Etude canonique du concile pan-orthodoxe de 2016 en Crète

7. L’Église orthodoxe considère l’union indéfectible liant l’homme à la femme dans l’amour comme un « grand mystère?… du Christ et de l’Église » (Ep 5, 32) et elle s’intéresse à la famille qui en résulte. C’est la seule garantie pour la naissance et l’éducation d’enfants selon le plan de la divine économie en tant que « petite Église » (Saint Jean Chrysostome, Commentaire sur l’épître aux Éphésiens, 20, PG 62, 143), lui apportant le soutien pastoral nécessaire.

La crise contemporaine du mariage et de la famille est issue de la crise de la liberté qui est réduite à une réalisation du soi vouée à la poursuite du bonheur ; qui est assimilée à une fatuité, autarcie et autonomie individuelle ; qui entraîne la perte du caractère sacramentel de l’union de l’homme et de la femme ; et qui oublie l’éthos sacrificiel de l’amour. La société sécularisée de nos jours aborde le mariage sur des critères purement sociologiques et pragmatiques, considérant celui-ci comme une simple forme de relation, parmi tant d’autres, revendiquant un droit égal à bénéficier d’une garantie institutionnelle.

Le mariage est un atelier de vie dans l’amour nourri par l’Église et un don incomparable de la grâce de Dieu. La « main puissante » du Dieu « unificateur » « invisiblement présent unit les conjoints » au Christ et l’un à l’autre. Les couronnes posées sur la tête des époux lors de la célébration du sacrement font référence au sacrifice et au dévouement à Dieu et à celui des époux entre eux. Elles suggèrent aussi la vie du Royaume de Dieu, révélant la référence eschatologique du mystère de l’amour.

8. Le saint et grand Concile s’adresse avec un amour et tendresse particulier aux enfants et à tous les jeunes. Parmi les multiples définitions contradictoires à propos de l’enfance, notre très-sainte Église souligne les paroles de notre Seigneur « si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » (Mt 18, 3) et « qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera point » (Lc 18, 17), de même que notre Sauveur le dit à propos de ceux qui « empêchent » (cf. Lc 18, 16) les enfants de venir à Sa suite et de ceux qui les « scandalisent » (Mt 18, 6).

L’Église n’offre pas à la jeunesse seulement de « l’aide », mais la « vérité », celle de la vie nouvelle divino-humaine en Christ. La jeunesse orthodoxe doit prendre conscience qu’elle est porteuse d’une tradition de l’Église orthodoxe multiséculaire et bénie et en même temps la continuatrice de cette tradition qu’il faut préserver avec courage et cultiver avec force les valeurs éternelles de l’Orthodoxie, pour rendre un témoignage chrétien vivifiant. De cette jeunesse sortiront les futurs serviteurs de l’Église du Christ. Ainsi, les jeunes ne sont pas uniquement le «?futur?» de l’Église, mais aussi l’expression active de sa vie au service de l’homme et de Dieu dans le présent.


