de la foi de ces mauvaises influences qui finissaient toujours dans quelque chose de plus ou moins gnostique. Pour en revenir à Maïmonide, il y a plus à parier qu’il se sert du langage philosophique aristotélicien de son époque pour parler à l’homme instruit de son temps, afin de lui parler dans sa langue, et non pas parce que spirituellement il serait soumis aux axiomes de la philosophie grecque. Maïmonide jouit aujourd’hui d’un tel statut dans le judaïsme, qu’il n’y a pas lieu de chercher une « contamination » qui n’existe pas. Comme le dit son épitaphe “Mi Moshé ad Moshé, Lo Kam ké Moshé” (Depuis Moïse (le prophète) jusqu’à Moïse (Maïmonide), aucun autre Moïse ne s’est manifesté » (voir Dt 34:10), qui se comprend lorsque l’on sait que Maïmonide est un acronyme (tout comme Rambam comme il est parfois appelé) et que son prénom était Moïse.

Quant à la Shekhina, c’est un concept juif très intéressant du point de vue de l’Incarnation. En effet, la Shekhina marque le lieu d’une présence du divin. La Shekhina tient lieu de résolution plus ou moins acceptable dans le judaïsme de cette impossibilité logique au premier abord : Dieu est en dehors du temps, de l’espace et de la matière, et pourtant il est à certains moments présent dans certains lieux. C’est la shekhina qui permet l’articulation avec le lieu de la présence d’un Dieu qui par définition est immatériel. C’est la Shekhina qui permet l’articulation avec le moment de la présence d’un Dieu qui par définition est intemporel. Ainsi, le judaïsme, dans la bouche de ses plus éminents représentants, conçoit que Dieu puisse être « présent ». Le Christianisme professe que lors de l’incarnartion, cette présence était faite de chair humaine. Mais, d’un point de vue juif, et en prenant toutes les précautions dogmatiques nécessaires, on peut voir Jésus comme la Shekhina humaine.