Lightfoot (traduction et commentaire du chapitre 12) : La coupure en terre sainte
La coupure en terre sainte
The South Country. Judea Called 'the South,' in Respect of Galilee.
Rabban Gamaliel, and the elders sitting together at the ascent into the gallery, in the mount of the Temple, had Jochanan, the priest, and the amanuensis, sitting with them. They said to him, "Go to, write to our brethren, the inhabitants of Upper Galilee, and Nether Galilee, health: we certify you, that the time is come of separating the tithes. And to our brethren, that inhabit the Upper South Country, and that inhabit the Nether South Country, health: we certify you," &c.
The 'Upper South country' consisted of that part of the country, which was hilly; the 'Nether,' of a plain, and valley sinking on both sides. Which country, although it were barren above all other parts of the land, yet had its inhabitants, and those many, as well as other countries of the land.
He that turns over the Talmudical books, will meet very frequently with the name of the 'South,' taken for 'whole Judea' in opposition to 'Galilee.' "Those of Zippor enjoined a fast to obtain rain, but the rain came not down. Therefore, said they of Zippor, R. Joshua Ben Levi obtained rain for the southern people: but R. Chaninah hinders it from coming upon the people of Zippor. They were called, therefore, together to a second fast. R. Chaninah sent to fetch R. Joshua Ben Levi. And both went out to the fast, and yet rain fell not. He stood forth, therefore, and said before them, Neither doth Joshua Ben Levi obtain rain for the southern people, nor does R. Chaninah restrain it from the people of Zippor: but the southern people have a soft heart, to hear the words of the law and be humbled: but the people of Zippor have a hard heart." But now R. Joshua Ben Levi, who was called "the southern," was of Lydda: and those southern people, for whom he obtained rain, were of Lydda, and such as dwelt in that country.
"A devout disciple learned the intercalation of the year before his master, three years and a half: he came, and intercalated for Galilee: but he could not intercalate for the south," that is, for Judea
Hence you may understand, in what sense some Rabbins are called southern: as "R. Jacob of the south"..."R. Samlai of the south"; whom you have disputing with certain, whom the Gemarists call heretics: whom I think rather to have been 'Christians.' And it seems to be the disputation of a Christian purposed to assert a trinity of persons in the Deity, but nevertheless a unity of the Deity. After you have heard the matter, perhaps you will be of my judgment. View the place.
traduction
Le Pays du Sud. La Judée appelée « le Sud » par rapport à la Galilée.
Rabban Gamaliel, et les anciens siégeant ensemble à l’ascension vers la galerie, dans le Mont du Temple, avait Jochanan le prêtre, et l’amanuensis (le copiste) siégeant avec eux. Ils lui dirent : « va, écris à nos frères, les habitants de la Haute Galilée, et la Basse Galilée, santé : nous certifions qu’est venu le temps de la séparation des dîmes. Et nos frères qui habitent la partie haute du pays du sud, et ceux de la partie basse du sud du pays, santé : nous vous certifions », etc. La « partie haute du pays du sud » consistait dans cette partie du pays, qui était vallonnée ; la « partie plus basse » d’une plaine, et d’une vallée coulant des deux côtés. Lequel pays, bien qu’il soit désert parmi toutes les autres parties du pays, avait néanmoins ses habitants, et beaucoup, aussi bien que les autres terres de ce pays. Celui qui parcourt les livres talmudiques, rencontrera fréquemment le nom « Sud » pris comme « Judée entière » par opposition avec la Galilée. « Ceux de Zippor ont joint un jeûne pour obtenir de la pluie, la pluie ne vint pas. Alors, ils disaient de Zippor, R. Joshua Ben Levi a obtenu la pluie pour le peuple du Sud : mais R. Chaninah l’empêche de venir sur le peuple du Sud. Ils furent donc appelés à un second jeûne. R. Chaninah envoyer quérir R. Joshua Ben Levi. Les deux rompirent le jeûne, et la pluie ne tomba pas. Il se tint devant eux et leur dit, Joshua Ben Levi n’a pas obtenu la pluie pour le peuple du Sud, et R. Chaninah n’a pas non plus empêché qu’elle tombe sur le peuple de Zippor : mais le peuple du Sud a un cœur doux, pour écouter les mots de la loi et pour être rendu humble : mais le peuple de Zippor a un cœur dur. »
Mais maintenant R. Joshua Ben Levi, qui était appelé « le sudiste » était de Lydda : et ces gens du sud, pour qui il obtint la pluie, étaient de Lydda, et en tant que tels résidaient dans le pays. « Un fervent disciple apprenait l’insertion de l’année devant son maître, trois ans et demi : il vint et intercala pour la Galilée : mais il ne pouvait pas intercaler pour le sud », c’est-à-dire pour la Judée. De ceci tu peux déduire, de quelle façon on appelle certains rabbins sudistes : comme « R. Jacob du Sud » … « R. Salmai du Sud ».
