le problème de la philosophie de l’économie

ding an sich

ding an sich

De telles indications de la vie représentent, en fin de compte, cette empfindung qui gît comme un poids irréductible au fond de l’erfahrung de Kant, la poussée extérieure (äussere anstoss) qui est restée insurmontable pour l’idéalisme de Fichte. C’est cet « autre être de l’esprit » que Hegel a aussi été contraint d’introduire dans son système. Enfin, c’est le mé on (et non pas ouk on) qui n’est pas du tout néant, mais seulement un état indéterminé dans la doctrine de Cohen sur la reinerurspung.

Par ses attouchements, la vie intervient dans le cadre du logique, elle devient immanente à la conscience du connaissant. C’est le Ding an Sich qui, comme fondement général, encore que transcendant, de la pensée et du savoir, s’infiltre même dans les systèmes idéalistes les mieux calfeutrés. La vie n’est pas transcendante à l’expérience intégrale d’un être vivant, mais elle l’est pour lui en tant que réfléchissant, connaissant, pensant. La vie est Ding an sich dans la profondeur immédiate et mystique de son expérience, tandis que le « phénomène » est l’aspect sous lequel elle surgit à la surface de la pensée et de la connaissance, comme une risée, de l’écume, des reflets qui apparaissent sur l’abîme insondable des flots.

L’idée de la synthèse concrète de l’alogique et du logique dans l’unité surlogique de la vie est ancrée dans la doctrine chrétienne de la trihypostasie divine et de la création du monde par le Verbe à partir de la terre « informe et vide ». Dans la philosophie moderne, différents systèmes développent cette idée avec des variantes  : tels Schelling (surtout dans sa première période), Schopenhauer et Hartmann (lequel l’a énergiquement défendue tant contre l’hégélianisme que contre le matérialisme), Soloviev et le prince Serge Troubetskoy. De différents côtés, différents auteurs se sont plus ou moins rejoins pour résoudre la question de la nature de la pensée.





Commentaire/Analyse

Ce point entier et surtout son premier paragraphe expriment merveilleusement deux choses : la solide formation philosophique du Père Serge, et la domination allemande sur la philosophie à son époque, et d’une certaine façon encore aujourd’hui. Le but de ce blog n’étant pas de faire des commentaires philosophiques mais bien théologiques, je ne me lancerais pas dans ce qu’expose le Père Serge du point de vue philosophique. Il faut néanmoins exprimer, puisque c’est le titre de ce segment, ce qu’est le Ding an sich. Cela se traduit littéralement par “chose-en-soi”. C’est un concept que nous devons à Kant, qui exprime la possibilité de penser une chose en dehors de toute expérience sensible. C’est la dissociation entre la chose et le phénomène ou la connaissance sensible.

L’important à garder de cette analyse du Père, est que cette notion théologique de la primauté chronologique et causale de la vie a été ressentie et approchée par les philosophes les plus brillants. Ceux-ci cherchant à raisonner en système, ont approché cette problématique, en voyant, chacun à sa façon, les limites et contradictions de leurs systèmes respectifs. Serait-ce à dire, que de la même façon que pour les Pères, c’est un consensus philosophique qui est à trouver ? Il me semble que non. La philosophie ne travaille pas sur un consensus lié à des axiomes dogmatiques. Chaque philosophe, de façon indépendante et libre, bâtit ses propres axiomes et élabore son système par-dessus. Mais les axiomes n’étant pas les mêmes, le consensus est impossible à trouver. Le problème qu’expose ici le Père Serge est justement le souci de l’origine de ces axiomes particuliers à chaque philosophe. Nous en revenons ici au problème de l’origine que j’ai abordé dans un post précédent.

Le Père Serge approche ensuite un continent de la philosophie qui est très peu connu en Europe de l’ouest : la philosophie russe. Les noms cités ne résonnent pas comme des Hegel ou Kant dans l’esprit des gens. Je ne saurais dire d’ailleurs s’ils sont même étudiés dans les cursus de philosophie actuellement. J’en doute. En effet, leurs axiomes intègrent ceux de la dogmatique chrétienne. Et ceci est évidemment problématique pour l’occident devenu athée. L’occident est aujourd’hui dans deux impasses philosophiques : la partie non anglo-saxonne qui considère historiquement que la liberté se construit en opposition à la religion. La sécularisation est donc vu comme une émancipation pour gagner de la liberté. La partie anglo-saxonne conçoit la liberté religieuse comme représentant le cœur de la liberté. Le passé des guerres de religion et le socle protestant de ces pays explique cette conception particulière. Ainsi, la liberté se définit avec certains axiomes de la dogmatique chrétienne, mais pas tous, justement pour maintenir cette liberté. Ces deux voies sont des impasses. Les deux trébuchent sur le même problème : toute morale doit être adossée à une transcendance qui dépasse son cadre d’application pour être totalement objective. Sinon, chaque morale se fonde sur des axiomes subjectifs, et aucune ne peut vraiment survivre à cette question éminemment diabolique : « et pourquoi pas ? »