MISHNA

Traité Berakhot : sixième mishna : comment prier pour valider le commandement ?

original hébreu

אלו הן בין הפרקים--בין ברכה ראשונה לשנייה, ובין שנייה ל"שמע" (דברים ו,ד), ובין "שמע" ל"והיה, אם שמוע" (דברים יא,יג), בין "והיה, אם שמוע" ל"ויאמר" (במדבר טו,לז), בין "ויאמר" לאמת ויציב. רבי יהודה אומר, בין "ויאמר" לאמת ויציב לא יפסיק. אמר רבי יהושוע בן קורחה, למה קדמה "שמע" ל"והיה, אם שמוע"--אלא כדי שיקבל עליו עול מלכות שמיים תחילה, ואחר כך יקבל עליו עול מצוות; "והיה, אם שמוע" ל"ויאמר"--ש"והיה, אם שמוע" נוהג ביום ובלילה, ו"ויאמר" אינו נוהג אלא ביום

Traduction littérale

Ces eux entre les sections entre bénédiction première à seconde, et entre seconde à "shema" (Dt 6 :4-9), et entre "shema" et "vehaya im shamoa" (Dt 11:13-21), entre "vehaya im shamoa" à " et "vayomer" (Nb 15:37-41), entre "vayomer" et "emes veyatsiv". Rabbi Yehouda dit, entre "vayomer" et "emes veyatsiv" ne s'arrêtera. Dit rabbi Yehoshouah fils de Korhah (chauve), pourquoi précédente "shema" à "vehaya im shamoa" ? si écoutant mais selon que recevra sur lui joug royauté ciels commencement, et après comme recevra sur lui joug commandements ; et "vehayah im shamoa" à "vayomer" ? si "vehaya im shamoa" coutumier dans jour et dans nuit, et "vayomer" ce n'est pas coutumier mais dans jour.

Traduction proposée

Ce sont les jonctions entre les sections : entre la première et la seconde bénédiction ; entre la seconde (bénédiction) et le « shema » (Dt 6:4-9). Entre le shema et le « Vehaya im shamoa » (Dt 11:13-21) ; entre « Wehaya im shamoa » et « Wayomer » (Nb 15:37-41) ; Et entre « Wayomer » et « Emes weyatsiv » ; Rabbi Yehoudah dit : entre « Wayomer » et « Emes weyatsiv » on ne peut pas interrompre. Rabbi Yehoshouah fils de Korhah (fils de chauve) dit : pourquoi la section « Shema » précède la section « Weyaha im shamoa » ? Parce qu’on doit d’abord accepter la souveraineté céleste avant de prendre sur soi le joug des commandements. Et pourquoi « Wehayah im shamoa » précède « Wayomer » ? Parce qu’il est usuel de dire « Weyaha im shamoa » de jour et de nuit, tandis qu’il n’est usuel de dire « Wayomer » que de nuit.


Commentaire/Analyse



une mishna très technique et très aride, comme les rabbins en ont le secret et l’habitude. Néanmoins il y a des points qui me semblent importants. On se souvient que Dieu a ordonné au peuple hébreu de le prier chaque jour avec la prière « Shema Israel ». La réponse humaine en termes de codification rabbinique a été de créer un office, qui comme tout office liturgique sera un assemblage de textes. Les offices orthodoxes sont dans la droite ligne de cela : il s’agit d’un mélange subtil et très bien pensé entre des prières d’origine humaines et des versets de l’Écriture. Bien que l’Écriture soit également d’origine humaine, elle a un statut particulier qui la met à part : elle est inspirée par l’Esprit Saint. Les rabbins essaient ici de codifier de façon à prendre cette particularité en compte. On voit que l’office qu’ils ont créé pour répondre au commandement divin est le suivant : trois parties d’origine bibliques (voir ci-dessous) précédées et suivies par des prières d’origine rabbinique. Il y a précisément deux bénédictions assez longues avant le début du Shema, bénédictions citées par la mishna.

Voici les trois parties bibliques en question, dans l’ordre de la prière instituée par les rabbins :

Dt 6:4-9 :

4 Écoute, Israël! l’Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel.
5 Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.
6 Et ces commandements, que je te donne aujourd’hui, seront dans ton cœur.
7 Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.
8 Tu les lieras comme un signe sur tes mains, et ils seront comme des fronteaux entre tes yeux.
9 Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.