A propos desquels il y a contestation avec certains, que les guémaristes nomment hérétiques : dont je pense plutôt qu’ils furent « chrétiens ». Cela ressemble à une disputatio d’un chrétien qui affirme une trinité de personnes dans la divinité, mais néanmoins une unité de la déité. Après que vous ayez consulté la matière, peut-être serez vous de mon avis. Allez voir.
Commentaire/Analyse
Lightfoot, voyant l’articulation entre Galilée et Judée, imagine finalement une problématique Juifs/Chrétiens. Ce n’est pas impossible, car la littérature rabbinique se fait également l’écho de cette séparation entre Église et Synagogue. Mais la dialectique nord/sud en terre sainte recouvre également une autre réalité possible : Israël / Juda, la division qui eut lieu à partir du roi Salomon. Cette division dut d’ailleurs jouer dans l’attitude judéenne vis-à-vis du Christianisme naissant. De quoi s’agit-il ?
A l’époque du Roi David, toute la terre sainte était unie, sous un gouvernement unique. Le Roi régnait alors sur les douze tribus d’Israël. Je laisse de côté les particularités d’Ephraïm et Manassé de côté, pour ne pas digresser sur quelque chose de passionnant, mais de néanmoins annexe. Puis, le Royaume davidique fut scindé en deux : au nord le royaume appelé Israël, avec dix tribus sur les douze, et au sud le royaume de Juda, avec les tribus de Juda et de Benjamin. Le destin du nord et du sud sont semblables sur un point : un ennemi puissant est venu à bout d’eux et les as emmenés en captivité. Le nord fut victime de l’Assyrie, et le sud de Babylone. Deux ennemis puissants, impitoyables. Deux exils. Mais deux réactions très différentes à l’exil : le nord sous domination assyrienne, a vu sa croyance teintée de cultes idolâtriques extérieurs, et une grande partie de la population s’est assimilée, au point que certaines tribus furent considérées disparues. Les livres historiques et prophétiques sont le témoin de ce drame unique et terrible.
Le sud, quant à lui, sortant de l’exil après 70 ans revint à Jérusalem, reconstruisit son Temple, et resta sur la voie d’un monothéisme strict. L’orthodoxie de la foi y était respectée. Quels réflexes mentaux va donc naturellement développer le sud vis-à-vis du nord ? méfiance, instinct de supériorité ! Comment les en blâmer. La défiance vis-à-vis des samaritains témoigne de cela, les samaritains étant au final des descendants d’Israël ayant abandonné la foi du patriarche. Le NT est souvent l’écho de cette défiance judéenne vis-à-vis d’un nord dont rien de bon ne peut sortir. La Galilée est donc inévitablement étiquetée « nord », ce qui est toujours un peu péjoratif, et la Judée inévitablement étiquetée « sud », ce qui est toujours un peu élogieux.
Le Christianisme naissant, a pu être vu comme un énième syncrétisme du nord. En cela, Lightfoot a tout à fait raison de pencher pour ceci. Mais il aurait dû rapporter la genèse de cette problématique, ou du moins la détailler. Il a en quelque sorte justifié la nécessité d’une explication. Mon blog ne sert peut-être pas à rien…