ésotérisme chrétien : préambule

En quête sur la Voie de Yeshoua bar Yoseph

Ce livre est né d’un concours de circonstances.
Le curé de mon village invitait régulièrement ses paroissiens à des « partages d’Evangile ». J’y participais activement et régulièrement jusqu’au jour où ce prêtre, fort embarrassé, me demanda de ne plus intervenir. Mes interventions « toujours forts intéressantes » disait-il, risquaient de perturber les autres participants. J’en déduisais, peut-être avais-je tort, que partager l’Evangile était pour lui synonyme de partager son point de vue.
Un ami franc-maçon, conscient de ma frustration, me soutint que tant que je n’aurai pas organisé mes idées par écrit, mon esprit ne serait pas libéré de mes doutes. Il s’avoua très intéressé par ce que j’écrirai.
Je me mis au travail avec l’intention de rédiger un texte que je ne prévoyais pas à plus de dix pages.
Très rapidement, je fus à la tête d’une dizaine de chapitres dans lesquels commençaient à s’esquisser mes hypothèses et les arguments principaux à leur appui.
Conscient de ce que ces hypothèses méritaient d’être approfondies, et persuadé de mon insuffisance de formation, j’expédiais le tout à un écrivain catholique dont j’avais le privilège d’être connu, avec le secret espoir qu’il s’empare de ce travail si peu élaboré pour en faire le sien. Son projet était différent.
Je ne pouvais vivre en paix sans avoir vérifié que mes hypothèses ne se démentiraient pas à la lecture complète de l’Evangile. Je ne m’attendais pas alors à ce que cette tâche me prendrait plus de douze ans.
Ce fut un long travail de recherche. Je tenais à ce que chaque argument soit étayé par une référence irréfutable. J’allais de découvertes en découvertes. Maintes fois il me fallut réécrire les premiers chapitres parce que mes certitudes premières étaient remises en question ou même contredites par mes nouvelles connaissances.
Il s’est avéré que de nombreuses personnes ont éprouvé un grand intérêt pour ma quête. En premier lieu quelques chrétiens devenus bouddhistes. Les plus fervents demandeurs furent des amis-francs-maçons tous animés d’une profonde spiritualité. Ils pratiquaient le rite écossais rectifié.
J’aurais aimé que les ecclésiastiques puissent être dans la confidence. Je sais que d’authentiques cherchant se trouvent parmi eux. J’ai pu avoir, à ma grande surprise, quelques échanges très enrichissants, à trois reprises, avec des jésuites. Ceux-ci, dans le contexte de nos rencontres, m’estimaient franc-maçon.
Les ecclésiastiques paroissiaux que je sollicitais considéraient ma démarche inconvenante, voire scandaleuse de la part d’un catholique.
C’est ainsi que, tel le Père Antoine, ermite au rocher de Roque-brune, ex-trappiste, je pris conscience de ce que j’étais devenu, par rapport à l’Eglise catholique et romaine, un mutant. (une bouffée d’ermite, frère Antoine, les chemins de la sagesse, la table ronde).
J’en ai tiré les conclusions qui s’imposaient.
Bien que conscient de mon imperfection, je me suis laissé persuader de publier ce travail, à la disposition de tous ceux qui « cherchent », ecclésiastiques, pasteurs, maçons, ou tout simplement chrétiens désemparés. Mon intention n’est nullement de convaincre, mais d’interpeller, de soumettre au libre-arbitre de chacun ce que sont devenues mes convictions. Telle est la raison d’être, à mon sens, d’un partage d’Evangile.
Bien des hypothèses de ce livre mériteront la critique. Toute critique objective ne peut être qu’enrichissante.
En dehors des hypothèses officielles auxquelles je n’adhère plus, de nombreuses hypothèses existent, qui ne sont pas les miennes. Leurs auteurs y adhèrent fermement, non sans quelques arguments.
Mon ami de longue date, Henri Blanquart, à qui je dois beaucoup, affirme que Jésus a été crucifié en raison du fait qu’il était réellement l’instigateur d’une rébellion (Henri Blanquart, Les mystères de l'Evangile de Jean – Les Mystères de l'Evangile de Marc - Les Mystères de l'Evangile de Luc - Les Mystères de l'Evangile de Matthieu - Les Mystères de la nativité christique).
Cette affirmation,présentée de la sorte, me choquait profondément. Ce livre n'existerait pas si je n'avais été très longtemps, aussi convaincu que lui d'avoir approché une tout autre vérité historique concernant la vie et la mort de Jésus, mon maître.
Nous concédions cependant que l'essentiel n'est pas ce que Jésus a vécu, mais l'enseignement qu'il nous a légué. Est-il nécessaire, en effet, que nous sachions si tel de nos enseignants était issu d'une famille de cultivateurs ou de garagistes, si la cicatrice qu'il portait lui venait de son héroïsme durant la guerre, d'une bagarre, ou d'une chute de ski ? Quoi qu'il en fut, nous nous rejoignions sur cette évidence : croire n'est pas savoir.
Par déduction de ce que je sais, ce livre tente d'exposer ce qu'aujourd'hui je crois. Chacun ne peut qu'assumer ses propres convictions. La seule erreur consisterait à être sûr de détenir la vérité.


