La révélation naturelle comme base de la croyance naturelle et d’un sens de l’existence

partie 1

texte original roumain

Biserica ortodoxa nu face o separație intre revelația naturala si cea supranaturala. Revelația naturala e cunoscuta si ințeleasa deplin in lumina revelației supranaturale; Sau revelația naturala e data si menținuta de Dumnezeu in continuare printr-o acțiune a lui mai presus de natura. De aceea, Sfantul Maxim Marturisitorul nu face o deosebire esențiala intre revelația naturala si cea supranaturala, sau biblica. Ultima nu e, dupa el, decât incorporarea celei dintâi in persoane si acțiuni istorice (Ambigua PG 91 col 1180).
Afirmația lui trebuie înțeleasa probabil mai mult in sensul ca cele doua revelații nu sunt desparțite : revelația supranaturala se desfasoara si isi produce roadele in cadrul celei naturale, ca un fel de iesire mai accentuata in relief a lucrarii lui Dumnezeu, de conducere a lumii fizice si istorice spre ținta spre care a fost creata, dupa un plan stabilit din veci. Revelația supranaturala restabileste numai directia si da un ajutor mai hotarât miscarii întreținute în lume de Dumnezeu prin revelația naturala. De altfel, la început, în starea deplin normala a lumii, revelația naturala nu era desparțita de o revelație supranaturala.
Ca atare, Revelația supranaturala pune doar în lumina mai clara însasi revelația naurala.
Se poate vorbi totuți atât de o revelație naturala, întrucât lucrarea lui Dumnezeu în cadrul revelației nu e la fel de accentuata si de vadita ca în cea supranaturala.
Vorbind mai in concret, si potrivit credinței noastre, conținutul revelației naturale este cosmosul si omul dotat cu rațiune, cu constiința si libertate, ultimul fiind nu numai obiect de cunoscut al acestei revelații, ci si subiect al cunoasterii ei. Dar atat omul, cat si cosmosul sunt produsul unui act de creație mai presus de natura al lui Dumnezeu si sunt menținuți in existența de Dumnezeu printr-o acțiune de conservare, care de asemenea are un caracter supranatural. Dar acestei acțiuni de conservare si de conducere a lumii spre scopul ei propriu, ii raspund si o putere si o tendința de autoconservare si de dezvoltare dreapta a cosmosului si a omului. Din acest punct de vedere cosmosul si omul pot fi considerați ei înțiți o revelație naturala.
Dar cosmosul si omul constituie o revelație naturala si din punctul de vedere al cunoasterii. Cosmosul e organizat intr-un mod corespunzator capacitații noastre de cunoastere. Cosmosul ți natura umana ca intim legata de cosmos sunt imprimate de o raționalitate, iar omul – creatura a lui Dumnezeu – e dotat în plus cu o rațiune capabila de cunoastere conțtienta a raționalitații cosmosului si a propriei sale naturi. Dar aceasta raționalitate a cosmosului ți rațiunea noastra cunoscatoare umana sunt pe de alta parte – potrivit doctrinei crețtine – produsul actului creator al lui Dumnezeu. Deci, nici din acest punct de vedere revelația naturala nu e pur naturala.

