Philocalie volume 1

Les Apophtègmes de Saint Antoine le Grand

texte original roumain

Când vei socoti câştigarea banilor şi multul lor folos, ca pe-o amăgire vremelnică, vei cunoaşte că petrecerea cea virtuoasă şi plăcută lui Dumnezeu, e altceva decât bogăţia.
Gândindu-te la aceasta cu încredinţare şi cu ţinere de minte, nu vei suspina, nu vei plânge, nu vei învinui pe nimeni, ci pentru toate vei mulţumi lui Dumnezeu. Nu te vei clăti văzând pe cei mai răi ca tine rezemându-se pe bani şi pe socoteli, căci foarte rea patimă a sufletului este pofta, părerea şi neştiinţa.

traduction proposée

Quand tu considéreras l’acquisition d’argent et sa meilleure utilisation, en tant que déception temporaire, tu sauras que la fête plaisante et vertueuse pour Dieu, est autre chose que la richesse.
En pensant à cela avec une foi fortifiée et une vigilance de l’esprit, tu ne soupireras pas, tu ne pleureras pas, tu ne blâmeras personne, et remercieras Dieu pour tout. Tu ne te laveras pas en voyant ceux qui sont plus méchants que toi, en te souvenant de l’argent et des calculs, car une très mauvaise passion de l’âme est l’appétit, l’avis et l’ignorance.


Commentaire/Analyse





Une analyse très profonde de Saint Antoine, montrant une première chose, à nous modernes : le Christianisme n’offre pas un message décalé avec la modernité, car il traite des passions humaines, et celles-ci ne changent pas. Ces passions sont les mêmes à l’époque du Christ, à l’époque d’Antoine le Grand, ou aujourd’hui. L’acquisition d’argent est un élément important de nos vies. Même les monastères sont soumis à cette terrible discipline. Gagner de l’argent est une chose, et savoir comment le dépenser en est une autre. Les notions d’éthique et de liberté sont problématiques dans chacune de ces phases.

Aujourd’hui, en France, et dans de nombreux pays, l’écrasante majorité des gens sont dans une situation de salarié. Certains ont identifié que le salariat était une forme d’asservissement, puisque dans une vision marxiste des choses, le salarié vend sa force de travail à un employeur qui va réaliser une plus-value dessus. Mais, même si on arrive, via l’entrepreneuriat à se « libérer » du salariat, on n’en reste pas moins dans un « système » basé sur l’argent. Tout est basé sur le fait de « gagner » cet argent et ensuite de définir comment il sera dépensé.

Antoine nous témoigne deux choses cruciales ici :

La première est que tout ceci conduit toujours à des déceptions temporaires. L’économie de marché utilise énormément le mécanisme du désir pour susciter ce besoin de gagner de l’argent. Elle nous promet que l’acte d’achat fera de nous quelqu’un d’heureux. Mais celui qui nous promet ce bonheur n’est jamais que quelqu’un qui a été payé pour réaliser la publicité d’un produit que la firme espère vendre. Le producteur du produit ne cherche pas le bonheur du consommateur, mais bel et bien le chiffre d’affaire. Et même s’il permet de combler un désir de son acheteur, il s’agira d’un désir qu’il avait auparavant suscité, ou qu’il a participé à susciter. Ainsi, l’achat promettant la libération du désir n’apporte-t-il qu’un bonheur éphémère, bonheur espacé par cet ensemble de déceptions temporaires. La grande force d’Antoine est justement ici de ne pas mettre en exergue le bonheur éphémère, mais bien la déception temporaire. Il se place dans une dynamique très optimiste : l’homme, créature de désir, va bien finir à un moment ou l’autre, par tourner son désir vers Dieu, seul « objet » capable de le sortir de cet infernal et trompeur cycle économique. Ainsi, cette déception (car l’économie n’apporte pas le bonheur) est temporaire. Mais la vie est un ensemble de phases entre le moment où le désir est correctement tourné (vers Dieu) ou incorrectement tourné (le monde).



La seconde est que la richesse n’est pas ce qui plaît à Dieu. Le Christ fut plus radical en affirmant que les riches n’entreront pas au paradis. Pourquoi ? Parce que la gestion de leur fortune les accapare trop pour donner véritablement de place à une vie spirituelle, vie qui sera porteuse de don, de partage et de fraternité. Le Christ a enseigné qu’on ne peut pas servir Dieu et Mamon, Mamon étant le démon attribué à la richesse. Le Christ sait donc que le riche sera trop obnubilé par son patrimoine pour s’intéresser à Dieu. Ainsi, cette quête de richesse et de réussite dans notre monde, est une quête de l’oubli de Dieu. Lorsque l’on y pense, c’est fou…

Il faut effectivement une foi très puissante pour considérer que cette injonction du monde à la richesse est une impasse et une voie de garage. On va à l’école pour essayer d’avoir les meilleures connaissances, permettant d’avoir le meilleur niveau de vie. On se bat pour rester toujours compétitif sur son domaine d’expertise. Ceci demande énormément d’efforts. Ces efforts sont d’ailleurs la garantie de pérennité du « système ». S’il était facile d’avoir une voiture de luxe et une maison de luxe, tout le monde saurait que ça ne remplit pas le cœur de l’homme. Il est donc bien plus efficace de faire en sorte que seuls 0,0001% des gens atteignent ce statut. Et on pourra ensuite raconter leur vie dans des magazines dédiés à leur vie hors norme ; cela ne change rien au fait que leur vie n’est pas heureuse si elle n’est pas en Dieu. Par contre, leur vie va être montrée en exemple, va exposer de faux bonheurs, et l’économie de marché a besoin de cela.

Antoine nous explique, avec une grande clairvoyance que cela entraîne soupirs, blâme et pleurs. Car il y a, à ce jeu, 99,9999% de perdants. Et surtout, ce mode de vie réveille de bien mauvaises passions dans l’âme humaine. Car cette course folle vers la richesse, bien que totalement illusoire, engendre des frustrations, des envies. C’est tout le paradoxe de l’homme, de se vouer corps et âme à cette compétition sans objet, qui va le détourner du réel but : la vie en Dieu. L’appétit décrit par le saint moine, c’est ce caractère insatiable d’en vouloir toujours plus. On voit bien que nous sommes reliés à du néant, puisque rien ne peut jamais le satisfaire. Même celui qui est milliardaire, en veut toujours plus. L’avis traite du fait que nous allons nous juger et juger autrui sur cette fausse échelle de valeurs. Et enfin, l’ignorance faisant ici référence à ce qui rend le jugement très délicat : comment juger en étant juste alors que nous ne savons pas tout, contrairement à Dieu, qui Lui, peut donc juger en vérité.