Les vieux-calendaristes, les structures officielles et l’Eglise

Ce post, classé dans les réfutations, sera l’occasion d’une auto-réfutation. Pourquoi toujours les autres ? En effet, pendant des années, j’ai crû que les anciens calendaristes avaient tort. C’est le patriarche Bartholomée et les atermoiements de mon actuel patriarcat (Roumanie) dans l’affaire des schismatiques ukrainiens reconnus par le Patriarche de Constantinople Bartholomée qui m’auront ouvert les yeux.

Lorsque l’on parle de vieux calendaristes, de quoi parle-t-on ? Il s’agit de la réaction de refus de certains évêques vis-à-vis du changement de calendrier initié dans les années 20 par le patriarche de Constantinople. Avant 1920, le monde orthodoxe était tout entier sur le calendrier Julien, encore en vigueur aujourd’hui en Russie, Serbie et Bulgarie. En Grèce et en Roumanie, il y eut des refus de passer au calendrier Grégorien, pour rester sur le calendrier Julien. Les structures ecclésiales issues de ce refus, se sont constitués en synode indépendants et minoritaires. Ainsi, aujourd’hui les patriarcats de Grèce et de Roumanie ont adopté le calendrier grégorien, en vigueur aussi chez les catholiques romains, et seule la période pascale mobile du calendrier permet temporairement d’avoir une unité dans le monde orthodoxe. Résultat : je fête Noël en même temps que les catholiques romains avec qui je ne suis pas en communion, et pas avec Moscou, avec qui je suis en communion. La moindre des choses que l’on pourra dire, est que cela a introduit de la confusion dans le monde orthodoxe. Pourquoi ? et qu’avons-nous gagné ?

A la première question, on pourra dire maintenant, avec le recul, qu’il s’agit de la première des nombreuses décisions désastreuses de ce bien problématique patriarcat de Constantinople. Et le but en est évidemment « l’œcuménisme », cette terrible hérésie moderne qui veut la réunion de l’Église avec qui lui est extérieur. Le but était donc mauvais. Aucun gain à déclarer pour répondre à la seconde question. Demandons alors : qu’avons-nous perdu ? nous avons introduit un schisme durable à l’intérieur du monde orthodoxe. Dans l’Église officielle et majoritaire, on présente la plupart du temps ces structures comme non canoniques. Il ne s’agit pas de la même chose que les structures fantaisistes avec des évêques auto-proclamés dont j’ai fait état dans un billet antérieur. Il s’agit de personnes en état de schisme pour avoir refusé dès le départ, la première étape de ce qui est aujourd’hui inacceptable, et qui a franchi les limites depuis le « concile » de Crète de 2016. Je dois leur reconnaître une chose, dès à présent : ils ont eu une clairvoyance que les autres n’ont pas eu. Ils ont vu, ou senti dès le départ qu’il s’agissait pour Constantinople de prendre une position de leadership non orthodoxe, non canonique, non historique. Leadership orienté vers la réunion avec Rome, ce qui est bien évidemment impossible, impensable. Le « non possumus » de nos frères aînés dans la foi résonne aujourd’hui : nous ne pouvons pas nous joindre à Rome, pour toutes les raisons que j’ai déjà expliquées dans d’autres billets : Rome n’est pas l’Église, Rome est hérétique sur plusieurs doctrines récentes, etc. Et de plus, pour le peu que je connais ce monde « non canonique » de vieux-calendaristes, nous avons également perdus la communion avec des gens bons, droits, précieux. Faisons le bilan : nous avons beaucoup perdus, rien gagné, et agi pour de mauvaises raisons. Dans le monde économique, une entreprise serait déjà revenue sur une décision aussi maladroite et contre-productive…

Les vieux-calendaristes avaient-ils raison au-delà de leur réaction instinctive ? Le calendrier est-il un objet qui mérite de faire un schisme ? J’ai déjà expliqué, que Jésus avait prêché dans un temple dont le calendrier avait changé avant son incarnation, et que donc, d’une certaine façon, la réaction essénienne, semblable à celle des vieux-calendaristes actuels était ainsi invalidée par le Seigneur lui-même. Il me semble aujourd’hui, que cette analyse est incomplète et impropre. Pourquoi ? Parce que je ne connais pas les détails de la réforme calendaire juive qui a mené les esséniens dans le désert. La réforme calendaire de 1920 est doublement problématique : elle n’est pas conciliaire, et n’est pas motivée par des raisons recevables mais bien par l’œcuménisme. Les vieux-calendaristes sont injustement réduits à cette problématique calendaire lorsque qualifiés ainsi au final. Ils ne se battent pas pour un calendrier comme un fétiche de vieux-croyants russes. Ils se battent contre l’œcuménisme, cet insidieux poison moderne qui pointe vers la religion mondiale.

En fait les vieux-calendaristes renvoient cette question : où commence la compromission avec l’inacceptable ? C’est finalement à cela que nous sommes confrontés lorsque nous contemplons ces plus ou moins grands groupes qui vivent et prient à côté de nous. Car, ce que disent ces structures est que chaque compromis ouvre la voie vers le compromis suivant. C’est comme le péché. Chaque péché, ouvre la voie vers un péché plus grand. Le calendrier, qui était un compromis qui pouvait sembler acceptable, alors que le prix était déjà élevé, ouvre la voie vers l’acceptation d’une papauté orthodoxe qui vendra l’orthodoxie sur l’autel de la réunification. Où la lutte est-elle la plus efficace contre ce mouvement puissant ? depuis l’Église « officielle » ou depuis ces structures plus modestes ? La question aujourd’hui, se pose avec acuité.