texte original allemand

Bereits im Vorwort an Richard Wagner wird die Kunst – und nicht die Moral – als die eigentlich metaphysische Tätigkeit des Menschen hingestellt; im Buche selbst kehrt der anzügliche Satz mehrfach wieder, daß nur als ästhetisches Phänomen das Dasein der Welt gerechtfertigt ist. In der Tat, das ganze Buch kennt nur einen Künstler-Sinn und -Hintersinn hinter allem Geschehen,– einen "Gott", wenn man will, aber gewiß nur einen gänzlich unbedenklichen und unmoralischen Künstler-Gott, der im Bauen wie im Zerstören, im Guten wie im Schlimmen, seiner gleichen Lust und Selbstherrlichkeit innewerden will, der sich, Welten schaffend, von der Not der Fülle und Überfülle, vom Leiden der in ihm gedrängten Gegensätze löst.

Die Welt, in jedem Augenblick die erreichte Erlösung Gottes, als die ewig wechselnde, ewig neue Vision des Leidendsten, Gegensätzlichsten, Widerspruchreichsten, der nur im Scheine sich zu erlösen weiß: diese ganze Artisten-Metaphysik mag man willkürlich, müßig, phantastisch nennen –, das Wesentliche daran ist, daß sie bereits einen Geist verrät, der sich einmal auf jede Gefahr hin gegen die moralische Ausdeutung und Bedeutsamkeit des Daseins zur Wehre setzen wird. Hier kündigt sich, vielleicht zum ersten Male, ein Pessimismus "jenseits von Gut und Böse" an, hier kommt jene "Perversität der Gesinnung" zu Wort und Formel, gegen welche Schopenhauer nicht müde geworden ist, im voraus seine zornigsten Flüche und Donnerkeile zu schleudern, – eine Philosophie, welche es wagt, die Moral selbst in die Welt der Erscheinung zu setzen, herabzusetzen und nicht nur unter die "Erscheinungen" (im Sinne des idealistischen terminus technicus), sondern unter die "Täuschungen", als Schein, Wahn, Irrtum, Ausdeutung, Zurechtmachung, Kunst.

Vielleicht läßt sich die Tiefe dieses widermoralischen Hanges am besten aus dem behutsamen und feindseligen Schweigen ermessen, mit dem in dem ganzen Buche das Christentum behandelt ist, – das Christentum als die ausschweifendste Durchfigurierung des moralischen Themas, welche die Menschheit bisher anzuhören bekommen hat.

In Wahrheit, es gibt zu der rein ästhetischen Weltauslegung und Welt-Rechtfertigung, wie sie in diesem Buche gelehrt wird, keinen größeren Gegensatz als die christliche Lehre, welche nur moralisch ist und sein will und mit ihren absoluten Maßen, zum Beispiel schon mit ihrer Wahrhaftigkeit Gottes, die Kunst, jede Kunst ins Reich der Lüge verweist, – das heißt verneint, verdammt, verurteilt. Hinter einer derartigen Denk- und Wertungsweise, welche kunstfeindlich sein muß, solange sie irgendwie echt ist, empfand ich von jeher auch das Lebensfeindliche, den ingrimmigen rachsüchtigen Widerwillen gegen das Leben selbst : denn alles Leben ruht auf Schein, Kunst, Täuschung, Optik,Notwendigkeit des Perspektivischen und des Irrtums. Christentum war von Anfang an, wesentlich und gründlich, Ekel und Überdruß des Lebens am Leben, welcher sich unter dem Glauben an ein "anderes" oder "besseres" Leben nur verkleidete, nur versteckte, nur aufputzte. Der Haß auf die "Welt", der Fluch auf die Affekte, die Furcht vor der Schönheit und Sinnlichkeit, ein Jenseits, erfunden, um das Diesseits besser zu verleumden, im Grunde ein Verlangen ins Nichts, ans Ende, ins Ausruhen, hin zum "Sabbat der Sabbate" – dies alles dünkte mich, ebenso wie der unbedingte Wille des Christentums, nur moralische Werte gelten zu lassen, immer wie die gefährlichste und unheimlichste Form aller möglichen Formen eines "Willens zum Untergang", zum mindesten ein Zeichen tiefster Erkrankung, Müdigkeit, Mißmutigkeit, Erschöpfung, Verarmung an Leben, – denn vor der Moral (insonderheit christlichen, das heißt unbedingten Moral) muß das Leben beständig und unvermeidlich Unrecht bekommen, weil Leben etwas essentiell Unmoralisches ist, – muß endlich das Leben, erdrückt unter dem Gewichte der Verachtung und des ewigen Neins, als begehrensunwürdig, als unwert an sich empfunden werden. Moral selbst – wie? sollte Moral nicht ein "Wille zur Verneinung des Lebens", ein heimlicher Instinkt der Vernichtung, ein Verfalls-, Verkleinerungs-, Verleumdungsprinzip, ein Anfang vom Ende sein? Und, folglich, die Gefahr der Gefahren?...

