Saint Antoine le Grand - Apophtegme 1

partie 3

texte original roumain

Sfântul avva Antonie, șezând odată în deșert, a fost cuprins de acedie și de o mare întunecare de gânduri. și zicea către Dumnezeu : "Doamne, vreau să mă mântuiesc, și nu mă lasă gândurile. Ce voi face în necazul meu ? cum mă va mântui ?" și sculându-se puțin, a ieșit afară și a văzut pe cineva ca pe sine șezând și lucrând, apoi sculându-se de la lucru și rugându-se, apoi iarăși sculându-se la rugăciune. acesta era un înger al Domnului, trimis spre îndreptarea și încredințarea lui Antonie. și a auzit pe înger zicând-i : "fă așa și te vei mântui". iar el, auzind aceasta, s-a umplut de multă bucurie și îndrăzneală. și, făcând așa, se mântuia.

traduction proposée

Saint Abba Antoine était assis dans le désert, et fut saisi d’acédie et d’une grande obscurité des pensées. Et il disait à Dieu : « Seigneur, je veux être sauvé, mais les pensées ne me laissent pas. Que faire dans mon malheur ? Comment vais-je être sauvé ? ». Et se levant un peu, il est sorti dehors et a vu quelqu’un qui était assis et travaillait, puis qui travaillait et priait, puis se levait et retournait à la prière. C’était un ange du Seigneur envoyé pour la rédemption et la fortification de la foi d’Antoine. Et il entendit l’ange lui disant : « fais comme ceci et tu seras sauvé ». De son côté, entendant ceci, il fut rempli de joie et de courage. Et agissant ainsi, il fut sauvé.




Commentaire/Analyse

Ceci est une traduction d’un ouvrage roumain, le « patericul egiptean ». Il est typique de la littérature monastique et philocalique de l’époque antique qui est l’une des plus grande source de témoignage de la vie monastique et de ses fruits. Jusqu’à la reconnaissance par l’empire romain du culte chrétien, puis son instrumentalisation en religion officielle impériale, le christianisme était persécuté. L’Eglise était donc absolument libre et composée de martyrs authentiques. Puis, lorsque le christianisme est devenu la religion de l’empire proto-byzantin, l’Eglise s’est vu investie par une population qui n’avait pas les mêmes attentes relativement à la religion. Le critère pour certains n’était plus la vérité et la vie, mais la carrière. Le critère pour d’autres, n’était pas l’orthodoxie de la doctrine mais l’adaptation du culte aux paradigmes des religions à mystères antiques. Ces deux épreuves furent terribles pour l’Eglise, et nous luttons encore aujourd’hui avec leurs conséquences : nous avons certains (futurs) évêques qui rentrent dans l’Eglise pour faire une carrière, comme d’autres rentrent dans l’armée ou la magistrature. Et nous avons tout un ensemble de gens qui ne comprennent pas ou peu à la doctrine chrétienne, ce qu’elle expose du monde et de la vie, et ce qu’elle exige.

La réponse au quatrième siècle, pour les chrétiens authentiques fut de vouloir renouer une véritable intimité avec Dieu. Où cela était-il possible ? Là où Dieu avait été présent chaque jour avec Israël, le guidant, le protégeant : au désert. Ainsi, le témoignage monastique de cette époque là est le plus proche de ce qu’offre l’orthodoxie chrétienne en profondeur. Cela ne signifie en rien que le monachisme soit la seule voie de salut, et même les gens mariés et dans le monde, auront tout intérêt à étudier la littérature monastique, et à adapter les choses adaptables. Une figure marquante de cette exode au désert, fut Antoine le grand, le modèle de tous les moines, dont Athanase d’Alexandrie, héros du premier concile de Nicée (325) et patriarche de la ville d’Alexandrie fit un portrait dans un petit livre qui eut un grand retentissement à l’époque, et qui suscita des vocations monastiques nombreuses et solides.

Voyons maintenant, ce que ce texte nous apprend. Comme pour tout texte biblique, il convient de savoir le « décoder ». Pour cela le vocabulaire est central. L’acédie est un terme qui est classique de cette littérature ; il s’agit d’une sorte d’état d’esprit qui mélangerait le relativisme de tout, la résignation et le pessimisme. La personne atteinte d’acédie n’a plus confiance en elle, n’a plus d’énergie, et se dit sans cesse « à quoi bon, de toute façon ? ». Ce court texte nous montre donc ceci comme le test ultime. Il faudra même à Antoine en personne, l’exemple d’un ange pour surpasser cet écueil majeur de la vie spirituelle. Le texte lui-même, comme un classique biblique, montre que sa lecture littérale a une problématique avec la logique : Antoine est dans le désert. Le fait de sortir n’a pas de sens. Il s’agit donc ici d’un verbe qui représente davantage une situation mentale qu’une situation physique. Où va sortir Antoine s’il est au désert ? Le texte invite à penser qu’Antoine est sorti de considérations antérieures. Il a pensé en dehors du cadre dans lequel il était enfermé. La solution qui s’est présentée à lui est un mélange de travail et de prière. Il faudra ainsi saisir que la réponse n’est pas exclusivement mentale ou spirituelle, mais également physique. Peut-être Antoine a-t-il quitté une conception qui l’avait éloigné du travail, pensant que celui-ci ne rentrait pas dans ce qui sauve… Fort de cette expérience philocalique, l’on pourra reconsidérer positivement la notion de travail, passant de la question « comment éviter le travai ? » à la question « que faire du travail ? »