Evangile selon Saint Matthieu

analyse de la note B du second paragraphe


texte original

Qid 75A : Rab Jehuda (tot 299) hat gesagt : hillel hat gelehrt : zehnerlei familienklassen sind aus babel heraufgezogen, und alle (die nicht in die gemeinde israel eintreten dürfen) durften einander ehelichen. Dazu vgl. Qid 4:1-3 : zehnerlei familienklassen zogen aus babel herauf : priester, leviten, israeliten, profane (chalalim, priesterkinder von einer gesetzlich verbotenen mutter), proselyten, freigelassene, bastarde (nachkommen von eltern, auf deren fleischliche vermischung die strafe der ausrottung durch die hand des himmels stand; so nach der rezipierten ansicht des schimschon aus teman um 110 n. Chr, Jeb 4:13), nethinim (nachkommen der gibeoniter, die josua zu holzpaltern u. wasserschöpfern am heiligtum machte, Jos 9:3), schetuqim u. findlinge. priester, leviten, israeliten dürfen einander ehelichen; leviten, israeliten, profane, proselyten u. freigelassene dürfen einander ehelichen. proselyten, freigelassene, bastarde, nethinim, shetuqim u. findlinge, sie alle dürfen einander ehelichen. dies sind shetuqim : jeder, der seine mutter kennt u. seinen vater nicht kennt (dessen vater שתוק = verschwiegen bleibt), u. findlinge : jeder, der von der straße aufgelesen ist u. weder vater noch mutter kennt. Alle, die nicht in die gemeinde (israel) eintreten dürfen einander ehelichen.

traduction

Qid 75A : Rab Yehuda (mort 299) a dit : Hillel a enseigné : une dizaine de classes de familles est remontée de Babylone, et toutes (qui n’étaient pas autorisées à entrer dans la communauté d’Israël) furent autorisées aux autres du point de vue marital. Et en plus cf. Qid 4:1-3 : une dizaine de classes de familles partirent loin de Babylone : prêtre, lévites, israélites, profanes (chalalim, enfants de prêtres d’une femme légalement interdite), prosélytes, affranchis, bâtards (descendants de parents, au-dessus desquels tient la punition d’extermination par la main du ciel pour mélange charnel ; d’après l’opinion de Schimson de Théman, autour 110 ap. JC, Yevamoth 4:13), nethinim (les descendants des gabaonites, qui rompaient le bois et faisaient les eaux au sanctuaire, Jos 9:3), Schetuqim et les enfants errants. Prêtres, lévites, israélites sont autorisés les uns les autres du point de vue marital; Lévites, israélites, profanes, prosélytes et affranchis sont autorisés les uns les autres du point de vue marital. Prosélytes, affranchis, bâtards, nethinim, shetuqim et enfants errants, sont tous autorisés les uns les autres du point de vue marital. Ceux-ci sont les shetuqim : tous ceux dont on connaît la mère et dont on ne connait pas le père (dont le père שתוק = reste permis), et les enfants errants : chacun est ramassé dans la rue et ne connait ni son père ni sa mère. Tous, étant interdits d’entrée dans la communauté (Israël) sont autorisés les uns les autres du point de vue marital.


Commentaire/Analyse

Pourquoi Dieu a-t-Il fait quelque chose d’aussi compartimenté à l’intérieur du peuple ? Ceci nous interdit la fresque romantique de l’histoire d’amour entre l’enfant errant et la fille du prêtre ? Les problématiques du type Roméo et Juliette sont donc présentes aussi dans le peuple élu ? oui et non. Lorsque l’on dit que la fille d’un prêtre ne pourrait pas tomber éperdument amoureuse d’un enfant errant et l’épouser, c’est un raccourci. Elle ne pourrait pas combiner cette histoire d’amour avec la possibilité pour elle de prétendre à ce qu’un enfant né de cette union puisse être prêtre comme l’était son père. Ceci n’a donc rien à voir avec le système de castes qu’on peut trouver en inde, ou les notions de classes sociales là où règne le dieu argent. Il s’agit simplement de considérer que les fonctions sacerdotales sont déconnectées du mérite personnel. C’est un héritage pur et simple, et la naissance est quelque chose pour laquelle nul ne peut tirer un quelconque mérite. C’est un enseignement vital en soi, pour éviter tout cléricalisme nuisible.



