Pourquoi je rejoins l'Église Russe Hors Frontières (non ralliée)
Il ne s’agit pas d’un billet théologique au sens propre du terme, quoi que… Il s’agit d’un billet un peu personnel. Mais il ne sera pas le lieu de dévoiler les colères, les frustrations, les déceptions, les faiblesses que j’ai expérimentées dans le patriarcat de Roumanie dans lequel j’étais depuis 2007. J’y fus christmé, je m’y suis marié, j’y ai baptisé mes deux filles et j’y fus ordonné diacre. J’y ai appris énormément et je ne regrette pas ce passage. Tout ce qui sera dit ne concernera que la doctrine, à savoir l’essentiel de ce qui explique ma démarche.
Ma vie spirituelle, regardée rétrospectivement est une progression dans la proximité avec le Christ, proximité qui est de plus en plus exigeante. C’est cette exigence qui me fait faire ce nouveau pas. Tout ce que j’ai appris dans l’athéisme et la vie m’a amené dans le catholicisme romain. Tout ce que j’ai appris dans le catholicisme romain et la vie m’a amené à l’orthodoxie dite officielle, que je préfère qualifier de néo-orthodoxie. Tout ce que j’y ai appris m’amène aujourd’hui dans cette orthodoxie vue par beaucoup comme non canonique, et qui est pour moi l’orthodoxie véritable. Je précise pour les puristes, que je rejoins l’Église Russe Hors Frontières n’ayant pas rejoint le patriarcat de Moscou en 2007.
Je voudrais d’abord traiter de ce trait particulier. Ce monde « non canonique » dans la vision « officielle » est vu comme une nébuleuse de petites églises faisant un concours pour être les plus zélotes. Le terme zélote est évidemment péjoratif, ce qui permet à l’orthodoxie « officielle » de se présenter comme équilibrée et sérieuse. Une des caractéristiques principales de ces synodes est leur haine profonde de l’œcuménisme. Après qu’on m’ait imposé de participer à une soirée de prières communes avec des catholiques et des protestants, où des passages de la déclaration des droits de l’homme étaient intercalés dans les versets des Béatitudes, je me suis promis que jamais plus on ne m’y reprendrait. Mais je suis resté dans l’église qui me demandait de faire cela, faisant simplement un bras de fer avec le prêtre m’invitant à nous représenter dignement, arguant hypocritement de ma surcharge de travail, et de mes obligations familiales. Je me suis comporté comme un lâche. On pourra me dire que je suis tombé dans une soirée particulièrement pénible, mais que l’œcuménisme est fondamentalement bon. Je n’en crois rien. Je pense que l’œcuménisme est tout à fait révélateur de l’église dans laquelle on est. Mais aujourd’hui je ne veux plus de demi-mesure, de demi-lâcheté ; je ne veux plus être dans une église qui demande même à ses clercs ou à ses fidèles de participer à cela. Je rejoins maintenant un synode qui comprend tous les problèmes engendrés par l’œcuménisme. Je rejoins des gens qui n’ont pas la prétention d’être meilleurs que les autres, mais qui ne font pas partie de la grande religion mondiale de la tolérance indifférenciée. Ne pas prier avec les autres, c’est la première étape pour les convertir. Car si nous prions tous ensembles, pourquoi quitter nos confessions respectives ? et pourtant, dans toutes ces confessions, une seule peut se targuer d’être la vérité. Rejeter l’œcuménisme me semble être la fidélité à des canons tout à fait clairs. Rejeter l’œcuménisme me semble donc patristique, canonique, traditionnel. J’invite tout ceux qui sont dans des églises participant à l’œcuménisme, à s’interroger sur la dimension traditionnelle et patristique de leur église. J’invite tous ceux qui pensent être dans une église canonique à se demander si leur évêque respecte les canons, car la canonicité d’une église n’est indiquée que par son respect des canons.
