Staniloae : Philocalie - Saint Antoine : apophtègme 1 : discerner entre bien et mal
Philocalie volume 1
Les Apophtègmes de Saint Antoine le Grand
ale celui dintre sfinți părintelui nostru antonie cel mare
învățături despre viața morală a oamenilor și despre buna purtare, în 170 de capete
Oamenii se socotesc raționali. Însă pe nedrept, căci nu sînt raționali. Unii au învățat cuvintele și cărțile vechilor înțelepți. Dar raționali sînt numai aceia care au sufletul rațional, pot să deosebească ce este binele și ce este răul, se feresc de cele rele și vătămătoare sufletului și toată grija o au spre cele bune și folositoare sufletului; iar acestea le săvîrșesc cu multă mulțumire către Dumnezeu. Numai aceștia trebuie să se numească oameni raționali.
traduction proposée
De notre Père parmi les Saints, Antoine le Grand
Enseignements sur la vie morale des hommes et le bon comportement, en 170 chapitres.
Les hommes se considèrent rationnels. Mais ceci est incorrect, parce qu’ils ne sont pas rationnels. Certains ont appris les paroles et les livres des vieux sages. Mais les rationnels sont seulement ceux qui ont une âme rationnelle, et qui savent différencier le bien du mal, mais se protègent des mauvaises choses et de ce qui est néfaste pour l’âme, et qui se soucient des bonnes choses et de ce qui est utile pour l’âme. Et qui accomplit ces dernières avec beaucoup de remerciements envers Dieu. Seulement ces derniers peuvent être nommés hommes rationnels.
Commentaire/Analyse
Le piège de ce texte est de le saisir avec les significations actuelles. Lorsqu’Antoine a donné cet enseignement, que signifiait « rationnel » ? C’est là le fondement absolument incontournable de chaque exégèse. Il est probable que « rationnel » n’a pas la même signification à l’époque de Saint Antoine (env 251 - env 356) et la notre. Nous séparent Descartes, le positivisme, la science triomphante, arrogante. Mais le terme ici n’est pas utilisé dans un contexte théologique, mais dans un contexte propre à l’enseignement spirituel. Ainsi, Antoine utilise un terme tel que le peuple d’alors le comprenait. Et on peut donc formuler l’hypothèse la plus probable, étant donné le contexte hellénophone et la grande intelligence de l’époque, que « rationnel » signifie ici « apte à produire un raisonnement articulé, cohérent, intelligent ».
La mention des paroles et des livres, en plus d’être une énième validation de la prédominance antique de l’oralité, laisse une petite ambiguïté. On ne sait pas de quelle sagesse il s’agit. La philosophie grecque ? Si oui, parle-t-on d’avant Socrate ? S’agit-il d’autres sagesses antiques ? extrêmes orientales ? religieuses et liées au Christianisme ? Tout à la fois ? Ceux qui font cet apprentissage sont-ils dans les rationnels ? La rédaction n’est pas absolument claire, mais il semble que pour Antoine, cet apprentissage ne soit pas une garantie de rationalité…
La rationalité, telle que présentée par Antoine, est la capacité à distinguer le bien du mal. N’est-il pas en train de dire qu’aucun humain n’est véritablement rationnel ? Et la rationalité n’est-elle pas très conjoncturelle à la civilisation dans laquelle nous vivons ? Il faut écouter le Saint avec attention : il ne s’agit pas ici de ne pas faire le mal, mais bien de savoir distinguer ce qui est bien ou mal. Car le destin tragique de l’homme, est de continuer à faire le mal, même une fois qu’il a compris ce qu’était le mal. Mais la première chose, qui est toute la rationalité, selon Antoine, c’est de le savoir. Ensuite on peut se protéger du mal, rechercher le bien. Ce n’est pas une garantie, mais c’est indispensable.
Un philosophe allemand, très décrié pour son parcours sulfureux (ce fut un juriste nazi), Carl Schmidt, a réactualisé dans le champ politique cette vision d’Antoine. Avant toute guerre, il faut désigner l’ennemi. Cela paraît un truisme, mais tellement de gens luttent contre les conséquences sans jamais agir sur les causes, que le truisme de Schmidt est en fait très intelligent. Antoine nous dit, que la véritable intelligence est de savoir désigner l’ennemi dans la lutte spirituelle. Une intelligence qui saurait produire les robots ou les logiciels les plus sophistiqués pourrait ainsi être du point de vue d’Antoine un être irrationnel, s’il ne savait pas discerner le bien du mal.
Mais comment distinguer le bien du mal ? La référence est l’Évangile. Que ferait Jésus dans telle ou telle situation ? Que répondrait Jésus à telle ou telle question ? Pour savoir répondre, vis-à-vis de quelqu’un qui est parti il y a maintenant près de 2000 ans, deux approches : psychologique et mystique.
Psychologique : il faut trouver quelqu’un qui a déjà fait ce chemin de prendre l’Évangile comme référence. De la même façon que pour bien jouer du piano, on recherche un maître en piano, pour être un bon imitateur du Christ, il faut chercher un maître en imitation du Christ. Quelqu’un qui l’a pris comme modèle. Lui-même aura été dans votre position et a trouvé son propre maître, et ainsi de suite. Cette grande chaîne de transmission et d’imitation s’appelle les Saints.
Mystique : il faut accéder à la conscience que malgré son ascension, le Christ est toujours présent et actif. Où ? Dans l’Église, dans la fraction du pain, dans la communion des baptisés, dans le mystère liturgique, dans les sacrements.
Ainsi donc les voies psychologiques et mystiques ne sont qu’une, et l’on ne les(la) trouvent que dans l’Église. Saint Antoine est une de ces références dans la perfection de l’imitation du Christ. Première étape pour être un bon disciple du Christ : savoir discerner en toute chose, le bien du mal. C’est une chose sérieuse, car arrivera le moment, et il est proche, où l’on vérifiera si ceci a été correctement appliqué.