traduction proposée

L’Eglise orthodoxe ne fait pas de séparation entre la révélation naturelle et supranaturelle. La révélation naturelle est connue et comprise pleinement à la lumière de la révélation supranaturelle. Ou encore, la révélation naturelle est donnée et maintenue par Dieu de façon continue au travers de Son action au-dessus de la nature. à propos de ceci, Saint Maxime le Confesseur ne fait pas de distinction essentielle entre la révélation naturelle et celle supranaturelle, ou biblique. La dernière n’est, selon lui, que l’incorporation des deux premières dans des personnes et des événements historiques (Ambigua PG 91 col 1180).
Son affirmation doit probablement davantage être comprise dans le sens où ces deux révélations ne sont pas séparées : la révélation supranaturelle se déroule et produit des fruits dans la cadre de la naturelle, comme une sorte de mise en relief plus accentuée de l’oeuvre divine, de conduite du monde physique et historique en direction du but pour lequel il fut créé, d’après un plan établi depuis toujours. La révélation supranaturelle rétablit seulement la direction et donne un appui plus décidé au mouvement entretenu dans le monde par Dieu au travers de la révélation naturelle. Par ailleurs, au commencement, lorsque le monde était dans un état pleinement normal, la révélation naturelle n’était pas séparée de la révélation supranaturelle.
Ainsi, la révélation supranaturelle vient met plus clairement en lumière la révélation naturelle elle-même.
On peut néanmoins parler aussi bien d’une révélation naturelle, parce que le travail de Dieu dans le cadre de la révélation n’est pas aussi accentué et manifesté que dans celle supranaturelle.
Pour parler de façon plus concrète, et en accord avec notre croyance, le contenu de la révélation naturelle est le cosmos et l’homme doté de raison, avec la conscience et la liberté, ce dernier étant non seulement objet à connaître de cette révélation, mais aussi un acteur de la compréhension (de la révélation). Mais l’homme et le cosmos sont le produit d’un acte de création au-dessus de la nature émanant de Dieu, et sont maintenus à l’existence par Dieu au travers d’un acte de préservation, qui a également un caractère supranaturel. Mais à ces actes de préservation et de conduite du monde en direction de son but propre, répondent une puissance et une tendance d’auto-préservation et de juste développement de la part de l’homme et du cosmos. De ce point de vue, le cosmos et l’homme peuvent eux-mêmes être considérés en tant que révélation naturelle.
Mais le cosmos et l’homme constituent une révélation naturelle également du point de vue de la connaissance. Le cosmos est organisé selon un mode correspondant aux capacités de notre compréhension. Le cosmos et la nature humaine en tant qu’intimement liée au cosmos sont marqués d’une rationalité, tandis que l’homme – créature de Dieu – est doté en plus d’une raison capable de compréhension consciente de la rationalité du cosmos et de sa propre nature. Mais cette rationalité du cosmos et notre raison connaissante humaine sont d’un autre côté – en accord avec la doctrine chrétienne – le produit de l’acte créateur de Dieu. Alors de ce point de vue, la révélation naturelle n’est pas seulement naturelle.


Commentaire/Analyse

C’est ainsi que commence la dogmatique en trois volumes du Père Dumitru Staniloae. Il est à l’heure actuelle considéré comme le plus grand théologien roumain de l’époque contemporaine (il nous a quittés en 1993). Ce premier passage de sa dogmatique montre qu’il joue dans la cour des grands avec les Pères Boulgakov et Schemann. Le point commun qui semble devoir être un portrait-robot des grands : une culture patristique très ample, avec un Père de prédilection qui semble pour lui devoir être Saint Maxime le Confesseur. Chaque phrase est très dense, et il rejoint le Père Boulgakov sur un élément précis, qui rend parfois la lecture désagréable ou disons exigeante : c’est un style allemand. Ce n’est pas fait pour être lu avec un confort de style mais pour être étudié, analysé, disséqué. En cela le Père Schmemann est plus agréable. Mais ce sont là des considérations annexes. « L’Eglise orthodoxe ne fait pas de séparation entre la révélation naturelle et supranaturelle ». J’ai choisi de choisir supranaturala de façon très proche. Je voulais surtout éviter le terme surnaturel qui fait plutôt penser à des choses de types vampires ou fantômes. Ce n’est pas ici ce dont il s’agit. Supranaturelle fait référence à tout ce qui est au-delà de la nature. Et le Père Staniloae relie cela à une révélation. C’est-à-dire qu’on peut arriver à Dieu en regardant le monde (révélation naturelle) ou en recevant l’enseignement de l’Eglise (révélation supranaturelle dont le contenu est l’héritage de l’Eglise). Et les deux sont parfaitement en cohérence. La nature évoque l’au-delà de la nature. L’au-delà de la nature a toujours un lien dans la nature. Cela signifie alors qu’il y a une parfaite unité des deux. Et donc pas de dualisme au contraire de ce que professe la gnose. Cela veut aussi dire que la nature nous enseigne sur l’au-delà d’elle-même et que l’Ecriture rend compte de tout cela. Il sera intéressant de noter le « ou biblique » de fin de phrase. C’est-à-dire que la révélation ne se base pas sur l’Ecriture. On peut retrouver les éléments de la révélation dans l’Ecriture mais ceci n’est pas premier, ni l’unique voie. L’Ecriture n’est pas à la révélation ce que le Christ est au salut : une obligation absolue. Le Père Staniloae nous donne donc ici une indication précise de la place de l’Ecriture dans l’Eglise. Elle n’est pas première. Elle n’est pas le socle. Elle fait partie de la tradition, mais pour prendre un exemple outrancier, nous pourrions très bien ne pas avoir de texte saint et pouvoir encore transmettre la volonté de Dieu aux hommes. L’Ecriture est un sous-ensemble de la tradition de l’Eglise. Je vous renvoie à tous les posts précédents sur la tradition orale. Le Christ n’a rien écrit (à part quelque chose sur sol au moment de la controverse sur la femme adultère), et il n’a pas envoyé des livres dans le monde, mais des apôtres. « monde physique et historique en direction du but pour lequel il fut créé, d’après un plan établi depuis toujours » affirme avec force un des fondements de la foi : le monde n’est pas absurde, il est porteur de sens. Tout a un sens. Celui-ci peut nous échapper, et sa quête peut devenir une véritable obsession (ce qui serait plutôt bon signe de santé mentale comparé à tous ces êtres qui vivent sans rien chercher à comprendre au pourquoi de leur vie). Cette phrase du Père Dumitru fait écho aux grandes questions métaphysiques qu’engendre cet enseignement : le monde a été créé dans un but, et il tend vers un but, qui va probablement démontrer ce but. C’est là où l’on peut dire qu’être chrétien c’est tout de même s’inscrire dans un cadre ambitieux. On appelle généralement ambitieux, un homme (ou une femme) qui organise tout pendant des années pour conquérir un poste, une fonction, une position dans l’organisation humaine. Alors, comment appellerons-nous ceux qui organisent leur vie pendant des années pour être les acteurs d’un plan qui dépasse l’entendement, conçu par l’entité la plus puissante qui soit, et qui vise à conquérir une position au-delà du temps et de l’espace pour jouir de tout de façon totalement absolue ? Est-ce que finalement, le président d’un état ou d’une multinationale n’est pas le plus éloquent représentant de ceux qui passent une vie à la perdre de façon acharnée, répétée et systématique ?

