Le péché originel est une problématique importante dans le monde orthodoxe actuel. Autant chez les protestants et les catholiques cela n’est plus vraiment un sujet, autant chez les orthodoxes, cette problématique est devenue de façon étonnante un domaine qui prêtait à discussion. Ce caractère classique chez les protestants et catholiques est peut-être justement une des raisons de ce positionnement orthodoxe. En effet, certains orthodoxes, conçoivent l’orthodoxie en miroir, en vis à vis. Est orthodoxe, est spécifiquement orthodoxe, ce qui n’est pas catholique ou protestant. Ainsi, pour beaucoup, une des particularités de l’orthodoxie est d’avoir une approche différente du péché originel.

Avant de rentrer dans les détails, de quoi s’agit-il ? Le péché originel, renommé en péché des origines par certains orthodoxes, toujours pour ce même objectif d’originalité, est le nom que l’on donne à la faute d’Adam au jardin d’Éden, lorsqu’il mangea de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et viola ainsi le commandement divin qui lui avait été assigné de s’en abstenir absolument. Nous en verrons toutes les subtilités lors des explications bibliques sur la Genèse, mais pour revoir le récit biblique en détail, il sera bien de se reporter au chapitre 3 de la Genèse qui montre la faute d’Adam et Eve, dupés par le serpent, mangeant de ce fruit, et se retrouvant ainsi expulsés du jardin d’Éden. Voilà ce qu’est bibliquement le péché originel. Le débat ici porte sur la tradition relative à cet événement, et à l’étendue de la culpabilité, la nature de sa transmission, ses conséquences, et la solution apportée par Dieu pour y répondre.

Si l’on peut reconnaître qu’en règle générale, les protestants dans leur majorité et les catholiques non modernistes sont plutôt sérieux sur ce point de doctrine, c’est étonnamment dans le monde orthodoxe que se pose le problème de la transmission de la culpabilité et de la situation de l’homme, ainsi que la réponse divine. Si je peux définir la position d’une partie de cette orthodoxie elle serait la suivante : il convient de considérer que la faute d’Adam est uniquement la faute d’Adam, qu’elle ne nous concerne en rien. Il faudrait voir le péché originel comme un problème personnel, au sens théologique, c’est à dire qu’il concerne uniquement la personne d’Adam, et qu’il verra ça avec Dieu, comme nous verrons avec Dieu, chacun, pour nos péchés personnels. Nous héritons des conséquences de la mort, à savoir la mortalité, ce qui est déjà assez tragique comme cela. Adam est devenu mortel suite à cette faute, et comme nous sommes ses enfants, et bien nous voilà nous mêmes mortels. Voici, je pense, résumée de façon correcte, cette théologie particulière, qui est dispensée par exemple à l’institut orthodoxe Saint Serge à Paris, comme étant un fondement dogmatique orthodoxe central, une clé de voûte théologique de l’orthodoxie. A titre personnel, j’ai appris ceci pendant mon cursus de licence. J’y ai cru pendant des années, jusqu’à ce que ma pratique liturgique plus poussée et mes recherches personnelles m’aient amenées à reconsidérer fondamentalement la chose.

Laissons ma petite personne de côté et revenons à la question centrale qui émerge de tout ceci : la présentation que je viens de faire est-elle orthodoxe, ou bien est-ce une innovation ? J’ai trop pointé les innovations catholiques ou protestantes dans la théologie chrétienne pour ne pas être attentifs de la même façon, chez nous, dans le monde orthodoxe. Je vais essayer de vous montrer que cette position n’est pas orthodoxe car non traditionnelle. Je vais essayer de montrer quelle est la vision orthodoxe du péché originel, à savoir que l’homme hérite de la culpabilité et des conséquences de cette culpabilité, à savoir la mort. Il n’hérite pas uniquement de la mort. L’homme est coupable, et c’est précisément pour remédier à cela que le Christ est passé par la Croix. On pourra résumer ainsi la position sur le péché originel, qui est commune à tous les courants chrétiens. Comme en toute chose, pour vérifier le caractère orthodoxe d’une position théologique il y a plusieurs points à vérifier : ce que dit l’Écriture Sainte, ce que dit le patrimoine liturgique, ce que dit le droit canon, et bien entendu, ce que disent les Pères. En utilisant cette façon de procéder, vous pouvez tout passer en revue, et déterminer ce qui est orthodoxe et ce qui ne l’est pas.



