Lightfoot (traduction et commentaire du chapitre 11) : Microcosmos par la terre d’Israël
Microcosmos par la terre d’Israël
The Mountainous Country of Judea.
"What is the mountainous country of Judea? It is the king's mountain."
However Judea, here and there, doth swell out much with mountains, yet its chief swelling appears in that broad back of mountains, that runs from the utmost southern cost as far as Hebron, and almost as Jerusalem itself. Which the Holy Scripture called "The hill-country of Judah," Joshua 21:11; Luke 1:39.
Unless I am very much mistaken, -- the maps of Adricomus, Tirinius, and others, ought to be corrected, which have feigned to themselves a very long back of mountains, beginning almost at the Red Sea, and reaching almost to the land of Canaan, and that with this inscription, "The Amorrhean Mountain." Those authors are mistaken by an ill interpretation of [a] phrase rendering it, "in the way by" (or near) "the mountain of the Amorites," -- when it should be rendered, "in the way to the mountain of the Amorites." Let the reader consult Deuteronomy 1:19,20: "We departed from Horeb, and went through all that great and terrible desert, which ye saw, in the way leading to the mountain of the Amorite, as our Lord commanded us, and came to Cadesh-barnea. Then I said unto you, You are now come to the mountain of the Amorites," &c.
The mountain of the Amorites took its beginning from Cadesh-barnea, the southern border, of the land of Israel, -- and, by a hardened gibbosity, thrust forward itself into Judea beyond Hebron, the name only being changed into the "Hill-country of Judea." Whence is that of Samson to be understood, that he carried not the gates of Gaza near to Hebron, or to the mountain, whence Hebron might be seen; -- but to the top of this mountainous country, which runs out to Hebron: -- and so are the words to be rendered, Judges 16:3, "He carried them to the top of a mountainous place, which is before Hebron."
This mountainous country is called "The mountainous desert," Psalm 75:6, because it is not from the east, nor from the west, nor from the desert of the mountains. Where the Targum thus; "Nor from the south, the mountainous place."
It remains doubtful, why it is called by the Talmudists "The King's mountain." Whether because it was king among all the other mountains of Judea? or, because the royal dignity of David's house sprang hence, -- to wit, from Hebron? There is much mention of it in the Jewish writers.
The Chaldee paraphrast upon Judges 4:5: "Deborah had white dust in the King's Mountain." That is, as it seems, potter's clay: for the Gemarists, speaking somewhere concerning potters say, "That they work in black dust, or in white dust."
"In the days of R. Hoshaia, some went about to get a freedom from some tithes for the Mount of the King."
Rabbi Simeon had vine-dressers in the Mount of the King. He was minded to let out his vineyard to heathens.
R. Chaijah, R. Issai, and R. Immai, went up to the King's Mountain. They saw a certain heathen, who was suspicious concerning their wine.
A myriad of cities stood in the Mountain-royal, of which R. Eliezer Ben Harsum possessed a thousand. This mountainous country is not, therefore, called "The mountainous desert," because it was void of cities and towns, but because it was a more barren and rough country.
"The Royal Mountain was laid waste by reason of a cock and a hen. It was the custom, when they brought forth the bridegroom and the bride, to lead before them a cock and a hen: as if they should say, Increase and multiply, as they. On a certain day a regiment of Romans passed by, and wrested the cock and the hen from them: these, therefore, rose up against them, and beat them. Away, therefore, they go to Caesar, and told him, The Jews rebel against thee, &c. R. Asai saith, Three hundred thousand drew sword, and went up to the Royal Mountain, and there slew for three days and three nights," &c.
Rabbi Asai saith, "Janneus the king had sixty myriads of cities in the Royal Mountain: and in each the number was equal to them, that went out of Egypt, -- excepting three cities, in which that number was doubted. And these were, I. Caphar Bish (that is, the Ill Town); therefore called so because it afforded not a house of hospitality. II. [A town,] that had its name from a certain herb, because by that herb they were nourished. III. The town of males; so called, saith R. Jochanan, because their wives first brought forth males, and then females, and so left off."
This story is recited by the Jerusalem Talmudists, who say the town of males is so called, because, unless the women departed thence somewhere else, they could not bring forth male children.