Commentaire/Analyse

Ce texte est le préambule d’un livre important à mes yeux, important dans mon parcours. Il s’agit de “Les trésors cachés de l’Evangile selon Matthieu - pour une réhabilitation de l’ésotérisme chrétien (André Vandamme aux éditions Alphée)”. Si vous êtes amenés à le lire, vous vous demanderez probablement en quoi un tel tissu d’inepties peut bien avoir une quelconque importance pour quelqu’un qui veut vivre et défendre l’orthodoxie. Et bien tout simplement parce que je ne suis pas né orthodoxe. J’y suis venu lentement, au terme d’une démarche compliquée et sinueuse. Mais ce livre est concomitant avec la dernière étape de mon parcours, avant mon entrée dans le monde orthodoxe : la franc-maçonnerie. Et son auteur fut celui qui était chargé de mon éducation maçonnique. Il était dans les hauts grades de l’ordre auquel appartenait ma loge et nous pratiquions le rituel appelé « rite écossais rectifié ». Je ferais très probablement un post dédié à la franc-maçonnerie, mais une fois que l’on a dit que c’était de la gnose moderne, on a finalement tout dit. Chaque maçon va donner SA version de qui était Jésus, et je ne pourrai jamais tout étudier de façon systématique du point de vue maçonnique. Mais les grands traits et éléments de réponse seront sur ce livre là : il en fallait bien un…

J’étais donc apprenti dans la loge, et l’auteur de ce livre inestimable dans l’histoire des idées était chargé de mon initiation. L’apprenti dans la franc-maçonnerie n’a qu’un droit : se taire et écouter les trésors de sagesse qui lui sont prodigués. J’ai donc pris mon mal en patience devant cette avalanche d’imprécisions, d’ignorance et de contre-vérités pendant plus d’un an avant de passer au grade de compagnon. Ce grade ne change pas grand-chose à un détail important : on retrouve le droit de parler. Et j’ai alors pu exprimer une sensibilité différente, plus « classique », je le reconnais. Et je me suis heurté à un refus total, une impossibilité systématique de le faire, et l’on m’a exclu de la franc-maçonnerie, ce qui est une grande fierté dans ma vie spirituelle.

Je trouve donc très savoureux que l’auteur du livre ait reproduit avec moi ce dont il avait souffert auprès des abbés qu’il a pu fréquenter dans son existence. Mais il est bon de savoir que le défenseur de la pluralité des points de vue n’en accepte finalement qu’un seul : le sien. Là, je parle par expérience, et peut témoigner que toute cette partie lénifiante du discours est totalement déconnectée de la réalité.

« Ce fut un long travail de recherche. Je tenais à ce que chaque argument soit étayé par une référence irréfutable. J’allais de découvertes en découvertes. ». Cette phrase est intéressante. Je peux témoigner que l’auteur ne connait pas l’hébreu. Le monde juif lui est totalement étranger. Ce qui est au final assez étonnant lorsque l’on connait le lieu et la culture où se déroulent les événements. Imagine-t-on un auteur produire un travail de recherche poussé sur Nietzsche sans bien connaître la langue allemande et sans maîtriser un tant soit peu l’histoire personnelle et nationale qui accompagna le philosophe ? Jamais l’auteur ne s’est visiblement posé cette question élémentaire. Pourquoi ? Car il considère finalement Jésus comme extérieur au judaïsme. On se demande bien pourquoi une sagesse greco-bouddhiste (puisque c’est cela dont il s’agit grosso modo) a choisi un contexte juif pour s’énoncer… Et vous ne trouverez aucune référence irréfutable. Simplement des hypothèses qui viennent en conséquence des axiomes de l’auteur. Il n’y a pas de preuve. Que des affirmations gratuites et péremptoires !

Mais on pourrait objecter : peut-il y avoir des preuves irréfutables dans le domaine religieux ? Comme l’explique le Père Serge Boulgakov dans des posts où j’ai analysé ces passages, il n’y a pas de pensée sans axiomes. J’énoncerai les miens, et je mettrai à nu ceux de l’auteur. Avec un peu de bon sens, chacun pourra considérer l’extrême fragilité de ses positions axiomatiques, et la rigueur des positions officielles dont je me fais le modeste ambassadeur.