Bible

Pour l’Écriture Sainte, une étude sérieuse demande de ne pas seulement utiliser un verset qui va dans un sens en négligeant ceux qui peuvent aller dans un sens inverse. Il n’y a pas de verset de la Bible qui puisse venir à l’aide de cette innovation. En la matière, tout se joue sur un unique verset, tiré de l’épître aux Romains. Et c’est l’exégèse de ce verset qui va poser la base de toute notre démonstration. Rm 5:12 qui en français est traduit le plus souvent comme « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché,… » le passage litigieux est sur « parce que tous ont péché » qui est très loin évidemment du « parce que seul Adam a péché » proposé théologiquement à Saint Serge. Le grec est « εφ ω παντες ημαρτον ». εφ ω a fait couler beaucoup d’encre chez les spécialistes du grec : doit-on le comprendre comme « à cause de » ou comme « en qui ». Cela ne change pas grand-chose : « parce que tous on péchés » est informatif et pas explicatif, tandis que « en qui tous ont péchés » permet de dévoiler un peu le mystère : tous ont péchés en Adam, comme si nous étions tous avec lui dans le jardin. Cela reste mystérieux, mais une chose est sûre, il y a un péché de tous, lié au péché du seul Adam. On accuse souvent Augustin de trahir le grec avec une lecture latine défectueuse. C’est une approche frivole, et qui feint d’oublier que Saint Jean Damascène ou Saint Jean Chrysostome comprennent le grec comme Augustin comprend le latin. Je vous laisse faire la déduction qui s’impose.

Liturgie

Passons au patrimoine liturgique. La liturgie est centrale pour démontrer les choses, car en orthodoxie on prie ce qu’on croit et on croit ce qu’on prie. C’est ce que l’on appelle Lex orandi Lex credandi. Il doit y avoir une parfaite adéquation entre ce qui est prié et la doctrine qui est confessée. Le Synaxaire des matines du dimanche de l’expulsion d’Adam, parlant du jeûne, dit : « ne l’ayant pas observé, mais ayant cédé à son ventre ou plutôt par l’intermédiaire d’Eve, au serpent trompeur, non seulement il n’est pas devenu Dieu, mais en plus il s’est attiré la mort, dont il transmis le mal à tout le genre humain» et un peu plus loin « Et puisqu’à la responsabilité de tous nos semblables incombent et la transgression d’Adam et sa chute du paradis de délices, pour cette raison les Pères ont proposé qu’en en faisant mémoire, nous fuyions son exemple, au lieu d’en imiter l’intempérance ». Ce texte du synaxaire a été rédigé par Nicéphore Calliste Xanthopoulos au 16ème siècle. Bien évidemment, ce texte du triode n’est pas un traité de dogmatique, mais il exprime une doctrine, il explicite une dogmatique qui nous paraît parfaitement claire. De l’autre côté, il n’y a aucun tropaire, aucun kondakion, aucune hymne d’aucune sorte qui fasse à dire à Adam qu’il a rendu sa descendance mortelle mais exempte de la faute. La corruption de la nature humaine est toujours présentée sous les deux angles : porteuse de la souillure du péché et rendue tragiquement mortelle. Ces textes liturgiques sont terriblement normatifs dans le cadre orthodoxe. Ils ne sont probablement pas lus dans les paroisses bénéficiant d’un rythme liturgique moins soutenu que ne peuvent le soutenir les monastères sérieux. Ainsi, ils ne sont pas connus du peuple orthodoxe, qui peut d’autant plus facilement être contaminé par cette théologie fallacieuse. Aucun prêtre souscrivant à cette doctrine partielle du péché originel ne pourrait répandre sa théologie après que ce texte du triode soit lu au pupitre.