Une autre caractéristique de ces synodes est leur haine profonde de la franc-maçonnerie. Je précise tout de suite qu’il ne s’agit pas de haïr les franc-maçons en tant que tels, mais bien de considérer la double appartenance comme impossible, impensable. Moi-même ancien franc-maçon, je pourrai témoigner si cela est nécessaire, de la radicale incompatibilité entre les deux, car la franc-maçonnerie est une gnose moderne. L’Église véritable a toujours été opposée à la gnose. Les deux visions du monde, les deux saluts offerts, les deux sens donnés à la vie sont aux antipodes. L’église néo-orthodoxe « officielle » est en théorie censée suivre des canons prohibant cette double appartenance, mais j’ai vu un certain relativisme dans l’application de ces canons. Je ne saurai dire aujourd’hui s’il s’agit d’infiltration déjà réalisée ou bien d’aveuglement coupable. Quel que soit le scénario, je ne veux plus côtoyer de maçons (avec ou sans tabliers) à l’Église. Je choisis donc de devenir un « zélote » aussi pour cela. J’invite tout ceux qui sont dans des églises neutres ou amicales vis-à-vis de la franc-maçonnerie, à s’interroger sur la dimension traditionnelle, canonique et patristique de leur église.
Une autre caractéristique de ces synodes est leur dégoût de la république, et leur attachement à la monarchie. Cela fait trop d’années qu’on me fait prier pour les gouvernements successifs qui permettent l’avortement ou le tri génétique eugénistes des handicapés. Certes je suis censé prier pour mes ennemis, mais je fais ici référence à la grande litanie qui demande de prier pour le pays et ceux qui le gouvernent. Depuis la révolution française, nous sommes en guerre, et si je veux bien prier pour leur conversion, je ne veux pas prier pour autre chose, et je souhaite maintenant prier pour le rétablissement de la monarchie en France. En quoi un chrétien doit-il s’intéresser à la politique ? le régime naturel qui convient au Christianisme, c’est la monarchie, et la république est par essence au mieux athée, au pire satanique selon les tempéraments. La république a de plus trop de liens avec la franc maçonnerie : être ferme sur la maçonnerie sans l’être sur le régime politique serait un manque de cohérence intellectuel. J’invite tous ceux qui sont dans des églises entretenant des relations cordiales et paisibles avec les autorités françaises, à s’interroger sur la dimension traditionnelle, canonique et patristique de leur église.
Une autre caractéristique de ces synodes est qu’ils ont un sens aigu de la communion, peut être même trop. Ceci cause leur division et leur grand morcellement, ce qui est un terrible contre-témoignage. Plaise à Dieu que je puisse aider en la matière. Pendant toutes mes années dans la néo-orthodoxie « officielle » je me suis retrouvé en communion avec des gens qui sont aux antipodes de moi. Le drame de la situation est que je ne serai plus en communion avec des gens qui me sont chers. Puisse mon choix les éveiller et les renvoyer à eux-mêmes, à leur propre exigence chrétienne. Néanmoins, ce choix est très dur humainement, mais nul ne gagne le Royaume sans se faire violence a dit le Seigneur. En tout cas, je ne serai plus en communion avec tous ces modernistes, tous ces protestants de rite byzantin, tous ceux qui pensent que l’on peut être orthodoxe et républicain, tous ceux qui confondent l’obéissance et la compromission, et surtout je ne serai plus en communion avec le patriarche Bartholomée du patriarcat de Constantinople. C’est le plus important à mes yeux. En effet, la lâcheté du synode roumain fait qu’aujourd’hui, en restant dans la néo-orthodoxie, je n’ai pas d’autre choix que d’être en communion avec ce patriarche hérétique. Ainsi, pour ne pas communier avec l’hérésie, je me vois forcé de quitter ce patriarcat qui ne m’a pas envoyé un seul message rassurant sur sa doctrine et son positionnement. Comment interpréter la concélébration des patriarches de Roumanie et de Constantinople dans la nouvelle basilique de Bucarest, ou la participation de plusieurs évêques roumains au déshonorant concile de Crète en 2016 ? Cela ne veut pas dire que je coupe pour toujours avec l’orthodoxie roumaine, avec le Père Cléopas, le Père Arsenie Boca et tous les grands spirituels roumains. J’invite tout ceux qui sont dans des églises en communion avec le patriarcat de Constantinople, à s’interroger sur la dimension traditionnelle, canonique et patristique de leur église.
