Etude canonique du concile pan-orthodoxe de 2016 en Crète

6. L’apostolat et l’annonce de l’Évangile – ou l’action missionnaire – appartiennent au noyau de l’identité de l’Église : c’est sauvegarder le commandement du Seigneur et s’y conformer : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). C’est le « souffle de vie » que l’Église dispense à la société humaine et qui ecclésialise le monde au travers de l’établissement de nouvelles Églises locales. Dans cet esprit, les croyants orthodoxes sont et doivent être des apôtres du Christ dans le monde. Cet apostolat doit s’accomplir non pas de façon agressive, mais librement, dans l’amour et le respect envers l’identité culturelle des individus et des peuples. Toutes les Églises orthodoxes doivent participer à cet effort en respectant dûment la discipline canonique. La participation à la divine Eucharistie est une source d’ardeur apostolique pour évangéliser le monde. Participant à la divine Eucharistie et priant en la sainte assemblée pour toute la terre habitée, nous sommes appelés à prolonger la « liturgie après la Divine Liturgie » ; à témoigner de la vérité de notre foi devant Dieu et les hommes ; à partager les dons de Dieu avec l’humanité tout entière ; tout cela, en obéissant au commandement clair du Seigneur avant son Ascension : « vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Les paroles prononcées avant la divine Communion – « L’Agneau de Dieu est fractionné et partagé, Il est fractionné mais non divisé, Il est toujours nourriture et ne s’épuise jamais, mais il sanctifie ceux qui y communient » – suggère que le Christ, en tant qu’ « l’agneau de Dieu » (Jn 1, 29), et en tant que « nourriture de vie » (Jn 6, 48), nous est offert comme l’amour éternel, nous unissant à Dieu et les uns aux autres. Elle nous enseigne à partager les dons de Dieu et à nous offrir nous-mêmes pour tous à la façon du Christ. La vie des chrétiens est un témoignage irréfutable du renouveau de tout en Christ : « Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là » (II Co 5, 17). C’est un appel lancé à l’humanité de participer personnellement, en toute liberté, à la vie éternelle, à la grâce de notre Seigneur Jésus Christ et à l’amour de Dieu le Père, pour vivre dans l’Église la communion du Saint-Esprit : « Voulant le mystère du salut de plein gré et non pas de force » (Maxime le Confesseur, PG 90, 880). La réévangélisation du peuple de Dieu dans les sociétés contemporaines sécularisées, ainsi que l’évangélisation de ceux qui n’ont pas encore connu le Christ, est pour l’Église un devoir ininterrompu.


Commentaire/Analyse

Pour des non orthodoxes, le sens de ce titre est ambigu : « mission de l’Eglise dans le monde » peut signifier « but de l’Eglise dans le monde », car mission est parfois synonyme de but. Mais ici, il s’agit bel et bien, et la suite du texte le confirme, de la mission au sens missionnaire, c’est-à-dire du fait d’amener le monde entier au baptême. Et le texte rappelle avec justesse ce que beaucoup oublient parfois : après le baptême, nous avons tous revêtus le vêtement d’apôtre. Oh bien sûr, pas des apôtres comme le collège apostolique élu par le Christ en personne, mais d’un apostolat à la mesure de chacun.



L’encyclique précise que cette mission doit se faire dans la charité, l’amour et le respect. Une image me vient immédiatement : les Témoins de J. On pourrait avoir la sensation qu’ils sont très actifs, très efficaces, très déterminés. Les trois sont probablement vrais. Mais ils passent pour les plus grands emmerd… que la terre ait portés lorsqu’ils viennent sonner à votre porte. Il est donc finalement très contreproductif de réaliser la mission de cette façon. Mais alors comment faire de la mission ?



Le livre qui décrit la mission de l’Eglise primitive est celui des Actes des Apôtres. Ce n’est bien sûr pas son unique objet, mais il montre bien cet aspect des choses. La question sera : peut-on appliquer simplement ce qui y est décrit, ou devons-nous réaliser un certain nombre d’adaptations relativement à notre époque ? Les deux ! Mais nous devons être très sensibles aux deux faits marquants pointés par l’encyclique : notre mission doit s’enraciner dans une vie liturgique véritable, profonde. Et surtout, le meilleur argumentaire de la mission, ce sera nous. Chacun d’entre nous. Nous serons en même temps les pires contre-exemples et parfois même des sources de scandale lorsque nous donnerons par nos mauvaises actions une piètre image de l’orthodoxie. Mais si nous agissons bien, et que nous suscitons par l’exemple une jalousie bien orientée, alors nous aurons peut-être gagné une sœur, un frère. Mais ceci ne tombe pas du ciel (uniquement). Dieu envoie sa semence dans la terre. Mais la terre, c’est nous, et nous devons donc préparer une terre qui puisse accueillir favorablement cette parole. La formation théologique est vitale pour cela. Les paroisses doivent dispenser une liturgie dans la langue vernaculaire avec une musique traditionnelle et merveilleuse. Nous en sommes loin. Les diasporas doivent profiter de leur présence dans des lieux non orthodoxes pour propager l’orthodoxie. Nous en sommes loin. Les fidèles et pas seulement les prêtres devraient être pétris des Pères de l’Eglise. Nous en sommes loin. La Bible devrait être connue aussi bien que les œuvres profanes les plus populaires. Nous en sommes loin. La tâche est donc immense. Ce blog pourra aider, modestement…