Le sacrement de l’Assemblée

« lorsque vous vous réunissez en Eglise » (I Cor 11:18)
Le résultat le plus évident et sans doute le plus fâcheux de cette piété « nouvelle » à savoir : pratiquement une « excommunication » des laïcs, pour qui la communion n’est plus la suite naturelle de leur participation, en devenant donc quelque chose d’exceptionnel, même ce fait est resté impuissant, devant le témoignage direct des paroles de l’Ordo : « nous tous, qui communions au Pain et au Calice uniques… » … « avec crainte de Dieu et avec foi, approchez ! ». etc. Ce sont là des paroles et des appels qui intéressent l’assemblée entière, et non pas tel de ses membres en particulier.

Comme l’écrit fort justement le Père Afanassieff, « si l’on écarte tout ce qui a été introduit de l’extérieur dans notre vie liturgique, surtout ces derniers siècles, on y trouvera pas de divergences notables par rapport à la pratique ancienne de l’Eglise. Le principal défaut tient à ce que nous attribuons plus d’importance à des apports, fortuits ou non, qu’à la substance même de nos rites. Les principes fondamentaux de la doctrine eucharistique en ressortent assez clairement. La nature de l’Eucharistie y est restée intacte… aussi notre tâche consiste-t-elle non pas tant à procéder à des transformations de notre vie liturgique qu’à prendre conscience de la vraie nature de l’Eucharistie ».


Commentaire/Analyse

Aucun élément foncièrement nouveau ici, dans tout ce qui a déjà été éclairci dans les commentaires des passages précédents. Il s’agit plutôt d’une sorte de résumé de la problématique : le cœur de la liturgie est l’Eucharistie. Son but est la communion. Tous les éléments qui se sont greffés depuis des siècles introduisent une piété dirigée vers des choses annexes qui ont plusieurs résultats fâcheux : incompréhension du sens véritable de la liturgie, communion peu fréquente, forme de piété individualiste et théologie en décalage avec la liturgie et les Pères.

Le premier réflexe d’un évêque dynamique sera de vouloir entamer une réforme, qui comme toute réforme aura pour ambition de revenir aux origines, à quelque chose d’authentique et de véridique. On a vu le résultat avec la réforme de Martin Luther. Est-ce à dire que toute réforme se terminera toujours par une catastrophe de cette ampleur ? Pas forcément, mais il ne faut pas l’exclure. Une autre approche aura le mérite de la simplicité et de la douceur. Prenons l’exemple du rideau. Une réforme menée à la hussarde dirait que l’on supprime le rideau partout sous prétexte qu’il nous empêche d’accéder à l’essentiel. Il sera tellement plus simple de se souvenir que nombre de Pères et de Saints ont célébrés avec le rideau pour savoir que celui-ci n’est pas la source de tous les maux qui nous accablent. Il suffira, par exemple, une ou deux fois par an, de célébrer sans fermer le rideau, en l’annonçant, et en l’expliquant. Le but est de mettre en place de façon exceptionnelle les choses nominales, en attirant l’attention dessus au moyen de l’homélie ou d’un mot de conclusion du prêtre. De la même façon que nominalement, les laïcs ne rentrent pas dans le sanctuaire, mais que de temps en temps il est prévu un moment où ils le peuvent, il faudrait ramener les éléments fondamentaux de la liturgie en lumière, en supprimant de façon exceptionnelle les ajouts que déplorent l’auteur ou ceux qu’il cite. Un fidèle habitué au rideau tiré aux moments clés, qui verrait une ou deux fois par an, une liturgie antique sans rideau, prendrait conscience de la dialectique entre la tradition émanant du collège apostolique d’un côté et la tradition toute humaine de l’autre. Il faudra qu’il voit la tradition humaine comme contingente.

Un deuxième élément de réforme non toxique : le retour aux Pères. Il peut être bon parfois d’aller plus loin que la simple citation patristique en appui d’une homélie. On pourra lire une homélie complète d’un Père sur un évangile, ou sur un passage de l’Ecriture, pour redonner aux Pères la parole qu’ils n’ont plus que dans les académies de théologie. Là aussi, les choses se feraient en douceur. Les passages, s’ils sont judicieusement choisis mettront en lumière une approche particulière de la liturgie, de l’Ecriture. Si l’on entend un Père à l’autorité certaine comme un hiérarque par exemple, exposer des éléments de doctrine qui viennent contredire les fondamentaux de cette théologie d’école et de sa piété non orthodoxe, ce n’est plus un débat entre théologiens auquel les gens ne veulent pas prendre part. C’est l’expression des tréfonds de l’Eglise qui revient à la surface et qui dit : la Tradition n’est pas ce que vous croyez.

Bref, ces deux éléments sont des soucis pastoraux. C’est aux prêtres de prendre conscience que dans le « cahier des charges » de la guidance spirituelle, il y a aussi ces deux éléments à prendre en compte : faire arriver le peuple à maturité liturgique et théologique sans passer par un cursus académique.