Strack & Billerbeck (Matthieu Chap 1 comm 11) : le titre de Messie dans la tradition juive : cas du psaume 89 - l’identification herméneutique du Christ
Evangile selon Saint Matthieu
paragraphe 1.1 point 2
Ps 89,52 : Midr Ps 18$5 (68b) : « Der (d.i. David) Jahven die Worte dieses Lied redete“, Ps 18,1. R. Judan (um 350) hat gesagt : das meint die schrift Ps 71,7 : mopheth : „wie ein Vorzeichen (so der Midrasch) bin ich vielen geworden“. David sprach : Wie ich kein lied gesungen habe, bis ich geschmäht wurde u. bis vier Helden in meine Hand vielen u. bis der Fingerreiche in meine hand fiel : so werden auch die Israeliten vor dir kein Lied singen, bis sie geschmäht worden sind u. bis vier in ihre Hand gefallen sind u. bis die mit den Zehen Gemeinten in ihre Hand gefallen sind. Wie denn ? Er wurde geschmäht von Goliath, der Isr. Schmähte u. David fluchte, u. er fiel in seine (Davids) Hand; desgleichen der Fingerreiche, wie es heißt 2 Sm 21,20 „und es war da ein streitsüchtiger Mann u. die Finger seiner Hände u. die Zehen seiner Füße waren je sechs, vierundzwanzig an der Zahl“; u. es fielen vor ihm vier, wie es heißt, das. Vers 22 : „Diese vier waren abkömmlinge der rephaiten in Gath u. fielen in die Hand Davids u. die Hand seiner Knechte.“ Und unmittelbar darauf heißt es, 2 Sm 22,1 : Da redete David zu Jahve die Worte dieses Liedes. So werden auch die israeliten, wenn der Messias (Maschiah ohne artikel) bald in unseren Tagen kommen wird, kein Lied singen, bis der Messias (Hamaschiah) geschmäht wird, wie es heißt Ps 89,52 : „Die da schmähen die Fußtapfen deines Messias“, bis vor ihm die mit den zehen gemeinten gefallen sind, das ist das frevlerische (römische) Reich, wie es heißt Dn 2,42 „Die zehen waren teils eisern, teils tönern“, u. bis die vier (welt-)Reiche vor ihm gefallen sind, wie es heißt Sach 14,2 „ich will alle Heidenvölker wider Jerusalem versammeln“; sofort heißt es, das Vers 3 : „und ausziehen wird Jahve u. streiten mit diesen Völkern“. In jener stunde werden die Israeliten ein Lied singen, wie es heißt in Ps 98,1 : singet Jahven ein neues Lied, denn er hat Wunder getan.
traduction proposée
Ps 89,52 : Midr Ps 18$5 (68b) : Il (çad David) a dit à Yahve les mots de ce psaume », Ps 18:1. R. Judan (vers 350) a dit : l’écriture Ps 71:7 Mopeth : „je suis devenu comme un signe annonciateur (comme le midrash) ». David dit : comme je n’ai chanté aucun psaume, jusqu’à ce que je sois blasphémé et jusqu’à ce que quatre héros dans ma main beaucoup et jusqu’à ce que tombe dans ma main : les israélites ne chanteront plus de psaume pour Toi, tant qu’ils seront blasphémés, que les quatre ne seront pas tombés dans leurs mains, et que les orteils pensés ne seront pas tombés dans leurs mains. Comment donc ? il sera blasphémé par Goliath, qui blasphémait Israël et maudissait David, et il tomba dans sa (celle de David) main. De même les doigts des empires comme il se nomme dans 2 Sm 21:20 « et il s’agissait d’une homme belliqueux et les doigts de ses mains et les orteils de ses pieds étaient chacun six, vingt-quatre au total ; » et il en perdit quatre, comme il est écrit. Verset 22 : « ces quatre étaient les descendants des réphaïtes dans Gath et tombèrent dans la main de David et dans la main de ses serviteurs ». Et immédiatement après il est dit 2 Sm 22:1 : et David dit à Dieu les paroles de ce psaume. Ainsi les israélites non plus, ne chanteront pas de psaume, lorsque le Messie (Maschiah sans article), viendra bientôt dans nos jours, jusqu’à ce que le Messie (Hamaschiah) sera blasphémé, comme il est dit Ps 89:52 « et ils blasphèment les traces de pas de ton Messie », jusqu’à ce que devant les orteils pensés ils soient tombés, cela signifie l’empire sacrilège (romain), comme il est écrit en Dn 2:42 « les orteils étaient en fer, en argile », et jusqu’à ce que les quatre empires (mondiaux) soient écroulés devant lui, comme il est écrit en Zac 14:2 « je réunirai tous les païens des nations dans Jérusalem » ; C’est ce qu’explique immédiatement le verset 3 : « et Yahve enlèvera la querelle avec ces peuples ». A chaque heure, les israélites chanteront un psaume comme il est dit en Ps 98:1 « Chantez à Yahve un psaume nouveau, car il a fait des merveilles ».