Droit canon

Le droit canon, va presque explicitement déclarer de quelle façon l’on doit comprendre le péché originel. On peut aisément déduire la position de nos saints pères en regardant les canons relatifs au baptême. En effet, si cette théologie moderniste est exacte, le baptême n’a pas de sens avant une forme d’âge de raison. Pourtant, les canons sont explicites : le baptême doit être réalisé aussi sur les nouveaux nés. C’est ici qu’il faut distinguer le péché de nature et le péché personnel. Le péché personnel est celui qui dépend du libre-arbitre de la personne. Le péché de nature est un péché sur lequel il n’a pas de prise, pas de responsabilité. Cette approche moderniste nous amène à immédiatement penser de la sorte : « Dieu ne peut pas nous condamner pour quelque chose que nous n’avons pas fait ». C’est une pensée qu’on peut aisément avoir, et elle est logique en un sens. Cette pensée se heurte néanmoins à deux choses :

1) en ce cas pourquoi les saints Pères (qui ne sont jamais que le relais de l’enseignement des apôtres) obligent les chrétiens à réaliser un baptême pour des bébés qui ne sont bien évidemment pas concernés par les notions de libre arbitre ?
2) en ce cas pourquoi le Christ est-il monté sur la Croix ? Sans avoir une approche trop analytique de la Passion de notre Seigneur il y a deux composantes majeures qui solutionnent deux problèmes majeurs : la Croix est la réponse au péché originel et la résurrection est la réponse à la mort.

Les Pères sont explicites quant à la nécessité du baptême d’enfants non en âge de pêcher et relient néanmoins ce baptême à la rémission des péchés : «Mais les paroles de Pierre montrent que, d’une part, il a gardé le Dieu qui leur était déjà connu, et que, de l’autre, il leur a attesté que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, le Juge des vivants et des morts — ce Jésus-Christ même en qui il commanda de les baptiser pour la rémission des péchés — ;» dit Saint Irénée de Lyon, rejoint par St Cyprien de Carthage ou Origène. La compréhension des Pères des temps apostoliques rejoint ce cri de Job : « qui peut rendre pur celui qui est né d’un sang impur ? ». Si vous regardez le rituel de baptême, vous verrez qu’il contient des exorcismes. Le rituel ne stipule pas que ces exorcismes ne doivent pas être faits s’il s’agit d’un nouveau né. La conscience de l’Église est que quelque chose est à réparer, à purifier, et ceci dès le tout départ de l’existence. Le rituel ne parle pas de péché originel, mais comme il concerne tout le monde et qu’il est adressé en rémission des péchés, alors il y a un péché qui concerne le nouveau né. Ceci est la preuve canonique du péché originel.

Le canon relatif au Baptême des nouveaux nés qui semble le plus explicite sur cette question est celui-ci, tiré des canons du Concile de Carthage (418) : « quiconque conteste la nécessité du Baptême des petits enfants, ou affirme que, quoiqu’ils soient baptisés en rémission des péchés, ils n’empruntent cependant du péché originel d’Adam rien qu’il faille laver par le bain de la régénération (d’où il résulterait que la forme du Baptême en rémission des péchés ne leur point appliquée dans son véritable sens), qu’il soit anathème ! Car ce que dit l’Apôtre « le péché est entré dans le monde par un seul homme et la mort par le péché ; ainsi la mort est passée dans tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché » il ne faut point l’entendre autrement que comme l’a constamment fait l’Église catholique répandue en tout lieux. Car, par cette règle de foi, même les enfants qui sont encore incapables de pêcher par eux-mêmes, sont véritablement baptisés en rémission des péchés, pour être purifiés par la régénération de ce qu’ils ont emprunté de la vieille naissance ». On aura compris ici, que la mention catholique ne fait pas référence aux hérésies romaines. On est au cinquième siècle, et Rome est encore orthodoxe. Catholique est à comprendre au sens « universel ». Les saints pères réunis à Carthage témoignent que ceci est la position de l’Église depuis les temps apostoliques. On constate aussi que les réticences vis à vis de ce péché originel sont très anciennes. Les hérétiques trébuchent tout le temps sur les mêmes difficultés. Le Diable séduit toujours avec les mêmes vieux trucs, efficaces il est vrai. On remarquera aussi, pour ceux tentés de ranger le concile de Carthage parmi les conciles mineurs, qu’aucun canon ne vient en sens inverse, ne vient jeter d’anathème sur ce concile. Certes, il n’est pas œcuménique, mais il vient légiférer quelque chose qui ensuite n’a plus jamais fait débat.

