Evangile selon Saint Matthieu

analyse du second paragraphe et de la note A (partie 2/2) (Lien vers la première partie)


texte original

Qid69B u. 71A : Rab Jehuda (t in 299) hat gesagt : Schemuel (in Nehardesa t. 254) habe gesagt : alle länder sind teig dem lande Israel gegenüber, und das land Isr. Ist teig babel gegenüber (welches allein feinmehl ist d. h. bezug auf dem reinheit der abstammung steht die judenschaft babyloniens am höchsten).

Qid 71A : in der tagen rabbis (einl. 133) suchte man Babel zum teig dem lande Isr. Gegenüber zu Machen. Da sagte er zu ihnen : “dornen werft ihr meine augen (R. stammte nämlich von dem aus Bab. Eingewanderten Hillel dem alten ein. 118) R. Chanina b. Chama (R.s schüler) möge sich mit euch befassen. Dieser sprach zu ihnen : so habe ich von jischmael ben Jose empfangen, der in namen seines vaters (b. Chalapta gesagt) : alle länder sind teig dem land Isr. Gegenüber u. das land isr. Ist teig B. gegenüber. In den tagen des R. Pinchas (b. Chama um 360) suchte man B. zum teig dem lande Isr. Gegenüber zu Machen. Er sagte zu seinen dienern : wenn ich zwei aussprüche im lehrhause getan haben werde : dann tragt mich eilends auf dem ruhelager fort. Im lehrhause sagte er dann : das rituelle sclachten des geflügels stammt nicht aus der Tora. Und während sie darüber nachsannen sagte er : alle länder sind teig dem lande Israel gegenüber und das land Israel ist teig babel gegenüber. Da trugen sie ihn eilends auf dem ruhelager fort. Man lief ihm nach, erreichte ihn aber nicht. Sie sassen und prüften (die genealogischen tabellen), bis sie in gefahr kamen (die illegitimität einiger familien an den tag zu bringen); da trennten sie sich.

traduction

Kid 69B et 71A : Rab Juda (en 299) a dit : Samuel (à Nehardesa en 254) a dit : tous les pays sont des pâtes en comparaison de la terre d’Israël, et la terre d’Israël est une pâte par rapport à Babylone (une seule farine fine est la référence principale de la pureté de la lignée et c’est la judéité babylonienne)

Kid 71A : Dans les jours du Rabbi [135-200 ap JC] on voulait présenter Babylone comme de la pâte par rapport à la Palestine. Il leur dit, tu mets des épines entre mes yeux ! [Rabbi était un descendant d’Hillel, un babylonien et cela jetterai une stigmatisation sur sa naissance]. Si vous désirez, R Hanina b. Hama vous joindra. Alors R. Hanina b. Hama les joignit et leur dit : j’ai cette tradition de R. Ishmael fils de R. Jose qui disait de par l’autorité de son père : tous les pays sont comme de la pâte en comparaison avec la Palestine, et la Palestine est comme de la pâte comparée à Babylone. Dans les jours de R. Pinhas, on désirait dire que Babylone était de la pâte comparée à Israël. Il dit à ses esclaves : lorsque j’ai fait deux déclarations dans le Beth Hamidrash, remontez moi dans ma litière et partez. Lorsqu’il entra, il leur dit : une volaille ne requiert pas d'assassinat par loi biblique. Pendant qu’ils méditaient cela, il leur dit : tous les pays sont de la pâte en comparaison avec la Palestine, et la Palestine est une pâte relativement à Babylone. Ses esclaves l’ont monté dans sa litière et partirent. Ils coururent après mais ne purent le rattraper. Ils s’assirent et examinèrent [leurs généalogies], jusqu’à ce qu’ils arrivent à du danger. Alors ils se réfreinèrent.


Commentaire/Analyse

Ce commentaire complète et termine le commentaire sur la note A du premier paragraphe de la page 1

Ces deux extraits du Talmud montrent que pour les rabbins, la question de la pureté se débattait durement, et que cette notion de pureté était très complexe. On peut constater une partie qui annonce une pureté vis-à-vis de la terre d’Israël, et une autre partie qui l’annonce vis-à-vis de Babylone. La première chose à examiner est donc : est-ce que les deux groupes font référence aux mêmes notions pour en déduire cette pureté ? Avec le groupe qui privilégie la pureté par rapport à Israël, on est tenté de voir immédiatement le rapport à la terre. Mais n’est-ce pas aller un peu vite en besogne que de dire : les rabbins de la terre d’Israël s’estiment davantage « purs » que les autres car ils sont sur la terre d’Israël. Il est difficile de conclure cela car l’argument n’est jamais avancé. De plus, le fait que cela soit disputé avec un autre endroit aurait tendance à amoindrir cette vision. En quoi Babylone pouvait-il être supérieur à Israël dans une notion de pureté si nous avons un lien avec la terre ? On voit bien que le problème réside ailleurs. Même si dans l’imaginaire Juif on a une relation très forte avec cette terre, il semble que l’essentiel soit ailleurs : la généalogie. Et faire référence à la généalogie, c’est d’un point de vue pratique faire référence à des documents qui font état de cette généalogie. Dans notre monde moderne, il s’agit des registres d’état civil, qui font le bonheur des historiens et des passionnés de la discipline généalogique. On voit dans l’extrait de la page 71A que les jeunes consultent leur généalogie. Donc, la généalogie est consultable. Il y a un endroit qui fait référence, et qui n’est pas sous leur contrôle : ils ne peuvent pas s’inventer une généalogie plus élogieuse de leur point de vue. Il est évident que ces registres étaient tenus par des autorités religieuses.