Une autre caractéristique de certains de ces synodes, est leur compréhension de la problématique des églises locales en occident. Aujourd’hui les patriarcats « officiels » ne font absolument rien pour créer une église orthodoxe autocéphale (ou autonome) en France. Ils se partagent la France orthodoxe comme un gâteau, au mépris du droit canon, et n’ont aucune action missionnaire. Les roumains célèbrent majoritairement en roumain, les grecs quasi exclusivement en grec et de même pour les russes. Il existe bien évidemment des paroisses francophones dans chacune des juridictions, mais ce sont des particularités autochtones au sein d’une logique surtout ethniciste et de gestion de diaspora. Les synodes officiels ne sont ni missionnaires ni conformes au droit canon (je ne rappelle à personne que l’AEOF est tout sauf respectueuse du canon 8 du concile de Nicée I). Pour bâtir une église locale, il faut la bâtir sur des fondations véritablement orthodoxes du point de vue de la doctrine et une feuille de route claire sur les objectifs. L’Église Orthodoxe Russe Hors-Frontières a un bilan élogieux de ce point de vue aux USA. Je préfère donc rejoindre ce courant plutôt que ceux qui ne font rien et qui condamnent mécaniquement à mort l’orthodoxie française d’ici 50 ans (dixit le Père Placide, ancien higoumène du monastère de Saint Antoine le Grand). Je ne sais pas si je pourrais bâtir une église locale dans ces synodes, mais je sais qu’en restant dans la néo-orthodoxie « officielle » il ne se passera rien. Jamais. J’invite tout ceux qui sont dans des églises fonctionnant dans une logique de gestion de diaspora et désireux de créer une église locale, à s’interroger sur la dimension traditionnelle, canonique et patristique de leur église.
Une caractéristique essentielle de ces synodes est le sérieux doctrinal. Je ne doute pas de rencontrer des farfelus et des gens dans l’erreur ici ou là. Mais ayant été confronté à une ordination de franc-maçon (violation canonique) avec une hiérarchie épiscopale au fait de cet état, à des hérésies professées en chair de façon répétées (apocatastase) dans le cadre d’homélies paroissiales sans que les évêques saisis ne souhaitent agir d’aucune façon, à la confirmation de ce prêtre hérétique à un poste d’enseignement dans un cadre académique justement dans le champ patristique, j’en ai tiré la conclusion naturelle du manque de sérieux doctrinal de la métropole dans laquelle j’étais et j’en ai tiré les conséquences qui m’apparaissaient les plus logiques. J’invite tout ceux qui sont dans des églises fonctionnant dans une logique de flou doctrinal, à s’interroger sur la dimension traditionnelle, canonique et patristique de leur église.
Enfin, dernière caractéristique de ces synodes, c’est leur clairvoyance vis-à-vis du modernisme et vis-à-vis du calendrier dans la réforme de 1923 initiée par Constantinople. En fait, ces synodes, sont à la rencontre de deux histoires : la première est le refus du changement de calendrier pour rester sur le calendrier des Pères de l’Église du concile de Nicée. Lorsque Constantinople, par œcuménisme a voulu passer au calendrier grégorien utilisé par les catholiques romains (tout en appelant fourbement ce nouveau calendrier julien rénové), certains évêques ont résisté en Grèce et en Roumanie. Les successeurs de ces évêques sont aujourd’hui à la tête de synodes importants et dynamiques dans les deux pays. Ces synodes sont vus schismatiques par les orthodoxes « officiels ». Mais qui a schismé ? Avant, je croyais que les « vieux-calendaristes » étaient les schismatiques. J’ai compris que cela était faux. Et même si le calendrier est un outil qu’on peut se restreindre à ne voir que comme astronomique, la Tradition de l’Église ne se change pas selon le bon vouloir d’un patriarche. L’instance suprême dans l’Église est le concile œcuménique. J’ajoute que le calendrier grégorien a été anathématisé par un concile orthodoxe réunissant plusieurs patriarches. Fêter Noël le 25 décembre, c’est être sous anathème. Cela me semble être un détail important. Deuxième histoire, celle de la tragédie communiste qui a scindé toutes les églises orthodoxes sous la férule bolchevique en deux catégories : celles qui étaient réfugiées à l’étranger et celles qui étaient persécutées