Gegen die Moral also kehrte sich damals, mit diesem fragwürdigen Buche, mein Instinkt, als ein fürsprechender Instinkt des Lebens, und erfand sich eine grundsätzliche Gegenlehre und Gegenwertung des Lebens, eine rein artistische, eine antichristliche. Wie sie nennen? Als Philologe und Mensch der Worte taufte ich sie, nicht ohne einige Freiheit – denn wer wüßte den rechten Namen des Antichrist? – auf den Namen eines griechischen Gottes: ich hieß sie die dionysische. –

traduction proposée

Déjà dans la préface sur Richard Wagner, c’était l’art – et pas la morale – qui décrivait l’activité métaphysique humaine actuelle; Dans le livre lui-même, on retrouve à plusieurs reprises cette proposition suggérant que le monde ne justifie son être que comme phénomène esthétique. En effet, le livre ne conçoit qu’une seule pensée et arrière pensée d’artiste, d’un Dieu, si l’on veut, mais certainement seulement un artiste-dieu totalement inacceptable et immoral, dans la destruction comme dans la construction, dans le bien ou le mal, son désir propre étant la connaissance de sa propre gloire, qui en créant des mondes, les remplit de détresse et de profusion, résolvant ainsi les contradictions des souffrances qui le pressent.

Le monde, atteignant à chaque instant la libération de Dieu, qui change éternellement, vision éternellement neuve des plus grandes souffrances, les plus grandes contradictions, les oppositions les plus riches, dont le rachat ne se produit que dans la clarté ; Toute cette métaphysique d’artiste peut être qualifiée d’aléatoire, inutile ou fantasque - l’essentiel étant qu’elle trahit un esprit qui se place au-dessus de chaque danger venant s’opposer à l’explication morale du monde et son importance. Ici est annoncé, peut-être pour la première fois, un pessimisme „au delà du bien et du mal“ ; Ici vient vient cette « perversité de l’esprit » contre laquelle Schopenhauer ne s’est jamais lassé de lancer ses malédictions et ses formules - une philosophie, qui ose poser la morale comme apparence du monde, pour la diminuer, et non seulement comme « l’apparence » (dans la réflexion du technicus terminus idéaliste), mais comme « déception », lueur, illusion, erreur, explication, maquillage, art.

Peut-être la profondeur de cette opposition à la morale se fait le mieux sentir dans le silence hostile et délicat qui entoure le Christianisme dans le livre entier, - Christianisme comme la variation la plus débauchée de la morale à laquelle l’humanité ait été confrontée jusqu’à présent. En vérité, il y a dans la pure exégèse esthétique du monde et dans la justification du monde, comme l’enseignera ce livre, la plus grande contradiction de l’enseignement de la doctrine chrétienne, qui ne veut être que morale absolue avec ses principes, par exemple, déjà avec sa véracité de Dieu, condamne l’art, condamne chaque art comme mensonge, et l’excluant ainsi. Derrière cette façon de penser et de juger, chaque art est son ennemi, aussi longtemps qu’elle a la vie comme ennemie, et que la vengeance courroucée tient lieu de volonté hostile à la vie elle-même : car toute vie repose sur lueur, art, déception, optique, nécessité en perspective de l’erreur. Le Christianisme fut dès le commencement, essentiellement et totalement, dégoût et morosité de la vie pour la vie, qui se déguisait et se cachait uniquement en une foi en une « autre » ou « meilleure » vie. La haine du „monde“, la malédiction des passions, la crainte de la beauté et de la luxure, un au-delà, inventés, calomnient ce qui nous entoure, en vérité une demande de néant, de fin, de repos, jusqu’au « sabbat des sabbats » - tout cela me semblait, comme la volonté absolue du Christianisme, ne tenant compte que des valeurs morales, au plus la plus dangereuse et sinistre forme possible de cette « volonté de chute », au minimum une maladie profonde, une morosité, un épuisement, un appauvrissement de la vie, - car la morale (en particulier la morale chrétienne, qu’on nomme morale absolue) doit recevoir l’injustice inlassablement et continuellement, parce que vivre est un acte essentiellement immoral, - et nous devons donc écraser la vie sous le poids d’un dédain éternel, indigne du désir d’être vécue. La morale elle-même – quoi ? La morale ne devrait-elle pas être « une volonté pour la négation de la vie », un instinct secret de destruction, une décadence, une réduction, un principe de calomnie, un début de la fin ? et en conséquence, le danger des dangers ? …