Le Père Staniloae passe ensuite au péché des origines, mais ne l’évoque que de façon indirecte. Il le fait au travers des deux passages suivants : « La révélation supranaturelle rétablit seulement la direction » et « au commencement, lorsque le monde était dans un état pleinement normal, la révélation naturelle n’était pas séparée de la révélation supranaturelle ». Ces deux phrases évoquent une séparation des deux révélations et un rôle distinct de la révélation supranaturelle qui devient la seule vraiment crédible à certains moments, puisqu’on parle de rétablissement. Cette séparation des deux révélations, se produit bien évidemment au moment du péché des origines. J’insiste sur cette dénomination « péché des origines ». La dénomination « péché originel » évoque le même événement, mais n’en tire pas les mêmes conclusions, c’est pourquoi l’orthodoxie doit rester ferme sur cette dénomination. Nous ne saurions traiter du théologoumenon du Bienheureux Augustin. Je rappelle ce qu’est un théologoumenon : il s’agit d’une opinion théologique personnelle. Le péché originel d’augustin, avance que tous sont coupables, et que cette culpabilité se transmet dès la conception. Cette opinion personnelle a été émise lors d’un débat face à Pélage mais ne correspond pas au consensus patristique qui tient la position suivante : le péché originel est celui d’Adam et d’Eve et uniquement le leur, et ils en répondront devant Dieu. Nous n’héritons pas d’une culpabilité conjointe, mais simplement de la conséquence tragique de cette culpabilité, à savoir la mort. Ceci est la position de Saint Cyrille d’Alexandrie, écrit dans un contexte dogmatique et non de joute théologique (on pourra consulter l’ouvrage “De Dogmatum Solutione”). Il en reste néanmoins que la rébellion du premier homme est une catastrophe d’une ampleur cosmique. Le centre de la création se détourne du Créateur. La révélation naturelle se sépare de la révélation supranaturelle. Mais justement cette séparation appelle évidemment toute la création à l’union. Il ne s’agit pas comme le dit la gnose, de laisser une part de côté avec le jugement de valeur négatif qui l’accompagne. La gnose a en effet toujours considéré le monde matériel comme maudit et l’on doit s’en libérer. Au contraire, l’orthodoxie professe le devoir de le transfigurer. L’approche sur la sexualité est donc radicalement différentes entre les gnostiques et les augustiniens d’une part, et les orthodoxes de l’autre. Pour les premiers, elle est le lieu de la transmission de la malédiction ancestrale, une fausse joie puisque liée à la matière alors que seul compte le monde métaphysique. Pour les seconds elle est le lieu, selon le contexte de ce qu’il faut ou de ce qu’il ne faut pas faire. L’acte en soi n’a donc pas de portée. C’est le sens qui est donné à cet acte qui en détient tout ce qui sera vu dans le regard divin. Prenez la forme la plus abîmée de la sexualité : le viol. Il s’agit alors de la négation de la liberté, et l’une des plus abjectes objectivations de l’autre. L’autre n’est plus un lieu de don et de célébration, mais simplement celui d’une satisfaction uniquement tournée vers soi. Ou bien prenez la forme la plus haute de la sexualité. Il s’agit de la rencontre totalement libre, totalement gratuite de deux être unis dans leur trois dimensions physiques – psychiques et spirituelles. Dieu n’attend que des unions qui soient en accord avec son plan. Celle-ci en est évidemment une, parmi les plus hautes, car elle donne la vie. Ceci donne un exemple de l’inter-relation très subtile entre les deux révélations. La révélation naturelle explique la révélation supranaturelle, et inversement. Mais dans ce sens-là, que nous indique la révélation naturelle ? L’union des deux opposés unis par l’amour fait advenir la vie. Conclusion supranaturelle évidente : c’est la rencontre des contraires qui permet de s’inscrire dans la vie. Au contraire, l’union de deux semblables (le cas d’une union homosexuelle) reste toujours stérile, même s’il s’accompagne d’un amour qu’on pourrait même reconnaître sincère. Conclusion supranaturelle évidente : la rencontre du même ne produit rien. Cette rencontre ne contient pas de vie en potentiel. Le monde est plein du plan de Dieu pour qui sait le voir.

