Etude canonique du concile pan-orthodoxe de 2016 en Crète

I. L’Église en tant que corps du Christ, icône de la Sainte Trinité.

1. L’Église une, sainte, catholique et apostolique est la communion divino-humaine à l’image de la sainte Trinité ; l’avant-goût et l’expérience des fins dernières vécue dans la divine Eucharistie ; la révélation de la gloire des choses à venir ; en tant que Pentecôte permanente, la voix prophétique qui ne se tait jamais dans le monde ; la présence et le témoignage du Royaume de Dieu « venu avec puissance » (Mc 9, 1). En tant que corps du Christ, l’Église « rassemble » (cf. Mt 23, 37), transfigure et alimente le monde en « eau qui devient en lui une source jaillissant en vie éternelle » (Jn 4, 14).

2. La tradition apostolique et patristique – obéissant aux paroles du Seigneur et fondateur de l’Église lors de la sainte Cène avec ses disciples, instituant le sacrement de la divine Eucharistie – a mis en relief l’attribut de l’Église en tant que « corps du Christ » (Mt 25, 26 ; Mc 14, 22 ; Lc 22, 19 ; I Co 10, 16-17 ; 11, 23-29). Elle l’associa toujours au mystère de l’Incarnation du Fils et Verbe de Dieu, du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Dans cet esprit, elle a toujours mis l’accent sur le rapport indéfectible, tant entre le mystère de la divine économie en Christ et celui de l’Église, qu’entre le mystère de l’Église et le sacrement de la divine Eucharistie assuré sans cesse dans la vie sacramentelle de l’Église par l’opération du Saint-Esprit.

L’Église orthodoxe, fidèle à cette tradition apostolique et expérience sacramentelle unanime, est la continuité authentique de l’Église une, sainte, catholique et apostolique, telle qu’elle est confessée dans le Crédo et confirmée par l’enseignement des Pères de l’Église. De la sorte, elle ressent la responsabilité majeure qui lui incombe, consistant non seulement à faire vivre au plérôme cette expérience authentique, mais aussi à donner à l’humanité le témoignage crédible de la foi.

3. Dans son unité et sa catholicité, l’Église orthodoxe est l’Église des Conciles depuis l’Assemblée des Apôtres à Jérusalem (Ac 15, 5-29). L’Église est en soi un Concile établi par le Christ et guidé par le Saint-Esprit, selon la parole apostolique « L’Esprit saint et nous-mêmes, nous avons décidé » (Ac 15, 28). Par les Conciles œcuméniques et locaux, l’Église annonça et annonce le mystère de la sainte Trinité, révélé par l’Incarnation du Fils et Verbe de Dieu. Le travail conciliaire se poursuit sans interruption dans l’histoire par les conciles plus récents possédant une autorité universelle, notamment : le Grand concile (879-880) convoqué par Photius, patriarche de Constantinople ; ceux convoqués au temps de saint Grégoire Palamas (1341, 1351, 1368), où fut confirmée la vérité de la foi, portant surtout sur la participation de l’homme aux énergies divines incréées et sur la procession du Saint-Esprit ; en outre, les saints et grands Conciles réunis à Constantinople : celui de 1484 pour réfuter le concile d’union de Florence (1438-1439) ; ceux des années 1638, 1642, 1672 et 1691 pour réfuter les thèses protestantes, ainsi que celui de 1872 pour condamner l’ethno-phylétisme comme hérésie ecclésiologique.

4. En dehors du corps du Christ « qu’est l’Église » (cf. Ep 1, 23 ; Col 2, 17) la sainteté est inconcevable. La sainteté émane de l’unique Saint ; pour l’humain il s’agit de participer à la sainteté de Dieu dans la « communion des saints », selon l’affirmation du prêtre au cours de la Divine Liturgie. Les saints Dons aux saints » – et selon la réponse des fidèles : « Un seul Saint, un seul Seigneur, Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père. Amen. » Dans cet esprit, Cyrille d’Alexandrie souligne aussi à propos du Christ : « Étant aussi lui-même Dieu par nature (…) Il est sanctifié à cause de nous en l’Esprit saint (…) Et il a fait cela à cause de nous, non pas pour Lui, afin que de Lui et par Lui, ayant le premier reçu le principe de la sanctification, la grâce de la sanctification puisse désormais passer à l’humanité… » (Commentaire sur l’évangile de saint Jean, 11. PG 74, 548).

Par conséquent, selon saint Cyrille, le Christ est notre « personne commune » par la récapitulation dans sa propre humanité de la nature humaine tout entière : « nous étions tous en Christ et la personne commune de l’humanité est régénérée en Lui » (Commentaire sur l’évangile de saint Jean, 11. PG 73, 161). C’est pourquoi il est aussi l’unique source de sanctification de l’humanité. Dans cet esprit, la sainteté est la participation de l’humanité au mystère de l’Église et aussi à ses sacrements sacrés, avec pour centre la divine Eucharistie, en tant que « sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu » (cf. Rm 12, 1). « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? Selon ce qu’il est écrit : À cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie. Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés » (Rm 8, 35-37). Les Saints incarnent l’identité eschatologique de l’Église, en tant qu’action de grâce permanente devant le Trône terrestre et céleste du Roi de gloire figurant le Royaume de Dieu.