"But (saith Ulla) I saw that place, and it is not able to contain even sixty myriads of nests. Therefore, said a certain sectary of R. Chaninah, Ye lie, ye lie. To whom he replied, That land is called 'the land of a Kid': but now 'a kid' hath a skin, that does not contain his flesh: so the land of Israel, while it is inhabited, is spacious; but, when uninhabited, more contracted."
traduction
Le pays montagneux de Judée
« Quel est le pays montagneux de Judée ? c’est la montagne du roi. »
Quoi qu’il en soit, la Judée, ici et là, s’étend beaucoup en dehors des montagnes, bien que le principal accroissement soit dans ce large dos de montagnes, qui court depuis la côte la plus au sud vers Hébron, presque comme Jérusalem elle-même. Accroissement que l’Écriture Sainte appelle « La montagne de Juda » Josué 21 :11 ; Luc 1 :39. A moins que je ne me trompe complètement, -- les cartes d’Adromicus, Tirinius, et d’autres, doivent être corrigées, car ont rendu une très longue arête de montagnes, commençant pratiquement à la mer rouge, et atteignant pratiquement la terre de Canaan, et ceci avec la mention « la montagne amoréenne ». Ces auteurs sont trompés par une mauvaise interprétation de la phrase [a] en la rendant ainsi « en direction de » (ou proche de) « la montagne des amoréens » -- alors qu’il faudrait rendre « sur le chemin vers la montagne des amoréens ». Que le lecteur consulte le Dt 1:19-20 : « Puis nous sommes partis de l’Horeb, nous avons traversés ce désert grand et terrible que vous avez vu, en direction de la montagne des Amorites, comme le Seigneur notre Dieu nous l’avait ordonné et nous sommes arrivés à Qadesh-Barnea. Je vous ai dit ‘vous êtes arrivés à la montagne des Amorites que le Seigneur notre Dieu nous a donné’ » etc.
La montagne des Amoréens débute à Qadesh-Barnea, à la frontière sud de la terre d’Israël, -- et par une bosse durcie, se poursuit vers la Judée au-delà d’Hébron, le nom étant seulement changé en « montagne de Juda ». Ce qu’il faut comprendre au sujet de Samson, c’est qu’il ne porta pas les portes de Gaza près d’Hébron, ou vers la montagne, où l’on peut voir Hébron. – mais vers le sommet de ce pays montagneux, qui part d’Hébron : -- et ainsi doivent être rendus les mots de Juges 16:3 « il les porta jusqu’au sommet de la montagne qui fait face à Hébron », ce pays montagneux est nommé « le désert montagneux » psaume 75:6 « car il ne vient ni de l’est ni de l’ouest, il ne vient pas du désert montagneux » ; puis le Targum « pas du sud mais de l’endroit montagneux ».
Cela reste douteux, pourquoi les talmudistes l’appellent « la montagne du Roi ». Peu importe qu’elle fût roi parmi toutes les montagnes de Judée ? ou, à cause de la dignité royale de la maison de David qui jaillit ici, -- à savoir de Hébron ? Il y a de nombreuses mentions de cela parmi les écrivains juifs.
La paraphrase chaldéenne sur Juges 4:5 : « Déborah avait de la poussière blanche dans la montagne du Roi ». Ceci est, ou semble être, de l’argile de potier : pour les guémaristes parlant quelque part du potier disent « ils travaillent dans la poussière noire, ou dans la poussière blanche »
« Dans les jours de R. Hoshaia, certains allèrent obtenir la liberté concernant la dîme sur la montagne du Roi ».
Rabbi Siméon avait des vignerons dans la montagne du Roi. Il était disposé à laisser sa vigne à des païens.
R. Chaijah, R. Issai et R. Immai allèrent sur la montagne du Roi. Ils virent un certain païen, qui était suspicieux à propos de leur vin.
Une myriade de cités se trouvaient sur la montagne royale, parmi lesquelles R. Eliezer Ben Harsum possédaient un millier. D’ailleurs, Ce pays montagneux n’est pas, appelé « le désert montagneux », parce qu’il était vide de villes et de cités, mais plutôt parce qu’il s’agissait d’un pays désertique et difficile.
« La montagne royale demeura ravagée à cause d’un coq et d’une poule. Il était de coutume, lorsque se produisaient marié et mariée, d’amener un coq et une poule : ainsi on leur disait, croissez et multipliez, comme eux. Un jour, un régiment de romains qui passait par là, leur arracha le coq et la poule : ils se rebellèrent et les frappèrent. Loin de là, ils allèrent voir César et lui dirent : les Juifs se rebellent contre toi, etc. R. Asai dit : trois cent milles sortirent l’épée, et allèrent sur la montagne royale, et assassinèrent pendant trois jours et trois nuits ».
