MISHNA

Traité Berakhot : fin de la première mishna : quand réciter le Shema Israël le soir ?

original hébreu

ולא זו בלבד, אלא כל שאמרו חכמים עד חצות, מצותן עד שיעלה עמוד השחר. הקטר חלבים ואברים, מצותן עד שיעלה עמוד השחר; כל הנאכלים ליום אחד, מצותן עד שיעלה עמוד השחר אם כן, למה אמרו חכמים עד חצות--אלא כדי להרחיק את האדם מן העבירה

traduction très littérale

et ne ce dans seulement, mais tout que dirent sages jusqu'à milieu de la nuit, de précepte jusqu'à que se levera page le aube. le combustion graisse(s) et membre(s), de précepte jusqu'à que se levera page le aube; tout les destiné à être mangé(s) à jour un, de précepte jusqu'à que se levera page le aube. si ainsi, pourquoi dirent sages jusqu'à milieu de la nuit mais pour éloigner (COD) le homme de la transgression

traduction fluide

Et ce n’est pas uniquement dans ce cas, mais chaque fois que les Sages disent ‘jusqu’à mi-nuit’, le précepte s’étend jusqu’à la levée de l’aube. La combustion des graisses et des membres, le précepte s’étend jusqu’à la levée de l’aube. Et tout ce qui est destiné à être mangé le jour même, le précepte s’étend jusqu’à l’aube. S’il en est ainsi, pourquoi les Sages ont-ils dits ‘jusqu’à mi-nuit’ ? Pour éloigner l’homme de la transgression.


Commentaire/Analyse



La conclusion de cette première mishna appuie sur les éléments que j’ai mis en exergue dans mon étude de la première moitié, à savoir : la haie autour de la Torah. Les Sages mettent en place un certain nombre de dispositifs de précaution, pour éviter une faute à celui qui veut observer scrupuleusement les mitsvot de la Torah. Dieu a demandé de faire des choses la nuit. Concrètement cela veut dire jusqu’à l’aube. Mais les Sages, pour éviter les erreurs ont décrété jusqu’à minuit (minuit au sens rabbinique, c’est-à-dire la moitié de la nuit et non pas 00:00 au sens horaire pour nous autres modernes).

Examinons les exemples rapportés par cette mishna. La combustion des graisses et des membres est reliée à ceci : certaines parties des animaux sacrifiés sont brûlées sur l’autel. Le cas principal est celui des graisses : חֵלֶב dont la traduction exacte est graisses, ou encore meilleure part (avec une autre vocalisation cela signifie le lait). C’est le livre du Lévitique qui décrit cela : Lv 3:3,9,14. Dans le cas d’un sacrifice de type Olah, l’animal entier est brûlé : Lv 1 :6-9,12-13. Le sacrifice a lieu de jour, mais la combustion est nocturne et peut durer jusqu’à l’aube, où le sacrifice sera alors invalidé. C’est Lv 6 :2 qui rend compte de cela.

Le second exemple de la mishna est celui du sacrifice mangé par le cohen. Le cohen a l’obligation de manger le jour même la viande du sacrifice. Ce temps où le sacrifice est valide s’étend jusqu’à la nuit et l’extrême limite en est également l’aube suivante. Les sacrifices mentionnés par Raban Gamaliel sont ‘hatas (sacrifice pour le péché) et asham (sacrifice pour la culpabilité). D’autres sacrifices peuvent être mangés sur des périodes de temps plus longues (shelamim) et d’autres encore peuvent même être mangés par des non cohen.

Pourquoi les Sages bâtissent ce genre de précaution ? Car ils connaissent bien l’homme et son aptitude à procrastiner. Prenons maintenant un recul chrétien sur ce mécanisme défensif et examinons le sous l’angle général de la procrastination. Les Sages de la mishna ont-ils eu raison de considérer que l’homme remettait toujours au lendemain ce qu’il pouvait faire le jour même ? Bien évidemment oui. L’homme vit le plus souvent comme si sa mort était lointaine. Il n’est peut-être pas vivable de considérer à chaque instant que l’on va mourir, car sinon on ne ferait pas de projets, pas d’enfants, etc. Mais cette irréductible destination doit être intégrée et consciente pour chacun. Un homme religieux prépare sa mort, chaque jour. C’est l’intelligence de cette mishna de finalement mettre une précaution horaire, et de rappeler que cette précaution est d’origine humaine et non divine, et que l’on peut exceptionnellement transgresser le commandement humain, puisqu’il est humain. Il sera vital de bien comprendre que le commandement humain n’est qu’humain, pour éviter toute idolâtrie stupide. Mais en même temps, l’étudiant de la mishna est bien obligé de se demander pourquoi cette barrière qui semble ne pas du tout avoir confiance en l’humain ? Justement pour enseigner à l’homme, en plus du commandement, à se méfier de cette passion qu’il a en lui : il vit comme s’il ne devait jamais mourir. C’est une profonde erreur, qui peut conduire à désobéir à Dieu.

Finissons par une petite plaisanterie patristique qui reformule ceci :

Un jeune moine demande à son higoumène : devons-nous prier chaque jour ?
L’higoumène répond : non. Uniquement le jour de notre mort !
Le jeune répond alors : mais nous ne savons pas le jour de notre mort !
L’higoumène conclut : c’est bien pour cela que nous prions tous les jours.