Commentaire/Analyse
Le verset du psaume 89 est le suivant : « 51 souviens-toi Seigneur de l’outrage que tant de nations ont fait à tes serviteurs et que je garde en mon sein ; 52 de l’outrage de tes ennemis, Seigneur, outrage à cause de ton changement à l’égard de ton Christ ». J’ai rajouté le verset 51 pour que cela soit plus facilement compréhensible.
Ici, il s’agit, dans la continuité du psaume 2, de la révolte des nations contre l’oint de Dieu. Le verset 52 offre le terme de מְשִׁיחֶֽךָ (ton masiah, çad ton messie) pour ce que j’ai rendu par Christ, tandis que le grec des Septantes offre χριστοῦ (directement le terme Christ, oint en grec, ou messie). Le texte ne parle donc pas littéralement du Christ historique. Dans la littéralité, il ne s’agit pas de Jésus. Ce n’est que dans l’exégèse que Jésus surgit. Mais c’est aussi dans l’histoire de la Passion, dans sa littéralité évangélique (Jésus mis à mort par les soldats romains), mais également, et c’est cela que rapportent ici S&B dans l’exégèse traditionnelle juive. Celle-ci présente (bien avant que Jésus ne naisse et n’accomplisse son ministère et son œuvre de salut, mais conservée ensuite) une double dimension de combat : David face à Goliath et l’empire romain dans la lecture traditionnelle juive du livre de Daniel.
David face à Goliath fait référence à un combat vu comme inégal entre David et Goliath. L’approche classique juive est de dire que Goliath avait outragé Israël en blasphémant Dieu, et David, par piété, s’était naturellement porté volontaire pour un combat, afin de « défendre l’honneur de Dieu ». Non pas que Dieu ait besoin que quiconque défende son honneur, mais il était vital, pour le moral d’Israël, et pour la vigueur de sa foi, de voir que le Dieu d’Israël était toujours de son côté.
La lecture de Daniel dans le chapitre 2, avec ce colosse composé de quatre matériaux différents, est très traditionnelle dans le peuple juif. Ce qui est intéressant à noter, est que l’on retrouve cette approche de découpage d’empires historiques dans le synaxaire orthodoxe. Le synaxaire réalisé par Simonos Petra présente l’exact équivalent, à la date du 17 décembre.
Comment ces deux exégèses juives s’appliquent-elles à Jésus de Nazareth ?
Jésus dans sa Passion sera outragé par les soldats : la couronne d’épines, et le manteau de pourpre, au-delà de la souffrance des épines sont aussi une façon de tourner la royauté du Christ en dérision. Les soldats ont voulu se moquer des prétentions monarchiques de ce roi si particulier, et sont devenus pour toujours le symbole du refus par l’homme de la royauté du Christ. On notera en digressant, qu’il n’est pas demandé aux orthodoxes de prévoir une actualisation politique de la royauté du Christ. Il ne s’agit pas ici d’actualiser vers une « présidence » ou une « gouvernance » du Christ, davantage moderne que la royauté. Considérer une citoyenneté du Christ, et considérer autre chose qu’une royauté, autre chose qu’un royaume, c’est déjà une forme d’outrage pour le Christ. C’est cracher à son visage qu’il ne s’est pas montré sous une forme acceptable.
Considérons maintenant la référence au livre de Daniel. L’exégèse juive met les deux en relation par le recours aux pieds et aux traces de pas que l’on trouve dans les versions mises en parallèles par les rabbins. C’est assez acrobatique, mais plutôt que de discuter son fonctionnement, regardons plutôt le résultat : cette exégèse dit que le Messie sera outragé de façon puissante, par l’empire romain. L’exégèse met en avant le pied. Que dit Daniel ? Le Messie viendra comme une pierre détruire tout le colosse en le frappant aux pieds. Ainsi, le pied ne devient plus un élément prophétique difficile à insérer dans une lecture littérale, mais bien un élément herméneutique, qui vient ajouter, dans la lecture juive, le lien entre le Messie, les outrages, les romains. Quel autre personnage dans l’histoire des prétendants messianiques collent mieux que Jésus ? On voit ici que Jésus est de loin le meilleur candidat aussi herméneutiquement. Et cela est absolument fondamental. Les Juifs ont scrutés les Écritures pour y reconnaître un portrait robot du Messie, pour savoir le distinguer lorsqu’il viendrait. Lorsque les apôtres se disaient qu’ils avaient trouvé le Christ annoncé par les Écritures, il s’agit bien évidemment de ce qu’ils lisaient et interprétaient. L’identification du Christ est une tâche historique mais aussi herméneutique.