Rabbi Asai dit : « Le roi Jannée avait soixante myriades de cités dans la montagne royales : et dans chacune le nombre était égal à ceux qui sortirent d’Égypte – à l’exception de trois cités, où ce nombre était douteux. Ces villes étaient : I Caphar Bish(c’est-à-dire, la ville malade) ; On la nommait ainsi car elle n’avait pas de maison d’accueil. II [une ville] qui tenait son nom d’une certaine herbe, et ils étaient nourris grâce à cette herbe. III la ville des mâles ; ainsi appelée, disait R. Jochanan, car leurs femmes donnaient d’abord naissance à des mâles, puis à des femelles. Cela est resté ».
Cette histoire est racontée par les talmudistes de Jérusalem, qui disent la ville des mâles s’appelle ainsi, parce que si la femme partait ailleurs, alors elle ne pouvait pas donner naissance à des enfants mâles.
« Mais (disait Ullah) j’ai vu cette place, et elle n’est pas capable de contenir même soixante myriades de nids. Donc, disait un certain adepte de R. Chaninah, mensonge, mensonge. Auquel il répondit, ce pays est nommé « pays de l’enfant » : mais voici que « l’enfant » avait une peau qui ne contenait plus sa chair : ainsi en est-il de la terre d’Israël qui est vaste lorsqu’habitée, et contractée lorsqu’inhabitée ».
Commentaire/Analyse
Ici commencent les pages chorographiques (description géographique générale abordée de façon régionale) de l’œuvre de Lightfoot. Quelques remarques de traduction avant de passer à l’analyse proprement dite : il faut considérer les amoréens et les amorites comme équivalent d’un point de vue du sens ici. Amoréens rend le terme anglais, tandis que Amorites est le terme utilisé dans les traductions bibliques que j’utilise dans les versets. Mais il n’y a rien de théologique à rechercher dans une quelconque double facette pour désigner ce peuple. Ce sont deux termes possibles pour une seule étymologie, et une seule réalité dans l’Écriture. D’autre part, Lightfoot fait référence au verset 75:6 du livre des psaumes, mais dans un contenu qui pointe vers 75:7, qui mentionne bien un désert, mais pas celui-là en particulier. Néanmoins, mon but n’est pas de corriger Lightfoot, mais de partir de son œuvre pour penser. Je laisse donc ce qui me semble être ses erreurs. Enfin, Juges 4:5 parle de la montagne d’Ephraïm, et pas de la montagne du Roi.
Les hébreux, comme tous les peuples de l’époque antique, avaient une conception du monde, où leur environnement étaient une réduction du monde entier. Nous avions vu déjà dans d’autres billets, comment le corps humain pouvait être vu comme un résumé condensé de tout l’univers. Il en est de même ici, mais avec une particularité toute hébraïque : la terre sainte n’est pas un résumé de tout le cosmos mais uniquement du Royaume divin. Et la montagne du Roi, si abondamment utilisée par les rabbins est bien évidemment une figure, un symbole (au sens chrétien) du Royaume divin. Dieu siège en haut d’une montagne. Il est Roi. Ainsi le roi de l’univers, siégeant sur une montagne, il est normal que sa figure terrestre en fasse de même. Et tous les matériaux rapportés par Lightfoot pointent merveilleusement vers cela : les contours en sont imprécis, difficiles à cerner. On ne sait trop où cela commence. Certains le confondent avec d’autres endroits. On y voit quelques païens, même s’il est à majorité juive (on voit ici une vision juive des choses, et non pas une réalité du royaume), et enfin sa capacité à se dilater au-delà de toute rationalité, car il s’agit en fait d’une espace mystique et non pas d’un espace véritablement physique, qui doivent obéir à des lois de ce monde. Combien de fois Jésus n’a-t-il pas utilisé les métaphores liées au mariage ? On voit ici se déployer la même idée, ce qui montre bien que Jésus s’est exprimée de façon juive et traditionnelle dans son imagerie du Royaume : il s’agit de noces mystiques, mais de noces en même temps qui font appel à une notion de combat, de violence, contre un empire mauvais. Si on reste dans cette lecture symbolique, l’empire romain figure évidemment l’enfer et ses puissances, qui veulent empêcher la croissance du Royaume. Et ceci entraîne une lutte. Tout ceci est un condensé de l’histoire du monde.