Staniloae : Théologie Dogmatique Orthodoxe (vol1 - chap1 - comm6) : la limite comme méthode
La révélation naturelle comme base de la croyance naturelle et d’un sens de l’existence
section 6 (p13-14)
Treptele inferioare, chimice, minerale și organice ale existenței, deși au o raționalitate, nu au un scop în ele însele, ci scopul lor constă în a constitui condiția materială a existenței omului și ele nu sunt conștiente de acest scop al lor. În om se deschide însă ordinea unor scopuri conștiente. Și numai în cadrul scopurilor urmărite de el se deschide și înțelegerea scopurilor treptelor inferioare lui, punându-se într-o referință cu scopurile urmărite de el, ca el să boltească peste toate un sens ultim și suprem al existenței.
Spre deosebire de treptele inferioare lui, omul nu-și mai împlinește scopul existenței servind unei alte trepte superioare lui, căci în lume nu există unele ca acestea. El își urmărește propriile sale scopuri. Iar în aceasta există o mare varietate de la om la om. Fiecare om, datorită conștiinței și libertății sale, se servește altfel de treptele inferiorare lui. Iar pentru a se servi de ele, omul organizează și prelucrează datele lumii, punând pecetea sa pe ele. Această adaptare a lumii la trebuințele omului, mereu sporite și mai rafinate, are nevoie în primul rând de cunoașterea lucrurilor de către om.
Dat tot de natura noastră ține – ca singura ființă conștientă de sine și de lume – și căutarea unui sens al existenței noastre și al lumii. Iar sensul acesta nu n-il poate da decât perspectiva eternității existenței noastre. În conștiința noastră de noi înșine e implicată, odată cu căutarea sensului existenței noastre, și voința de a persista în eternitate, pentru a adânci la nesfârșit sensul existenței noastre și al întregii realități.
traduction proposée (et corrigée par les soins d'Allan T., grand merci encore pour son aide)
Les niveaux inférieurs, chimiques, minéraux et organiques de l’existence, bien qu’ayant une rationalité, n’ont pas de but en eux-mêmes, mais leur but consiste à constituer la condition matérielle de l’existence de l’homme, et elles ne sont pas conscientes de ce but. Ce n’est que dans l’homme que s’ouvre l’ordre des buts conscients. Et ce n’est que dans le cadre des buts poursuivis par lui (l'homme) que s’ouvre la compréhension des buts des niveaux inférieurs, prenant comme référence les buts qu'il poursuit, pour que par lui un sens ultime et suprême de l’existence recouvre tous les autres.
Contrairement aux niveaux inférieurs, l’homme n’accomplit pas le but de son existence en servant un des autres rangs supérieurs à lui, parce que dans le monde il n’en existe pas de cette sorte. Lui, poursuit ses propres buts. Et dans ceci il y a une grande variété d’un homme à l’autre. Chaque homme, grâce à sa conscience et à sa liberté, se sert de différentes façons des niveaux qui lui sont inférieurs. Et pour se servir d’eux, l’homme organise et transforme les données du monde, imprimant sur elles son sceau. Cette adaptation du monde aux besoins de l’homme, toujours plus grands et plus raffinés, nécessite en premier lieu la connaissance des choses par l’homme.
C'est aussi de notre nature que relève – en tant que seul être conscient de soi et du monde –la recherche d’un sens à notre existence et au monde. Et seule la perspective de l’éternité de notre existence peut nous donner ce sens. Dans notre conscience de nous-même est impliquée la quête du sens de notre existence, ainsi que la volonté de subsister dans l’éternité, afin d’approfondir à l’infini le sens de notre existence et de tout le réel.
Commentaire/Analyse
Rien de conceptuellement très neuf dans ce passage du Père. Il rappelle que le monde est profondément impacté, étudié et réorganisé par l’action de l’homme. On voit que le Père est sensible à la notion de progrès technologique qu’il ne confond pas avec progrès moral : la transmission des savoirs permet une transformation toujours plus poussée, plus complexe : plus raffinée dit-il. Nous verrons ensuite s’il produit une distanciation vis-à-vis de la technologie, de la machine, dont l’étymologie grecque « machina » (μηχανη) signifie aussi bien machine (dispositif artificiel conçu par l’homme pour réaliser un but) que piège (le Bailly, p 1280 donne : machine, engin, machine de guerre, machine de théâtre, ruse, machination, artifice, mécanisme et piège).