Contre la morale, mon instinct s’est retourné à ce moment, dans ce livre discutable, en tant que défenseur de la vie, et inventa une doctrine fondamentale, purement artistique, anti-chrétienne. Comment la nommer ? En tant que philologue et homme, je l’ai baptisée, non sans quelque liberté, - qui connaît le véritable nom de l’Antéchrist ? - d’après le nom d’un dieu grec : je l’ai nommée dyonisiaque.



Commentaire/Analyse





Ce cinquième paragraphe de sa préface est éclairant. Le philosophe nous annonce avoir choisi l’art comme boussole plutôt que la morale. Il expose ensuite sa perception de la morale, mais cette substitution mérite qu’on s’y arrête un peu, pour la penser. Une fois que la morale est détrônée, congédiée, reléguée au superflu, Nietzsche voit bien que l’homme ne se suffit pas à lui-même. Il lui faut encore se confronter à un nouvel absolu, le précédent ayant été aboli. Pour le philosophe allemand, il ne peut y avoir d’absence d’absolu. Ce meurtre de la morale devait donc conduire à l’élection d’un nouvel absolu. Pourquoi l’art ? pourquoi pas la politique ? Pourquoi pas la philosophie (cela eut été naturel pour un philosophe). Probablement parce que ces catégories sont elles-même contaminées par le poison moral dont Nietzsche prétend se libérer. Il aspire à la grandeur. Ce n’était donc pas dans la politique qu’il allait pouvoir trouver refuge.

Ce texte est très violent contre le Christianisme, et pourtant il devrait emplir tout chrétien d’une immense fierté. En effet, Nietzsche expose ici que toute morale est dans ses fondations, ontologiquement chrétienne. La morale est chrétienne, de facto. Ce sont nos catégories qui donnent le la dans le cadre moral. Les autres religions ont des approches dogmatiques erronées du Christ, mais font siennes Son enseignement moral. C’est ce que constate Nietzsche. Si l’on veut lutter contre la morale, c’est contre le Christianisme qu’il convient de lutter. La seconde fierté qui peut émerger de ce texte est la suivante : l’athéisme, pour être conséquent, devrait lui-même s’affranchir de la morale. Ce brillant philosophe l’avait compris. C’est pourquoi j’ai pour lui un immense respect. En effet, combien d’athées portent des jugements moraux contre l’Écriture, la religion ou Dieu. Nietzsche avait compris l’inconséquence, la frivolité extrême de cette posture enfantine. En effet, si l’on reproche le comportement moral de Dieu dans l’Écriture, vis-à-vis de telle ou telle demande choquante, il convient de penser la chose suivante : sur quelle morale se base l’athée pour condamner Dieu moralement ? Quel est son référentiel, d’où provient-il, et quelle est la légitimité de celui-ci ? C’est tout le problème de l’ontologie même de la morale. Ceux qui sont choqués par Dieu demandant l’extermination d’un peuple (Amalek) commettent une imprudence logique énorme : ils s’approprient la morale chrétienne pour condamner Dieu. Ils s’en font donc à la fois le contradicteur mais aussi le disciple. Nietzsche avait compris cette impossibilité. La conclusion logique fut donc d’abolir la morale, purement et simplement. D’où la nécessité de penser au-delà du bien et du mal. Nietzsche donne ici, dans ce paragraphe violent et flamboyant, ce qu’est l’athéisme véritable. L’exigence folle que cela demande. Il en tire les conclusions. Et il ne s’attaque pas au religieux en général. Il s’attaque au Christ. Pourquoi ? Parce qu’il a saisi que la seule morale religieuse objective véritable se situe ici. C’est une contre apologie magnifique. Tout chrétien devrait se sentir exalté en tirant les conclusions de ce texte.