5. L’Église orthodoxe universelle est composée de quatorze Églises autocéphales locales, reconnues au niveau panorthodoxe. Le principe d’autocéphalie ne saurait opérer au détriment du principe de catholicité et d’unité de l’Église. Nous considérons donc que la création des Assemblées épiscopales dans la Diaspora orthodoxe – composées chacune des évêques canoniques reconnus qui continuent de dépendre des juridictions canoniques dont ils relevaient jusqu’à présent – constitue un pas en avant important vers leur organisation canonique et que leur fonctionnement régulier garantit le respect du principe ecclésiologique de conciliarité.


Commentaire/Analyse

Bien que tout ce texte expose des vérités, je voudrais mettre l’accent sur celles exprimées dans les points 3,4 et 5. Le point 3 exprime une belle continuité canonique. Dans le post précédent j’exposais sommairement les sept conciles œcuméniques. C’est avec beaucoup de justesse que le concile précise que le travail canonique ne s’était pas arrêté là, mais s’était poursuivi par un autre grand concile, convoqué par le patriarche Photius. Certains voient d’ailleurs dans ce concile des éléments propres qui devraient nous conduire à la considérer comme œcuménique. On notera avec intérêt les condamnations des « hérésies protestantes » ainsi que des conciles qui tentent des unions avec les schismatiques romains sur des bases romaines. La réunion avec Rome est un impératif qui incombe… à Rome. Ce texte expose, et il faudra voir si la parole se maintient avec toujours autant de force, les protestants pour ce qu’ils sont, des hérétiques, et condamnent les tentatives d’union avec Rome qui n’ont pas de fondements théologiques sérieux.

Le point 4 précise, et c’est également très juste que la sainteté est ce qui permet d’indiquer les frontières de l’Eglise. Avec les protestants, c’est très simple, il n’y a pas de saints. D’une certaine façon, ils s’auto-excluent tout seuls de par leur vision théologique hérétique. La sainteté est une identité eschatologique que certains réalisent déjà sur terre. Le fait que les catholiques romains ou même les athées aient des gens que nous pourrons reconnaître saints d’une certaine façon doit nous amener à considérer la sainteté et les frontière de l’Eglise avec discernement. La défense de l’orthodoxie doit se faire avec justesse, et sans sottise.

Le point 5 indique, d’un point de vue « officiel », ce que sont les églises orthodoxes, églises qui partagent une même foi, n’ayant pas dévié depuis l’enseignement du Christ au collège apostolique. D’un point de vue orthodoxe, le catholicisme romain, les différents protestantismes, le nestorianisme, le monophysisme, l’iconoclasme, etc représentent tout un ensemble de déviations doctrinales plus ou moins grandes par rapport au départ. Je réitère cette précision importante, concernant les catholiques romains, qui ne sont pas en hérésie mais en schisme. Il est évident que leur ecclésiologie, leur anthropologie et leur vision de la trinité sont d’un certain point de vue hérétiques. Mais il me paraît important de séparer le sérieux romain de la bouffonnerie protestante.



Vient alors la question à priori insoluble : que penser des saints qui ne sont pas orthodoxes ? doit-on les considérer comme saints ? de la même façon, la Theotokos fait des apparitions dans des lieux non orthodoxes, tel que Lourdes. Tout ceci doit être reçu avec humilité et bienveillance. Il y a des saints qui ne sont pas orthodoxes, et des apparitions tout à fait authentiques qui ne se font pas dans des terres orthodoxes. Une fois de plus, c’est la tradition d’Israël qui va appuyer la justesse de cette vision. Les rabbins disent que celui qui ne vit pas en terre sainte, est comme s’il n’avait pas de Dieu. Ceci émane d’ailleurs d’un rabbin qui ne vivait pas en terre sainte. C’est une sentence rabbinique qui vient éclairer le fait qu’en terre sainte tout en maximisé. Il me semble que c’est pareil pour un endroit où vit la vraie orthodoxie. Un monastère russe ou moldave où est pratiquée une vraie orthopraxie et où est vécue une vraie orthodoxie est un endroit où se maximise le potentiel de la personne. Bernard de Clairvaux, dans un monastère russe aurait été encore plus flamboyant qu’il ne l’a été. C’est ainsi que nous devons le voir. Nous devons également songer au fait que Dieu envoie des personnes pour aiguiller ceux qui sont dans la nuit spirituelle. Lorsqu’Abraham va en Egypte, il fuit une famine terrestre. Mais il va surtout guérir une famine spirituelle. Lorsque la Theotokos apparaît surtout dans des terres catholiques, elle répond peut-être à un grand désarroi, induit par la théologie romaine. A quelle date de Pâque, le feu sort il du sépulcre ?