Patristique (Saint Clément de Rome : comm 4) : femme, soumission, religion
Patrologie grecque
Saint Clément de Rome : première aux corinthiens - chapitre 1 point 3
ἀπροσωπολήμπτως γὰρ πάντα ἐποιεῖτε καὶ ἐν τοῖς νομίμοις τοῦ θεοῦ ἐπορεύεσθε, ὑποτασσόμενοι τοῖς ἡγουμένοις ὑμῶν, καὶ τιμὴν τὴν καθήκουσαν ἀπονέμοντες τοῖς παρ᾿ ὑμῖν πρεσβυτέροις νέοις τε μέτρια καὶ σεμνὰ νοεῖν ἐπετρέπετε· γυναιξίν τε ἐν ἀμώμῳ καὶ σεμνῇ καὶ ἁγνῇ συνειδήσει πάντα ἐπιτελεῖν παρηγγέλλετε, στεργούσας καθηκόντως τοὺς ἄνδρας ἑαυτῶν· ἔν τε τῷ κανόνι τῆς ὑποταγῆς ὑπαρχούσας τὰ κατὰ τὸν οἶκον σεμνῶς οἰκουργεῖν ἐδιδάσκετε, πάνυ σωφρονούσας.
Traduction littérale
De façon impartiale car tous faisiez et dans aux lois de Dieu aviez suivis fortement, soumis aux commandés de vous, et honneur la nécessaire assignés aux d'à côté de à vous (aux) anciens (aux) nouveaux aussi mesurés et saints observé instruisiez. A la femme aussi dans immaculé et sainte et pure conscience tous accomplir ordonniez, aimantes comme il convient les hommes à eux-mêmes. Dans aussi au règle la de soumission débutés le selon le maison respectueusement garder la maison enseigniez, entièrement qui sont saines d'esprit.
Traduction fluide
Car vous observiez tous de façon impartiale les lois de Dieu, soumis à vos dirigeants, vous rendiez honneur à vos anciens, assignés à vos côtés pour instruire les nouveaux dans la sainteté et la mesure. Egalement aux femmes saintes et sans tâches, et à la conscience pure vous avez accompli ce qui vous était ordonné, aimant vos époux comme il convient, dans la règle de soumission enseignée au début, et vous avez gardé vos maisons avec respect, selon l’usage.
Commentaire/Analyse : femme, soumission, religion
La religion au travers des siècles a été une source d’oppression pour la femme, et c’est la sécularisation qui a permis à celle-ci de se libérer et de regagner une certaine indépendance. Voici résumée en une phrase la vulgate féministe dont on nous abreuve dans les médias dominants. Au regard de ce texte de Saint Clément de Rome, cette assertion mérite d’être examinée avec attention. Si on laisse de côté l’Eglise un instant et que l’on se concentre sur l’histoire dans sa dimension politique, sociale, et sociétale, cette vulgate est fausse. Cette conquête d’une position de pouvoir n’est pas une conquête mais une reconquête. L’antiquité était dure avec les femmes. Le moyen-âge était beaucoup plus favorable qu’on le laisse entendre bien souvent. C’est à partir de la révolution bourgeoise que la femme est reléguée à un rôle matrimonial et domestique. C’est la logique interne du capitalisme qui exige sa « libération » pour l’insérer dans le monde économique. Ce qui est présenté comme une libération en regard d’une prétendue tyrannie domestique, est en fait l’introduction dans une tyrannie économique, celle-ci bien réelle.
Quelle était la place de la femme au moyen-âge, ou sous le régime monarchique ? Si l’on consulte les historiens sérieux et pas les essayistes de la presse de pouvoir, elle était éminente. Elle pouvait exercer des rôles de pouvoir. La figure d’une Catherine de Médicis est pour l’instant sans équivalent dans le monde néo-libéral actuel. Mais quel rôle joua l’Eglise dans cette dynamique qui n’est pas entièrement ecclésiale, mais aussi politique et historique ? La Bible expose deux grands passages relatant une domination de la femme par l’homme. Le premier est l’expulsion du Paradis, où Dieu déclare à la femme qu’elle sera dominée par son mari. L’hébreu est le suivant :
אֶֽל־הָאִשָּׁ֣ה אָמַ֗ר הַרְבָּ֤ה אַרְבֶּה֙ עִצְּבוֹנֵ֣ךְ וְהֵֽרֹנֵ֔ךְ בְּעֶ֖צֶב תֵּֽלְדִ֣י בָנִ֑ים וְאֶל־אִישֵׁךְ֙ תְּשׁ֣וּקָתֵ֔ךְ וְה֖וּא יִמְשָׁל־בָּֽךְ
La traduction littérale en est la suivante :
“A la femme Il dit : multiplier, je multiplierai ta douleur et ta grossesse, tu enfanteras des fils avec douleur. Et vers ton mari [sera] ton désir, et lui te domineras” (Gn 3:16)
Il faut bien saisir la dynamique du contexte. L’homme et la femme sont chassés de leur condition primordiale idéale. Ils chutent dans la désobéissance et la mort. Leur vie sera vécue dans un monde déchu. Cette domination participe donc d’un monde déchu. Un monde dans lequel l’homme domine la femme est un monde déchu. C’est un des éléments clé permettant d’identifier un monde déchu. A noter d’ailleurs, même si c’est un autre sujet, que le rôle de l’homme ne sera pas de traverser cette déchéance jusque la mort dans le silence, mais bien de faire remonter le monde à son état initial, puis d’achever la tâche première qui reste à faire. Mais ceci est un autre sujet… Dieu donne donc une Torah qui explique à l’homme qu’asservir la femme est une des caractéristiques d’un monde qui est en rébellion avec Lui.
