MISHNA

Introduction : qu’est-ce que la halakha ?

Avant de rentrer dans le détail de la première mishna du traité berakhot (qui signifie bénédictions) il convient d’expliquer ce qu’est la halakha et son importance. Dieu a donné un certain nombre de commandements dans l’AT (les autorités rabbiniques en dénombrent traditionnellement 613). Dieu n’a pas donné la hiérarchisation de ces commandements entre eux. Par exemple, il ordonne le Shabbat, qui interdit un certain nombre d’actes pendant une période de temps, et il ordonne la circoncision de tout enfant mâle le huitième jour après la naissance. Que se passe-t-il si la circoncision doit-être faite pendant le Shabbat ? (l’acte demandé par la circoncision rentre exactement dans le cadre de ce qui est interdit lors du Shabbat). Dieu n’a rien dit explicitement sur ceci dans l’Ecriture. Il n’a même pas dit explicitement quoi que ce soit dans l’enseignement oral donné à Moïse en complément de la Torah écrite. Mais il a donné les outils pour le déduire. Ceci est absolument fondamental en termes de dynamique et de rapport au texte. Le texte n’est pas une source d’asservissement stupide qu’il faut suivre aveuglément mais bien une source continuelle de questionnement, de raisonnement, de déduction. La Torah appelle à l’intelligence. Elle l’exige. Elle l’impose. Quels sont ces outils ? Les outils d’herméneutique. Derrière ce mot barbare, on pourra donner comme synonyme d’herméneutique, l’interprétation. C’est en scrutant sans relâche les textes que l’on va déduire la bonne façon de suivre la Loi. Cette démarche d’observance est ce qu’on appelle halakha (prononcer alarra). Et bien évidemment sur certains sujets, il va se dessiner plusieurs écoles rabbiniques aux conclusions contradictoires. Sur certains points, il y a néanmoins consensus. Par exemple, entre la circoncision et le shabbat, le consensus rabbinique, établi très tôt, est qu’il y a priorité de la circoncision sur le Shabbat. Le Shabbat est donc interrompu un court instant, le temps de circoncire le bébé, puis reprend normalement ensuite. Une dernière chose à savoir avant de repenser aux Evangiles sous un nouvel angle : la halakha n’a été fixée de façon normative qu’au 18ème siècle, dans un ouvrage appelé Shulkhan Akhoukh. La halakha reste bien évidemment un sujet de discussion sans fin, ne serait-ce qu’en raison des progrès de la science : greffe d’organe, mère porteuse, insémination artificielle, et tous les défis bioéthiques auxquels l’Eglise est confrontée actuellement.

Les multiples affrontements avec les pharisiens sont à revoir sous cet angle. Souvent lus comme des passages d’affrontement entre un Christ venant faire supplanter l’amour face à toute autre considération, et des pharisiens au cœur de pierre et à l’esprit étroit, nous avons plutôt à faire à des moments de débats halakhiques du type : la guérison du malade interrompt-elle le Shabbat comme la circoncision ? Lorsqu’un pharisien demande à Jésus quel est le plus grand commandement, il pose en fait une question d’un classicisme presque convenu en milieu rabbinique.

Comment se fait une déduction halakhique avec les outils herméneutiques de Moïse ? Il y a un certain nombre de règles enseignées dans les écoles rabbiniques qui les ont reçues de Moïse, et qui feront l’objet de posts dédiés, car c’est assez technique. Disons pour résumer, que tout est tiré de l’Ecriture. Puisque tel ou tel personnage a fait ceci ou cela dans telle ou telle situation, alors j’en déduis que ceci semble être agréé par Dieu et puisque tel ou tel autre passage, alors j’en déduis quelque chose qui vient nuancer, ou appuyer, etc. La démarche patristique est assez similaire : relisez les homélies de Saint Jean Chrysostome et vous verrez comment l’Ecriture lui sert à illustrer ce à quoi Dieu nous appelle. Ainsi, puisque l’Ecriture est le matériau de départ de toute déduction, elle doit être connue parfaitement. L’hébreu offre des possibilités herméneutiques particulières qui permettent davantage de déduction : présence/absence de certaines lettres permettant de lire les choses différemment et à faire émerger un autre texte contenant la halakha recherchée.