et dirigées dans le pays. Le synode que je rejoins, à l’image de tous ces synodes, considère que les églises persécutées par le pouvoir communiste, que ce soit en Russie, en Serbie, ont vu leurs hiérarchies infiltrées et que c’est parfois le monde et ses intérêts qui prévaut par rapport à la saine doctrine orthodoxe (la relation à l’œcuménisme étant vue comme boussole de cette compromission avec le monde). C’est l’histoire en extrême condensé de l’Église Russe Hors Frontières et de son retour en communion avec le patriarcat de Moscou en 2007. Et ceci rejoint au final tout ce que j’ai énoncé auparavant : œcuménisme, franc-maçonnerie, relativisme : si on les constate dans les patriarcats dits « officiels » c’est que ce n’est pas le Christ qui dirige totalement ces patriarcats, mais que le monde a aussi son mot à dire, et ce mot ne sort pas de la bouche du Seigneur. Prenons l’exemple du patriarcat de Serbie. Ce patriarcat en règle générale se comporte plutôt bien, et ses prises de position sur l’affaire ukrainienne sont fermes et courageuses (on ne peut pas en dire autant de tout le monde). Néanmoins, à côté de ces indéniables bons points, on peut facilement trouver le patriarche allumant les bougies de Hanoukka à la synagogue de Belgrade. Et c’est là que je ne peux plus suivre. D’origine juive moi-même, je ne saurai trop conseiller à tout orthodoxe d’étudier Hanoukka, son rituel, son histoire, pour approfondir davantage le mystère de Noël. Mais allumer les bougies à la synagogue n’a pas de sens !!! au-delà de l’absurde de la démarche, c’est quelque chose avec lequel on ne peut pas être en communion, car cela engage sur la doctrine. On chuchote ici et là, que tel évêque ou même tel patriarche aurait une maîtresse. Ceci est moins grave ! Il s’agit d’une faute personnelle, qui n’entraîne pas officiellement une église sur sa doctrine. Lorsqu’un patriarche allume des bougies lors d’une fête juive, il le fait en tant que patriarche. Il engage tout son clergé, tous ses fidèles. Que dirait Saint Jean Chrysostome, lui qui a laissé des témoignages clairs et véhéments sur l’impossibilité pour un chrétien de participer à une fête juive ? Je précise, pour que tout soit absolument clair, que les églises néo-orthodoxes officielles ne sont pas à mes yeux intégralement corrompues, nuisibles, toxiques et sataniques. Il s’agit d’une question de degré. Il y a beaucoup de belles choses dans ces églises. Mais elles se trompent sur l’œcuménisme, sur la maçonnerie, sur le modernisme, etc. J’avais donc le choix entre une majorité avec ces problèmes que je considère comme essentiels, et cette minorité « zélote » avec ses problèmes que je considère comme accessoires. Le choix est donc apparu évident avec le temps… il ne s’agit vraiment pas d’un coup de tête, mais d’une décision mûrie pendant des mois. Je précise également que je ne suis pas naïf sur l’endroit où je vais. Il y aura des passions humaines, des égoïsmes, des limitations, des préférences ethniques, du pharisaïsme, du jugement hâtif, etc. C’est-à-dire tout ce que j’avais déjà dans l’Église orthodoxe « officielle et canonique ». Je rejoins une église humaine, mais qui est ferme sur sa doctrine.
Concluons. Je sais que je ne suis pas le seul à être mal à l’aise dans l’orthodoxie « officielle ». J’ai décidé de ne plus être mal à l’aise. En fait, c’est simple. Il suffit de se dire que cela est possible et que cela est facile. Et c’était cela le plus dur : savoir que cela ne l’était pas. Je m’adresse à ceux qui ont le même malaise, à ceux qui ont défini une ligne rouge que son évêque ou son patriarche ne doit pas franchir. On ne peut pas vivre comme ça !!! Que ceux qui ne voient pas le problème restent sagement là où ils sont. Ils ont peut-être raison. Je suis maintenant persuadé du contraire. Et je suis heureux. La vérité n’est pas un problème de nombre. Combien étaient-ils à la Pentecôte ? La vérité n’est pas un problème de moyens. L’Église, ce n’est pas des gens qui ont des médailles coûteuses, des limousines, des palais. L’Église, ce sont des synodes avec des évêques fauchés, dont les soutanes sont trouées par la pauvreté, mais dont les évêques sont des moines avec des années de monachisme véritable. C’est tout cela que je vais chercher. Et que je trouve…