Le consensus talmudique donne d’ailleurs plutôt l’avantage à Babylone qu’à la terre d’Israël. Le consensus talmudique est un concept très simplificateur, car le principe du Talmud est d’avoir des opinions divergentes qui se confrontent. Néanmoins, en lisant ces pages, on trouve davantage de partisans de la pureté babylonienne que de la pureté israélienne. Que s’est-il passé à Babylone ? C’est plutôt la question inverse qui est la clé de compréhension me semble-t-il. Que s’est-il passé en Israël dont Babylone fut épargnée et qui est négatif ? Il faut faire abstraction de la notion temporelle pour raisonner sur le Talmud car le temps n’est jamais une donnée première. Le Talmud est spécialiste des anachronismes, des situations logiquement impossibles. Babylone ne fut pas touché par l’influence grecque comme le fut la terre d’Israël. La différence majeure réside ici. Les rabbins expriment ici un jugement de valeur : à Babylone, la pureté du judaïsme a été conservée dans sa pratique et son essence (au moins dans une partie de la population), tandis qu’en Israël, les influences extérieures ont eu un impact certain. La plus importante fut bien évidemment l’influence hellénique. C’est à ce point d’influence, que Philon d’Alexandrie, ce rabbin qui eut une influence si grande sur les Pères, avait pour objectif de réconcilier le judaïsme avec la philosophie grecque. Il poursuivait donc quelque chose qui est très compliqué, sinon biaisé dès le départ. Philon est le père de l’exégèse allégorique, et à ce titre, il est le père d’une technique problématique d’exégèse. En effet, l’exégèse allégorique n’est pas un souci en tant que tel, et c’est même une technique exégétique incontournable. Le souci est dans la nature de l’allégorie. L’Eglise dans son histoire a eu de grandes difficultés avec l’hellénisme. Ce souci, nous le retrouvons dans la littérature rabbinique, portant sur des éléments antérieurs au Christ. C’est une vieille histoire.

Revenons sur les notions de pureté. Il y a un écueil majeur ici qui a une détermination morale. On a envie de lire que dans les dix classes généalogiques, on a une dizaine de classes sociales différentes. Or, nous avons ici des classes religieuses. Il est vital de sortir la dimension morale pour bien comprendre la dynamique de la halakha. Tout est ici : la classe généalogique vous entraîne dans une certaine pratique de la halakha. En fonction de la classe de la personne, la pratique varie. Prenons le cas extrême qui révulse les gens qui sont enfermés dans une lecture morale. Halakhiquement, vous avez les hommes, les femmes et les esclaves. Les hommes sont tenus à plus de commandements. Les femmes et les esclaves sont tenus à moins de commandements, et ceux-ci sont souvent équivalents. Le raccourci intellectuel est de considérer que la femme vaut un esclave (ou vice-versa), alors qu’il s’agit simplement de catégorie de pratique en terme d’obligation légale. Du point de vue de la halakha, mieux veut être une femme ou un esclave qu’un homme, car il y a moins de risque de transgresser la loi divine. Les membres du peuple d’Israël sont pris dans plusieurs grilles d’organisation de halakha qui conditionnent les aptitudes pour se marier. Ce que les rabbins cherchent ici, est : les gens ont-ils bien respectés les lois relatives au mariage ? Les réponses semblent indiquer qu’à Babylone oui, plus qu’en Israël. Pourquoi ? à cause de l’hellénisation plus importante en Israël qu’à Babylone. Replongez-vous dans l’anecdote biblique rapportée par Strack & Billerbeck dans Nehemie : une personne a été écartée de la prêtrise car il n’arrivait pas à produire sa généalogie. Peut-être avait-il l’ascendance valide… mais dans le doute, il a été empêché. Est-ce un être inférieur ? Non. Il va juste servir Dieu autrement, et pas comme prêtre.

Quel est le lien avec le Christ ? Il y a un ensemble de conditions à remplir pour être Messie, qui vont bien au-delà du mérite personnel de l’individu qui se proclame Messie. Une personne aurait-elle fait tout ce que Jésus a fait et ne serait pas née à Bethlehem, que nous ne pourrions la valider comme Messie. Une personne aurait-elle fait tout ce que Jésus a fait et ne serait pas descendant du roi David, que nous ne pourrions la valider comme Messie. C’est une constante dans le judaïsme : nous ne sommes pas définis exclusivement par nos actes, mais aussi par nos origines. Il y a un donné qui va au-delà de la liberté et au-delà des actes que nous pouvons réaliser. Nos origines définissent comment nous servons Dieu. La Loi encadre drastiquement la façon dont pratique le peuple Juif. Pour Jésus, cela a été encadré jusqu’à la mort. Matthieu, tout naturellement, avant de nous montrer ce que le Christ a fait, nous montre tout ce qui lui est donné et comment cela résonne dans le cadre de la Loi. Tout enfant d’Israël est l’esclave de ce donné premier. Yeshoua n’a pas fait exception. Il a été le plus grand esclave de cette loi, puisqu’il a donné sa vie, dans le cadre de cette loi, qu’il a incarné à la perfection.