Définition préliminaire de l’économie : 

Définition préliminaire de l’économie « la lutte pour la vie » et « l’économie »

La lutte pour la vie

Cet emprisonnement de l’existence par le prince de ce monde, par l’esprit du néant et de la mort, se traduit par le fait que l’homme dépend fatalement de la satisfaction de ses besoins inférieurs, animaux, que l’on appelle matériels, faute de quoi la vie est détruite. La lutte pour la vie est par conséquent d’abord la lutte pour la nourriture. Ce qui rapproche l’homme de tout le monde animal. Eu égard à une telle parenté, on peut considérer toute l’économie humaine comme un cas particulier de la lutte biologique pour l’existence.

Ainsi, n’importe quel être vivant, y compris l’homme, doit protéger sa vie contre la mort. La lutte pour la vie ne se ramène certes pas à une attitude défensive, car à la première occasion, elle passe à l’offensive, en s’efforçant d’affermir et d’élargir la vie, à dompter les éléments hostiles de la nature et à soumettre ses forces à ses fins. Le champ de la liberté et celui de la nécessité se repoussent constamment l’un l’autre, la vie-liberté tend à agrandir ses conquêtes et à s’entourer d’un public plus large. Ce combat pour s’étendre aux dépends de la nécessité, où la vie transforme les morceaux de territoire conquis sur le mécanisme en membres de l’organisme et où elle fait fondre à son feu le métal froid de la réité, prend différentes formes : il est livré avec des outils primitifs aussi bien qu’avec tout l’armement de la connaissance. Son but est pourtant le même : défendre la vie et l’élargir en transformant le mécanique en organique, l’inerte en vivant ; c’est, à cet égard, une œuvre créatrice de vie. Les deux activités, la défensive et l’offensive, sont intimement liées, comme les deux formes d’un même processus. Mais quelque succès que l’on ne remporte, on ne peut pas faire cesser cette guerre à son gré ; elle n’est pas volontaire, elle est imposée.

L’économie

Combattre les éléments hostiles de la nature, en renforçant et en accroissant la vie, afin de les dominer, de les apprivoiser et d’en devenir le maître, c’est, au sens le plus général et préliminaire, ce que l’on peut appeler l’économie. A cet égard, elle est propre à tout le vivant, au monde humain comme à l’animal. Pourquoi ne pourrait-on pas parler de l’économie des abeilles, des fourmis, ou de la signification économique de la lutte animale pour l’existence ? Stricto sensu, le terme n’est applicable qu’à l’homme, mais son activité économique inclut certains aspects de celle des animaux, en tant que des facteurs subordonnés et particuliers. Nous verrons plus loin les traits qui les distinguent nettement.





Commentaire/Analyse

Ici le Père se distance très nettement de son passé marxiste. Le marxisme déclare que l’économie est un asservissement ignoble qui peut être renversé pour revenir à un état paradisiaque supposé que l’humanité aurait connu au néolithique. Ici, le Père Serge explique très logiquement que l’économie est une forme organisée de reconquête du monde suite à la chute. En chutant, l’homme est devenu esclave de la nécessité. Il a chu du statut de créature divine ayant en charge la gestion bienfaisante du monde, pour se retrouver dans un tout autre statut : créature (toujours divine, ceci ne changera pas) devenu dépendante du monde, devant le conquérir pour s’affranchir le plus possible de la nécessité. L’homme en se coupant du divin, a perdu sa nécessité vis-à-vis de Dieu pour gagner celle vis-à-vis du monde. Le serpent nous a profondément dupé.

Devant cette nécessité, l’homme a voulu oublier la souffrance et le néant qu’elle suppose. L’économie est le moyen pour lui de masquer sa terrible condition. Chacun de ses besoins trouve au final aujourd’hui un développement économique : les vêtements pour le froid, les habitations pour le climat, l’agriculture pour son alimentation, les loisirs pour son néant intérieur, etc. Mais après tous les mensonges que voudra bien se faire l’homme au travers de son développement économique, malgré le degré de confort qu’il pourra se prodiguer à lui-même, il y aura toujours la maladie et la mort pour le rappeler à sa triste et tragique condition. Cette présentation du Père Serge est une distanciation très profonde du spectacle économique. Comme l’expliquait le marxiste Guy Debord dans « la société du spectacle », le spectacle marchand est tellement massif, tellement présent que l’on a l’impression qu’il a toujours été là. En théologie on pourra dire, que ce spectacle marchand est tellement présent, qu’il montre l’importance du mensonge que l’homme se fait à lui-même. Chaque building, chaque route, chaque satellite, chaque brevet veut dire (aussi mais pas seulement) : Dieu, nous nous débrouillons très bien sans toi. C’est le subliminal de l’économie. Il faut aussi entendre les appels à la pauvreté du biblique de cette façon tout à fait évidente. La vie orthodoxe est plutôt la reconquête de notre dépendance au divin. Elle est une sortie de l’économie.