MISHNA

Traité Berakhot : troisième mishna : comment réciter le Shema Israël ?

original hébreu

בשחר מברך שתיים לפניה ואחת לאחריה; ובערב מברך שתיים לפניה ושתיים לאחריה, אחת ארוכה ואחת קצרה. מקום שאמרו להאריך, אינו רשאי לקצר; לקצר, אינו רשאי להאריך. לחתום, אינו רשאי שלא לחתום; ושלא לחתום, אינו רשאי לחתום

Traduction littérale

Dans aube nous bénissons deux avant elle et une après ; Et dans le soir nous bénissons deux avant elle et deux après elle, une longue et une courte. Lieu ils disent prolonger , ce n’est pas autorisé pour court. Pour court, ce n’est pas autorisé prolonger. Finir, ce n’est pas autorisé que ne pas finir. Et que ne pas finir, ce n’est pas autorisé finir.

Traduction proposée

Le matin il y deux bénédictions avant le Shema et une ensuite ; Le soir il y a deux bénédictions avant et deux ensuite, une longue et une courte. Là où ils disent de prolonger, il n’est pas autorisé de raccourcir. Là où ils disent de raccourcir, il n’est pas autorisé de prolonger. Là où l’on dit de conclure, il n’est pas autorisé de ne pas conclure ; Là où il disent de ne pas conclure, il n’est pas permis de conclure.


Commentaire/Analyse



Nous sommes ici purement dans la jurisprudence des usages liturgiques. Et qui est habitué à servir à l’autel dans le monde chrétien orthodoxe sait combien les usages liturgiques peuvent scandaliser. Les deux grandes familles d’usages liturgiques auxquelles nous sommes confrontés en France sont grecques et russes. Elles ne divergent pas énormément, mais il y a des différences notables, bien que l’essentiel reste le même. Et puisque l’on sait que l’essentiel est préservé, et que l’accessoire varie, on se dit qu’entre personnes intelligentes tout se passera bien. Malheureusement non ! je ne compte plus les esclandres (plus ou moins feutrées pour que les fidèles n’entendent rien) à l’autel sur tel ou tel usage. Cette mishna connaît bien l’âme humaine… Elle sait que l’acte liturgique, revient symboliquement (j’utilise ici le mot « symboliquement » dans sa plénitude chrétienne antique, voir les billets sur le Père Schmemann pour plus de détails) à être devant le trône céleste divin. Et chacun va spontanément s’imaginer que le ciel a une liturgie russe ou une liturgie grecque ! jamais quelqu’un étant habitué à officier d’une certaine façon ne va pouvoir s’imaginer que la liturgie céleste puisse dévier ne serait-ce qu’un peu de son habitude. La mishna dit ainsi à ceux qui prient longuement de ne pas se scandaliser chez ceux qui prient de façon qui semble abrégée. Et vice-versa. Dieu n’est-il pas hors du temps ?

La mishna fait une petite distinction sur la conclusion de la prière. Il est difficile de savoir à quoi elle fait allusion. Les commentateurs rabbiniques évoquent relativement classiquement la problématique de la formule de conclusion. La question revient donc à demander : y-a-t-il une formule qui tient lieu de conclusion qui soit universellement reconnue ? Et la réponse est non. Ce qui sert de conclusion chez certains n’est pas reconnu comme tel chez d’autres.

Ce que demande la mishna est donc la chose suivante : le Shema Israël doit être entouré le matin de deux bénédictions avant, et une ensuite. Le soir, cette même prière doit être entouré de deux bénédictions, une longue et une courte. Ce qui permet de déterminer ce qui est long et court est laissé à l’appréciation de celui qui dirige la prière. Ce qui fait office de formule de conclusion est également laissé à l’appréciation de celui qui dirige la prière. Il n’y a pas lieu de débattre ou de tenter d’uniformiser cela. Et tout ceci revient déjà à vouloir protéger les officiants et le peuple contre cette terrible « pensée magique ». Ce qu’on appelle ainsi revient à considérer que la prière contient des éléments intrinsèques qui lui donnent son effectivité. Sans ces éléments elle serait inopérante. Dans la magie des contes pour enfants, s’il manque un ingrédient et que le magicien ne dit pas la formule magique, cela ne marche pas. Le lapin ne redeviendra pas le prince charmant. Mais la prière devant Dieu ne fonctionne pas ainsi. La relation à Dieu n’est pas magique. Ainsi, la mishna, dans les temps immémoriaux avant l’incarnation, avait préparé le peuple d’Israël à la nécessité du Messie, aux divers moyens de le distinguer mais aussi à la façon de prier Dieu avec une ferveur intelligente.