Commentaire/Analyse




L’encyclique aborde la famille sous la forme de deux sous-chapitres dédiés respectivement au mariage et aux enfants. Si le paragraphe dédié au mariage est plutôt bon, celui sur les enfants est un peu maladroit. Cela n’altère pas le fait que celui dédié au mariage aurait pu être plus affirmatif et plus viril. En effet “La crise contemporaine du mariage et de la famille est issue de la crise de la liberté qui est réduite à une réalisation du soi vouée à la poursuite du bonheur” démontre une certaine perspicacité dans l’analyse, mais tout n’est pas dit ici. Dans les années 1970, les homosexuels considéraient avec dédain l’institution du mariage, considérée comme bourgeoise. Il y avait probablement un vernis marxiste qui venait colorer cette position. Aujourd’hui, les homosexuels, ou plutôt ceux qui estiment être les représentants de cette communauté revendiquent l’accès au mariage. Précisons déja que l’appelation “homosexuel” est délicate à qualifier, puisqu’on ne peut pas définir quelqu’un de par son orientation sexuelle, ceci ne consitutant pas un facteur suffisament discriminant. Ce que je veux dire par là, ce n’est pas nier l’homosexualité qui existe bel et bien, mais plutôt la représentativité et la légitimité des soi-disant représentants qui réclament ce droit au nom des autres. Les organisations qui demandent l’accès au mariage sont une escroquerie ontologique. Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de recensement via l’orientation sexuelle, ni d’élection de représentants. La demande est donc par nature illégitime dans le fait d’émaner “des homosexuels”. Elle ouvre aujourd’hui des problèmes terribles sur la filiation et l’éducation, et au “droit” des homosexuels à se marier se heurte maintenant le “droit” des enfants à être élevés par un couple des deux sexes, suivant le modèle naturel. Et ce sur quoi le concile reste muet, c’est la nature même de la demande, une fois évacuée la notion grotesque de “communauté homosexuelle” : le mariage homosexuel a-t-il un sens ? Arriverons nous un jour à un couple homosexuel qui fera un procès à une église car elle refuse de les marier et de leur donner le sacrement auxquels ils estimeraient avoir droit ? En cela, la rédaction du paragraphe manque d’un rappel qui a pu sembler être un truisme aux évêques assemblés, mais qui aurait néanmoins du être fait : le mariage est un sacrement et ne saurait être donné à un couple qui ne soit formé d’un homme et d’une femme. La sacramentalité s’exerce justement sur l’union des contraires, et sur le miracle que constitue le fait que cette union puisse perdurer, malgré cette opposition des contraires. L’union de deux semblables est justement en contradiction avec le plan divin, qui demande une union des altérités. C’est en cela, que l’homosexualité est un péché immense, car elle est amour du même, alors que l’hétérosexualité est l’amour de l’autre. En hébreu, le ciel est écrit שָּׁמַ֖יִם (shamayim en translittéré). Les commentateurs attentifs à l’étymologie font remarquer qu’il s’agit de la réunion improbable de l’eau (mayim) : מָּֽיִם et du feu (èsh) : אֵ֑שׁ. Dieu, a fait un ciel qui est composé de deux choses à priori inconciliables : l’eau et le feu. Ainsi il demande à l’homme et à la femme de réaliser une tâche très compliquée : leur union, mais qui constitue une élévation. Avec tous ces éléments, on aurait préféré une encyclique plus affirmative sur le mariage, car c’est un des points sur lesquels les attaques sont les plus violentes.



Passons à un paragraphe encore plus maladroit : celui sur les enfants. Il y a une intelligence à passer du mariage à l’enfant, car c’est également l’agenda des forces obscures. Les deux premières citations évangéliques sont très mal choisies, car elles sont un appel du Christ aux hommes à garder un coeur enfantin en ce qui concerne le Royaume. Il faudra savoir baisser la carapace, fendre l’armure. Ce qui est évoqué par le Christ ici, c’est l’innocence avec laquelle les enfants accueillent ce qu’on leur dit lorsqu’ils sont justement enfants. La plupart des parents jouent le jeu en ce qui concerne le Père Noël, car ils savent que l’enfant dans un premier temps ne remettra pas en cause cette histoire improbable de vieux barbu qui donne des cadeaux aux enfants une fois chaque année. Puis lorsque l’enfant grandit, il comprend la supercherie, mais l’accepte bien volontiers, surtout si les cadeaux continuent d’arriver avec la même fréquence. C’est cette innocence première que le Christ nous demande de retrouver. Cela pourra sembler aux athées et aux rationalistes une invitation à ne pas penser. En un certain sens on pourrait le prendre ainsi, mais ce qui est mis en exergue ici c’est de retrouver la pureté des sentiments qu’a un enfant. Ce que dit le Christ, c’est qu’en grandissant, nous gagnons des choses, mais ce gain s’accompagne d’une perte. Il faut annuler la perte qui a accompagné notre croissance vers l’âge adulte. Il n’est donc pas question ici des enfants en tant que tel, mais d’un appel à un autre comportement pour les adultes. C’est en cela que le choix des versets est assez maladroit : il tape à côté. Ce que l’on attendait vis à vis des enfants, c’est un appel à la responsabilité sur l’état du monde et l’état de l’Église, car c’est eux qui vont hériter de ce que nous aurons laissé. Pas un mot n’est dit sur le fait qu’ils aient le droit d’être élevés par un homme et une femme, dans la foulée du paragraphe précédent. Ce silence ne cesse de me questionner…