Sans vraiment le justifier d’aucune façon, il conçoit des niveaux inférieurs de la réalité : chimiques, minéraux et organiques. Est-ce que cette énumération est ordonnée ? dans quel sens lire cet ordre ? Cela reprend quelque peu les classifications issues de la pensée grecque : minéral, végétal, animal puis humain. On voit que le Père réactualise tout ceci en fonction de ses connaissances et des progrès de la science. Il introduit le chimique qui manquait quelque peu aux classifications antérieures. Il ne réalise pas de distinction non plus entre l’animal et l’humain. Pourquoi ? Parce que son propos n’est pas véritablement l’exposition de cette pyramide, et il paraît tout à fait clair ensuite que l’homme trône au-dessus de toute cette réalité physique hiérarchisée. La grande nuance introduite par le Père Staniloae est que l’humain est le seul stade du réel et du vivant qui connaisse (et en ceci partage-t-il un point commun avec Dieu et il en est donc l’image) une volonté propre. Il a un but. Son but n’est pas d’être un rouage du vivant au service de je ne sais quel niveau encore supérieur. Il n’y a rien au dessus de l’homme dans la réalité et la matérialité. Le statut de Dieu est bien évidemment différent et à part dans cette hiérarchisation qui permet de penser le réel. Mais si l’homme est capable de volonté propre, son but ne lui est pas clairement fixé. Il est mis dans cette position étrange et paradoxale de devoir le fixer lui-même. Le Père écrit même ici qu’il s’agit du « donné de notre nature » : « la recherche du sens de notre existence et du monde ». L’atome de carbone ne se pose pas la question du but de son existence. Comment peut-on en être si sûr ? c’est ce que permet de constater l’expérimentation scientifique et la réalité qui obéit immuablement aux même lois ; si les atomes de carbone avaient une volonté propre, alors ils ne comporteraient pas immuablement de la même façon dans telle ou telle situation. Cette absence de volonté de la matière est la garantie de notre propre liberté. Nous ne saurions être libre dans un monde chaotique et incertain au niveau constitutif de la réalité. Ceci entraîne immédiatement deux questions : comment articuler cela avec la théorie avancée précédemment de « monde vivant » et la science la plus récente est-elle en accord avec les affirmations du Père Dumitru ?
Le monde vivant (doté d’une volonté propre, voir les billets précédents) n’est pas incompatible avec cette notion parfaitement correcte du Père Dumitru sur l’absence de volonté des éléments constitutifs de la matière. Chaque atome de carbone continuera de se comporter immuablement de la même façon, mais ceci n’empêche pas à un niveau bien plus vaste, bien plus élevé, bien plus mystérieux, le monde d’avoir un niveau de conscience et d’être capable de volonté et donc de rébellion (celle-ci étant la trace de la volonté propre). Le monde peut ainsi se révolter contre l’homme mais en suivant ses modalités propres : phénomènes climatiques, géologiques, etc. Il faut savoir considérer la possibilité d’une conscience s’exprimant dans un cadre déterminé par les bornes fixées par Dieu.
Les avancées de la science, surtout depuis la physique quantique ont mis à mal les conceptions atomiques « simples » de la matière. Plus on descend dans les tréfonds dans la matière moins on trouve de « matière » dans la façon dont on s’attendait à ce qu’elle fut. Il s’agit plutôt d’énergie et de limitation de la réalité vis-à-vis de l’expérience permettant de comprendre cette réalité. Heisenberg, lauréat du Nobel de physique, a mis en évidence un phénomène complètement improbable : le fait que nous observions la nature change son comportement ? Ceci viendrait-il en contradiction avec l’absence de volonté du monde. Si un atome fait des choses lorsque je ne le regarde pas, mais qu’il change de comportement lorsque je le regarde, ne s’agit-il pas ici de quelque chose qui vient contredire ce que dit le Père Dumitru ? Tout le réel serait vivant ! En fait non. Il suffit de considérer que nous sommes arrivés aux limites de la science, et plutôt que d’affirmer comme ces grotesques scientifiques qui avant l’émergence de toute la physique quantique pensaient et affirmaient avec une irréligiosité affirmée que la science expliquait tout, on affirmera avec humilité que le réel nous laisse perplexes et stupéfaits. La lumière est une énigme. La matière est une énigme. La conscience est une énigme. Le langage est une énigme. Le temps est une énigme. L’intelligibilité du monde au niveau des sens humains et son inintelligibilité ensuite est une énigme. Toutes ces énigmes trouvent des réponses satisfaisantes en Dieu. Ces énigmes sont posées ici pour aider l’homme à trouver ce but de l’existence qui le taraude tant. Je ne vais pas avoir ici l’arrogance inversée des scientifiques newtoniens qui sont tombées dans les poubelles de l’histoire et affirmer de façon péremptoire que nous ne trouverons plus jamais rien et que le monde restera pour toujours une énigme insondable. Mais il me semble, dans le foulée du Père Dumitru, que l’étude du monde sert de compréhension de Dieu. Ainsi cette étude doit parvenir à une forme de limite qui sera le marque du sceau divin. Plus la science avance, plus elle se fait l’instrument et l’allié du théologien. Dieu utilise la limite comme méthode de révélation. C’est même la marque première de sa révélation naturelle.