Cela nous donne également un enseignement sur le Christ par rapport à son origine. Nous savons qu’il doit venir à l’intérieur du peuple élu. Nous savons qu’il doit venir à l’intérieur de la tribu de Judah, qu’il doit descendre de David. Toutes ces règles additionnelles de la jurisprudence matrimoniale juive aident à sélectionner davantage. En effet, il est probable que ces règles aient tout de même conduit à une forme de sélection des unions à l’intérieur de la maison de David, et qu’il faille chercher exclusivement dans les unions réalisés dans les trois premières classes de l’énumération. Ceci reste une supputation. Nous avons les généalogies de Matthieu et de Luc, et donc finalement, le problème est réglé. A noter d’ailleurs, que la généalogie de Matthieu rapporte celle de Joseph, le père légal de Jésus, et celle de Luc rapporte celle de la mère, dont le nom disparaît à la fin pour des raisons juridiques.

On pourra noter que S&B rapportent une sentence rabbinique beaucoup plus ouverte, tirée du traité du Talmud Kiddushin 75A, où finalement tout le monde peut épouser tout le monde. Voici la traduction du passage plus large d’où est tirée cette citation trompeuse : « Rabbi Yehouda dit au nom de Rabbi : la halakha est comme Rabbi Eléazar. Lorsque je l’ai dite devant Samuel, il me fit remarquer que Hillel a enseigné : dix classes généalogiques ont quitté Babylone et elles peuvent toutes se marier entre elles ». Rashi commente ici que « toutes » signifie les classes interdites. Les Tossafots précisent que ceci signifie que chaque classe peut se marier avec elle-même. Ces commentaires rabbiniques issus du Talmud cherchent à décrypter ce texte mystérieux, mais ce n’est pas forcément la seule façon de le comprendre. Le Talmud continue son exploration de la Mishna avec des cas d’enfants illégitimes (les fameux mamzer) et comment gérer les problématiques matrimoniales qui émergent de ces cas hypothétiques. Au-delà de la halakha pure et froide, prenons un recul chrétien et christique. Qu’est-ce que cela nous enseigne sur le Christ ? La naissance d’Isaac fut compliquée, étrange : une visite d’ange au milieu d’une sentence céleste sur une ville de pécheurs pour mettre fin à une stérilité. La naissance de Jacob aussi : des frères jumeaux que tout va opposer qui se battent déjà dans le ventre de leur mère. La naissance des douze tribus est au comble de l’improbable : quatre femmes à cause d’une méprise à laquelle nul ne peut croire. Les naissances qui fondent l’histoire du salut défient la logique. Elles questionnent. Celle du Christ, si elle n’avait pas questionné, dérangé, stupéfié n’aurait pas été messianique. Mais ceci finalement s’étend à tout le peuple. Et c’est cela la « morale » de cette mishna. Toute naissance pose question. Tout n’est pas réglé par les simples sentiments humains, mais quelque chose qui les dépasse infiniment régit tout cela, invisiblement, sans que l’on puisse comprendre l’entièreté des choses. Il y a toujours quelque chose qui nous échappe. Le Christ a d’ailleurs beaucoup été considéré comme mamzer par les détracteurs juifs du christianisme.



Jésus, considéré mamzer, c’est le renvoi à cette légende juive calomnieuse citée dans le contre Celse d’Origène sur Jésus ben Pandera. Jésus, dans l’imaginaire juif doit être dans une de ces dix classes matrimoniales. Il est vu comme le produit de l’union illégitime de Marie et d’un soldat romain, Pandera, d’où le nom Jésus ben Pandera. Puisque ce soldat romain ne fait partie d’aucune des dix classes, Jésus est vu comme enfant illégitime, mamzer. Les mamzer ne peuvent que se marier entre eux. Ils ne pourront réintégrer pleinement le peuple… qu’à la venue du Messie. Mais, si on continue à réfléchir selon la halakha, mais dans la théologie chrétienne cette fois, il faut se demander alors le statut halakhique de Jésus. Si on enlève un peu le côté émotionnel de mamzer pour enfant illégitime, et que l’on considère que le mamzer est celui qui ne respecte pas les unions prévues par la jurisprudence juive, Jésus étant de Marie et du Saint-Esprit est mamzer. Cela rejoint d’une certaine façon la théologie de la croix, car Jésus s’est fait malédiction pour nous. Il s’est fait aussi scandale pour nous. Ainsi, dans cette ignoble insulte juive (surtout pour Sa mère toute pure), il y a une intuition théologique à méditer du point de vue de la halakha.