Dt 11:13-21

13 Si vous obéissez à mes commandements que je vous prescris aujourd’hui, si vous aimez l’Éternel, votre Dieu, et si vous le servez de tout votre cœur et de toute votre âme,
14 je donnerai à votre pays la pluie en son temps, la pluie de la première et de l’arrière-saison, et tu recueilleras ton blé, ton moût et ton huile;
15 je mettrai aussi dans tes champs de l’herbe pour ton bétail, et tu mangeras et te rassasieras.
16 Gardez-vous de laisser séduire votre cœur, de vous détourner, de servir d’autres dieux et de vous prosterner devant eux.
17 La colère de l’Éternel s’enflammerait alors contre vous; il fermerait les cieux, et il n’y aurait point de pluie; la terre ne donnerait plus ses produits, et vous péririez promptement dans le bon pays que l’Éternel vous donne.
18 Mettez dans votre cœur et dans votre âme ces paroles que je vous dis. Vous les lierez comme un signe sur vos mains, et elles seront comme des fronteaux entre vos yeux.
19 Vous les enseignerez à vos enfants, et vous leur en parlerez quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.
20 Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.
21 Et alors vos jours et les jours de vos enfants, dans le pays que l’Éternel a juré à vos pères de leur donner, seront aussi nombreux que les jours des cieux le seront au-dessus de la terre.

Nb 15:37-41

37 L’Éternel dit à Moïse:
38 Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur qu’ils se fassent, de génération en génération, une frange au bord de leurs vêtements, et qu’ils mettent un cordon bleu sur cette frange du bord de leurs vêtements.
39 Quand vous aurez cette frange, vous la regarderez, et vous vous souviendrez de tous les commandements de l’Éternel pour les mettre en pratique, et vous ne suivrez pas les désirs de vos cœurs et de vos yeux pour vous laisser entraîner à l’infidélité.
40 Vous vous souviendrez ainsi de mes commandements, vous les mettrez en pratique, et vous serez saints pour votre Dieu.
41 Je suis l’Éternel, votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d’Égypte, pour être votre Dieu. Je suis l’Éternel, votre Dieu.

Puis reviennent les prières d’origine rabbinique, la première commençant par « emes veyatsiv ». Tout le débat ici est de savoir comment agir en cas d’interruption lors des jointures entre ces quatre sections, et quel texte rabbinique peut finalement avoir un statut liturgique équivalent à un passage des Écritures. Le passage noté comme « wayomer » dans la mishna est celui qui correspond à Nb 15 :37, « wayomer » signifiant « et il dit ». Tout le point du premier rabbin cité dans la mishna est de dire que la troisième section biblique doit se réciter avec la première prière rabbinique sans s’interrompre. Il s’agit d’une unité théologique. Cette troisième section étant consacrée aux franges (aux tsitsit en hébreu), il est demandé à l’homme qui prie de saisir ses tsitsit dans sa main et de ne les relâcher justement que lorsque cette prière rabbinique additionnelle (dédiée à la vérité) est terminée.



Les questions les plus intéressantes sont posées à la fin de la mishna par Rabbi Yehoshouah ben Korhah. Korhah signifie chauve, donc on peut le lire comme « fils de chauve ».

Avant de répondre, une petite digression sur son identité : qui est ce chauve ? Le chauve le plus célèbre du monde rabbinique est Rabbi Akiva, ce qui fait qu’on peut lire ce commentaire comme étant celui du fils de Rabbi Akiva. Mais il faut garder à l’esprit que d’un point de vue historique, les recueils rabbiniques doutent de cette paternité. Et ceci renvoie à un classique rabbinique : la plupart des textes sont des mises en situation imaginaire pour répondre à des questions théoriques. Une façon d’illustrer une position. Ici, dire que ce rabbin était fils du chauve revient probablement à dire qu’il y avait là un enseignement issu de Rabbi Akiva. Ou plus précisément, issu de ses disciples. D’où le fait de présenter le fils.

Quel est cet enseignement donc ? Pourquoi l’office du Shema a-t-il été composé ainsi avec des passages du Deutéronome précédant des passages du livre des Nombres, alors que dans la Bible, le livre des Nombres précède celui du Deutéronome ? R. Yehoshouah répond que le choix des rabbins est dicté par une forme de logique et de rationalité : il convenait de mettre d’abord les textes parlant de la royauté divine et ensuite seulement ceux parlant du joug des commandements. On ne peut pas accepter le joug des commandements si au préalable la souveraineté de Dieu n’est pas comprise et acceptée. On voit donc que le joug des commandements est une réalité bien concrète pour le peuple hébreu. On voit donc très clairement à quoi le Christ fait allusion, lorsqu’il déclare que son joug est léger Mt 11:29-30 « 29 Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. 30 Car mon joug est doux, et mon fardeau léger. ».

Il y a un moment dans les évangiles où le Christ cite expressément cette prière juive du Shema Israël. Il s’agit du moment où il échange avec un pharisien sur le plus grand commandement. Le Christ répond en citant le Shema. On peut trouver ceci Matthieu 22, Marc 12 et Luc 10. Voici le passage selon Marc 12 : «28 Un des scribes, qui les avait entendus discuter, sachant que Jésus avait bien répondu aux sadducéens, s’approcha, et lui demanda: Quel est le premier de tous les commandements? 29 Jésus répondit: Voici le premier: Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur; 30 et: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. 31 Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. ». Il faut comprendre, dans ce contexte, que Jésus a répondu à ce pharisien d’une façon biblique et liturgique à la fois. Qu’est-ce qui est le plus important ? Aimer Dieu, et le prier soir et matin !