Références patristiques

Dans sa magistrale dogmatique, Macaire Boulgakov donne une pluie de références dans le corpus patristique. Il commence par Saint Justin Martyr dans son dialogue avec Tryphon « Jésus Christ notre Seigneur nous a béni pour naître et pour mourir, non qu’il en eut besoin lui-même, mais par amour pour le genre humain, qui du fait d’Adam fut assujetti à la mort et à la tentation du serpent ». On voit bien cette double responsabilité collective. Tertullien signale qu’Adam « a rendu toute la race humaine, provenant de sa semence, héritière de sa condamnation ». Il énumère ensuite Saint Cyprien, Saint Hilaire, Saint Basile, Saint Grégoire de Nazianze, Saint Ambroise de Milan, et Saint Jean Chrysostome. On voit ici à quel point le théologien Georges Florovski se moquait du monde en déclarant la Russie coupée des Pères de l’Église. Les tenants de la théorie alternative sur le péché originel clament qu’il s’agit d’un problème orient-occident. Il est normal de trouver, selon eux, des choses relatives à cette vision peccamineuse dans l’occident latin, mais l’orient grec, est vu comme plus subtil, plus proche de la source juive n’ayant pas cette vision (je reviendrai sur l’approche juive à la fin). Je me vois donc contraint de donner les citations des saints hiérarques de l’Orthodoxie. Saint Basile écrit « absous toi du péché originel par des distributions d’aliments ; car comme Adam nous a transmis ce péché pour avoir pris d’un aliment nuisible, ainsi nous effaçons la trace de ce repas fatal en satisfaisant les besoins et la faim de nos frères », saint Grégoire le théologien « ce péché qui naît avec nous, a été transmis aux malheureux humains par leurs premiers parents… nous tous qui étions dans le même Adam, avons été séduits par le serpent et mis à mort par le péché, et sauvés par l’Adam céleste ». On a reproché à Augustin l’invention du péché originel. Bien au contraire. Il a accentué, au point d’être identifié comme docteur exclusif de ce sujet, ce point de doctrine accepté de tous, cru par tous et compris de tous.

Ceci nous entraîne vers la question du traducianisme. L’Église n’a jamais tranché sur ce point particulier, mais cela semble l’explication la plus logique sur cette transmission. De quoi s’agit-il ? C’est une réponse possible à la question de la provenance de l’âme lorsque vient au monde une nouvelle vie. Le traducianisme postule que lorsque l’homme et la femme s’unissent, et qu’ils partagent leur patrimoine génétique pour concevoir un enfant, ils transmettent aussi un patrimoine immatériel et métaphysique en même temps. Le Christianisme postulait déjà que l’âme n’était pas préexistante à la vie. Elle n’attendait pas dans une sorte de réservoir cosmique qu’un couple procréé. C’était l’erreur d’Origène et de toute la branche platonicienne de la philosophe grecque. Le traducianisme explique que Dieu n’est pas caché ineffablement dans toutes les chambres à coucher des couples, prêt à envoyer des âmes et des esprits à tous les fœtus conçus. Les générations humaines se transmettent l’intégralité de ce qui constitue anthropologiquement un être humain. On voit dans les exemples rapportés par Macaire Boulgakov, que les Pères sont très certainement traducianistes. C’est évident pour Saint Grégoire le théologien. Et nous avons ici l’explication de cette responsabilité en dehors de la liberté humaine, qui était révoltant au premier abord. Nous étions tous contenus en Adam. Nous étions tous avec lui dans le jardin lorsqu’il a mangé de ce maudit fruit. Ceci doit être compris sur un plan mystique, mais la liturgie nous a normalement suffisamment enseigné les problématiques d’abolition du temps et de l’espace pour que cela pose un problème à toute conscience chrétienne catéchisée sérieusement.

Je me dois de faire une petite digression concernant le Père Serge Boulgakov, le doyen de l’institut Saint Serge, à ne pas confondre avec Macaire Boulgakov, le titan de la théologie russe du 19ème siècle. Dans le buisson ardent, Serge Boulgakov décrit tout ce que je viens de dire. Le péché originel n’est pas uniquement imputable à Augustin, mais était cru par tous les Pères. C’est le sens du texte de l’Épître aux Romains. Ceci me semble important pour clarifier le fait que dogmatiquement, le Saint Serge actuel n’a pas grand-chose à voir avec l’enseignement que dispensait Boulgakov lors de sa fondation.