Et l’on peut donc passer au deuxième passage, que nous devons à Saint Paul dans son épître aux éphésiens, passage bien connu pour sa lecture au mariage, et passage si mal compris… Le passage est le suivant en grec :
“αι γυναικες τοις ιδιοις ανδρασιν ως τω κυριω. οτι ανηρ εστιν κεφαλη της γυναικος ως και ο χριστος κεφαλη της εκκλησιας αυτος σωτηρ του σωματος. αλλα ως η εκκλησια υποτασσεται τω χριστω ουτως και αι γυναικες τοις ανδρασιν εν παντι”.
Sa traduction courante est la suivante
“Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l’Église, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l’Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leurs maris en toutes choses.” (Eph 5:22-24)
On pourra donc se poser la question suivante : pourquoi Paul, apôtre du Christ, ordonne un fonctionnement lié à la déchéance alors qu’il a pour tâche d’enseigner aux hommes comment vivre dans un monde qui soit conforme à la volonté divine ? Et bien justement parce que la volonté divine est complexe à appréhender dans certains détails. Cela demande une vie d’études et de prières, et d’être entouré par une tradition solide. Et ici, c’est Paul le Pharisien qui parle. C’est le Juif observant qui parle. Chez les Juifs, c’est l’homme qui tranche en matière de halakha. Cette notion est maintenant connue de par les posts précédents (ceux sur la Mishna par exemple). La soumission de la femme, dans le contexte où parle Paul ne concerne que la Halakha. Il ne concerne pas une soumission domestique, intellectuelle ou autre. Qu’est-ce qui permet d’affirmer cela ? Paul envoie une lettre d’instruction spirituelle à la communauté chrétienne naissante basée à Ephèse. C’est faire insulte à l’Apôtre que de croire qu’il profiterait de cette occasion pour rappeler aux femmes que leur rôle est de pondre des enfants et de faire la vaisselle entre deux accouchements. Paul écrit pour que la communauté fonctionne le mieux possible. Dans tout ce qui constitue un fonctionnement harmonieux, le fait de trancher un point de halakha est un constituant parmi d’autres.
On pourra argueur du “en toutes choses”, traduction du “εν παντι”. Si on lit littéralement, il ne s’agit pas que de halakha. C’est dans ce genre que l’herméneutique demande de la finesse et du discernement. Paul n’écrit pas concernant tous les domaines. Son “en toutes choses” doit donc être lu “en toute matière de Halakha”.
Deux questions surgissent tout de suite. Pour une communauté chrétienne, qu’est-ce que la halakha, puisque la Loi mosaïque ne concerne pas les gentils dans l’Eglise (vous noterez bien que je ne parle pas d’abolition ici) ? Et deuxième question : pourquoi dans l’absolu, est-ce le rôle de l’homme de trancher en matière de halakha ? Pourquoi la femme se voit exclue de cette possibilité ? La réponse à la première question est la suivante : la halakha chrétienne est principalement liturgique et canonique. Il s’agit ici de fixer le contenu et la date des offices (c’est le clergé exclusivement masculin qui remplit ce rôle aujourd’hui). Pour la dimension canonique on peut évoquer les aspects divers et variés : qui peut communier, qui est intégré à la communauté eucharistique, qui en est exclu, etc. Ce rôle est aujourd’hui tenu par les évêques et les pères spirituels. A noter que dans les communautés exclusivement féminines, il s’agira d’une higoumène femme qui tranchera ces points-là. Ensuite, la réponse à la deuxième question, tient à un héritage Juif sur le nombre des commandements. Sur les 613 commandements auxquels l’homme est tenu, beaucoup ne concernent pas la femme. Donc, il était normal dans ce monde de commandements que ce soient les hommes qui tranchent pour eux-mêmes. Cette spécificité masculine juive se transfère donc dans le cadre d’un clergé exclusivement masculin. Pourquoi dans le Christianisme, puisque la halakha chrétienne ne distingue plus hommes et femmes, ne peut-on pas rééquilibrer ? Parce que à l’époque de Paul, il y a encore beaucoup de Juifs dans l’Eglise, et donc encore beaucoup d’hommes tenus à la Loi mosaïque. C’est un des points qui montrent que Paul n’est pas un affreux misogyne, mais bien que la Loi est « abolie » uniquement pour les gentils. Le terme abolition est impropre, car les gentils n’ont jamais été sous la Loi. Il n’y a donc pas d’abolition en ce qui les concerne. Si la Loi n’est que pour les Juifs de l’Eglise, alors l’usage Juif demeure. Donc la femme est soumise à son mari pour ce qui est de trancher la halakha. Les gentils s’agrègent à Israël. Ils vivent donc comme Israël…