Ensuite le Père Dumitru aborde un point essentiel : « le contenu de la révélation naturelle est le cosmos et l’homme doté de raison ». Dans un contexte naturaliste, on jugera l’homme comme faisant partie intégrante du cosmos, et il n’y serait pas fait de distinction mettant l’homme dans une position particulière. Or, le Père Dumitru déclare que le contenu de la révélation naturelle est d’une part le cosmos, terme grec signifiant l’univers entier mais avec une idée d’organisation, et d’autre part l’homme doté de raison. La dimension de raisonnement de l’homme est essentielle dans la compréhension de sa place si particulière. L’homme n’est pas une créature comme une autre. Il est le pourquoi de la Création. Le cosmos n’a de sens que parce que l’homme y réside et peut y raisonner. Le cosmos est le lieu pour l’homme. Il y vit et y raisonne pour comprendre les deux révélations. « Le cosmos est organisé selon un mode correspondant aux capacités de notre compréhension » signifie que le cosmos est justement fait par Dieu pour être compris. C’est une énigme à notre portée. L’on comprendra aisément dans ce cadre qu’il s’agit d’un appel vibrant à la science. Non pas la science arrogante qui prétend congédier Dieu parce qu’elle a compris Sa création, mais bien la science qui témoigne des merveilles de Son monde.

La phrase de fin de cette section que j’ai arbitrairement choisi « Alors de ce point de vue, la révélation naturelle n’est pas seulement naturelle. » est intéressante, car elle ouvre sur une question qu’on aurait pu adresser au Père Dumitru depuis le départ : mais où mettez-vous la frontière entre naturel et supranaturel ? Il fait cette affirmation qui nous fait nous poser cette question, après un développement sur les capacités de raisonnement, de compréhension et le caractère justement compréhensible du monde. Je pense donc que la dichotomie pour le Père Staniloae est la suivante : est révélation naturelle tout ce qui peut être expliqué par l’homme au moyen de ses capacités de raisonnement, et est révélation supranaturelle tout ce qui lui est expliqué et qu’il n’aurait jamais pu comprendre par lui-même. Nous avons ici une structure qui s’autoréférence sur un point : nous ne pouvons pas comprendre pourquoi Dieu place la frontière ici plutôt que là. Fait donc partie du supranaturel la frontière mystérieuse de ce qui fait débuter le supranaturel. C’est ce qui fait que la révélation naturelle, n’est pas seulement naturelle. De plus, le Père considérait très probablement que nous pourrions tout comprendre, et qu’en ceci la frontière bouge sans cesse, le supranaturel se réduisant toujours un peu plus, chaque jour de réflexion de l’homme. Ce qui était supranaturel auparavant devient naturel le lendemain. Et ceci marque le choix ineffable de Dieu dans ce que Sa créature va comprendre ou non. C’est aussi dans ce cadre que doit se comprendre la notion de révélation. L’Ecriture s’achève sur le livre de Saint Jean, l’Apocalypse, qui signifie dévoilement. Il y a donc cette idée qu’à la toute fin, nous comprendrons tout. Plus personne ne pourra se cacher derrière son ignorance. Tout sera absolument clair. Ce sera très probablement insupportable. Des commentaires de la tradition orale d’Israël rapportent que l’obscurité totale pendant les plaies d’Egypte n’était pas due à l’absence de lumière, mais bien à une lumière tellement éclatante et puissante, qu’on ne pouvait plus rien voir. Ce dévoilement final absolu entrevu par Jean sera probablement de cette nature. Dieu montrera tout ce qui manquait à note compréhension. Et tout sera clair. Effroyablement clair.