Je me dois également de faire une autre digression sur les enseignements relatifs à cette problématique que j’ai pu donner pendant des années, que ce soit dans mes cours de Bible, ou sur ce blog même (premier article consacré à la dogmatique du Père Staniloae par exemple). J’ai enseigné le contraire de ce que je viens d’expliquer. Je ressens donc un mélange de honte et de colère. Honte pour avoir dit des sottises théologiques. Que cet article soit ici le lieu des plus humbles excuses. Colère en même temps pour les pélagiens qui m’ont instillé cette fausse théologie. Colère contre l’institut Saint-Serge qui n’est pas un institut sérieux mais bien gagné à une idéologie trompeuse et pernicieuse. Colère contre les fariboles du Père Florovski et son arnaque néo-patristique ; quelle prétention de croire qu’avant l’école de Paris au vingtième siècle, le savoir patristique avait été perdu !!! Il faudra faire un jour l’inventaire lucide de cet institut de théologie ! Colère contre moi-même, qui ai considéré cette position comme la plus probable, à cause des deux « preuves » suivantes :

première preuve : le passage de Saint Cyrille d’Alexandrie, tiré du texte de « dogmatum solutione » au chapitre 6 : «Il faut se demander comment notre ancêtre Adam nous a fait passer la sentence qui avait été portée contre lui à cause de la transgression. Car il lui avait été dit : tu es terre et tu retourneras à la terre (Gn 3:19), et il est devenu corruptible, d’incorruptible qu’il était, et fut soumis aux liens de la mort. Et comme il a engendré des enfants après être tombé dans la mort, nous qui sommes nés de lui, étant nés d’un être corruptible, sommes des êtres corruptibles : c’est ainsi que nous sommes héritiers de la malédiction survenue en Adam. Car nous n’avons absolument pas été châtiés pour avoir désobéi avec lui au commandement qu’il avait reçu, mais comme je le disais, il est devenu mortel et il a fait passer la malédiction à sa propre semence. Nous sommes en effet mortels, nés d’un mortel» (tiré de l’ouvrage «Le Christ de Cyrille d’Alexandrie » de Bernard Meunier, p 56). Ce texte est tiré d’un ouvrage de Bernard Meunier, directeur de recherche au CNRS. Le problème est qu’il m’est impossible de retrouver l’original. Impossible à retrouver dans la patrologie de Migne, dans les documents numérisés en ligne disponibles. Je trouve ceci étonnant ; troublant même. Quand bien même ce texte serait authentique, malgré la stature particulière de Saint Cyrille d’Alexandrie, il ne représente pas le consensus patristique, et resterait un théologoumenon étonnant pour ce père qui tient une place particulière dans mon panthéon théologique personnel. Mais cela reste justement troublant : ce texte précis, qui est la pierre angulaire de cette théologie pélagienne, j’en trouve les citations, mais jamais la source !! Ainsi, et à moins que quelqu’un vienne me montrer le document en question, j’aurai du mal à me départir de l’idée que ces pélagiens n’aient en fait, tout simplement, produit un faux. Ils ne sont pas à cela prêt..

Deuxième preuve : la position du judaïsme au sens large sur le péché originel. Je ne vous apprends peut-être rien : les juifs ne croient pas au péché originel. Ils ont l’exacte position des pélagiens sur le sujet. C’est, avec ce fameux texte de Saint Cyrille, l’autre élément qui m’a fait pencher pendant des années pour le pélagianisme (sans le savoir). J’ai toujours eu, et je garde la vision suivante : l’orthodoxie est la droite ligne de la tradition juive, est le véritable judaïsme orthodoxe ayant reconnu le messie et intégré tous les changements que l’événement « Christ » implique. J’étais donc séduit par cette preuve juive. Mais je me suis berné moi-même dans un piège que j’avais réussi à déceler maintes fois : les juifs aujourd’hui croient en tout ce qui permet de nier à Jésus sa messianité et sa divinité. C’est logique. Sinon, ils seraient chrétiens. Donc, ces juifs d’après la résurrection et qui ne la croient pas, ne peuvent tout simplement pas souscrire au péché originel. Le contraire serait absurde. Cette position juive ne prouve donc rien sur la théologie chrétienne. Ou à la limite, elle prouve quelque chose : nier au Christ sa messianité et sa divinité dans sa totalité, implique de nier le péché originel. Les juifs sont plus cohérents que les théologiens de Saint Serge : le Christ est venu réparer le péché originel. Pour enlever la nécessité du Christ, il convient donc d’enlever le péché originel. Que penser alors de ceux qui enlèvent le péché originel ? Je vous laisse conclure…