« Les ecclésiastiques paroissiaux que je sollicitais considéraient ma démarche inconvenante, voire scandaleuse de la part d’un catholique. » : au-delà de la petite musique lénifiante sur la mélodie « je suis un incompris, personne ne m’écoute » il faut exposer en quoi, pour les catholiques authentiques, la démarche de l’auteur et les thèses exposées dans son livre sont scandaleuses. L’auteur, qui croit probablement être d’une folle originalité et le découvreur d’un incroyable secret, une sorte de Dan Brown méconnu, produit des thèses qui sont en fait toutes multi-séculaires avec une petite pincée de new-age pour moderniser tout cela. On change l’emballage, mais le produit vendu est finalement le même. Il avance que le Christ est en fait un grand initié, qu’il n’est pas vraiment mort, donc pas ressuscité et qu’il n’est pas Dieu. Mais il offrait une voie de sagesse qui a été incomprise par les premiers chrétiens qui ont naïvement cru aux fadaises de l’Eglise officielle. Voilà schématiquement résumée la thèse que l’auteur croit découvrir dans sa lecture de l’Evangile de Matthieu.

« Mon intention n’est nullement de convaincre, mais d’interpeller, de soumettre au libre-arbitre de chacun ce que sont devenues mes convictions. Telle est la raison d’être, à mon sens, d’un partage d’Evangile. Bien des hypothèses de ce livre mériteront la critique. Toute critique objective ne peut être qu’enrichissante. ». Je peux témoigner de l’immense hypocrisie de cette phrase en ayant reçu son enseignement pendant environ un an. Mais, faisons finalement abstraction de la réalité et restons-en aux paroles telles qu’elles sont énoncées. Je ne vais probablement pas commenter tout ce livre finalement sans intérêt, si ce n’est qu’il contient, avec Amhed Deedat dont j’ai commencé la réfutation systématique, l’ensemble des façons dont un chrétien peut s’égarer. Cette réhabilitation de l’ésotérisme chrétien proposée de façon pernicieuse une voie totalement irrecevable. J’essaierai de démontrer pourquoi avec d’enrichissantes critiques objectives. Ce texte ne s’adresse pas à son auteur, mais aux lecteurs qui cherchent avec sincérité et pourraient passer à côté du trésor de l’orthodoxie que constitue le seul et unique véritable message de Jésus.

En conclusion, qu’est-ce qu’un partage d’Evangile ? Est-ce comme l’annonce l’auteur un endroit où l’on peut confronter la version de l’Eglise et la version gnostique enseignée dans la franc-maçonnerie ? Un cours d’histoire peut-il être un endroit où l’on dira que tel événement a existé pour 50% de l’auditoire, et n’a pas existé pour les 50% restants ? Un partage d’Evangile peut-il être une auberge espagnole intellectuelle et spirituelle ? Bien évidemment que non. Cela ne serait pas sérieux. Les Evangiles sont des textes qui rapportent le point de vue théologique de personnes éminentes dans les communautés chrétiennes primitives. Chacun est libre ensuite de considérer que ce qui y est dit est faux, mais comme pour les musulmans, il est en fait presque délirant du point de vue psychiatrique de rapporter que le texte ne dit pas ce pour quoi il a été écrit, mais qu’il dit au final autre chose. Cela participe d’une vision délirante de la réalité. Le texte raconte objectivement qu’un homme nommé Jésus, né d’une mère vierge, était en fait le Messie, le Fils de Dieu, qu’il est mort, qu’il a ressuscité au bout de trois jours, et qu’en Lui chacun peut trouver un moyen d’accéder au royaume de Dieu. Je n’ai ensuite aucun mal à comprendre que l’on puisse ne pas croire à ce que propose objectivement le texte. C’est pourtant le postulat de l’auteur : ne croyez pas ce que dit le texte ; il dit en fait autre chose ; il y a un mystère derrière ; quelque chose qu’on vous cache ; quelque chose que l’Eglise vous cache sournoisement depuis des siècles. La simple utilisation du rasoir d’Ockham devrait servir à réfuter ce genre d’affirmations fantaisistes. Que chacun fasse appel au bon sens minimum. Est-ce qu’un secret caché depuis près de 2000 ans dans un texte n’a été décrypté par personne avant que ne vienne cet auteur pour en dévoiler le sens ? J’ai toujours été fasciné par la dynamique ridicule dans cette révélation. Voici comment l’alternative est posée : si je reste fidèle à l’Eglise, je suis dans une démarche où je peux quand même espérer une vie éternelle dans une félicité divine proprement inconcevable. Et pour atteindre cela, il m’est demandé de prendre comme modèle ce Jésus, et de me conduire dans la vie comme lui (le plus possible). Voilà pour la version de l’Eglise. Et que me propose-t-on en échange ? Je perds la vie éternelle, je perds la félicité en Dieu, pour rentrer dans une démarche liée à un hypothétique caractère initiatique. Mais à la mort, tout s’arrête. La vie n’a finalement pas de sens, reste dans l’absurde, et tout tend vers la mort. Ceci me pose en soi un certain souci tout de même. Je perds énormément, et je ne gagne pratiquement rien en échange. Mais la vérité est effectivement une notion cardinale, car si l’on en croit Jésus, elle rend vraiment libre. Alors faisons un bon usage de cette liberté et plongeons dans cette bien médiocre littérature maçonnique. C’est ma façon d’aimer l’Eglise.