Etude canonique du concile pan-orthodoxe de 2016 en Crète

9. De nos jours, le domaine de la formation et de l’éducation est secoué par d’âpres controverses concernant, non seulement le contenu et les buts de l’éducation, mais aussi la nouvelle perception de l’enfance, du rôle de l’enseignant et de l’élève, ainsi que celui de l’école moderne. Étant donné que l’éducation concerne non pas simplement ce qu’est l’homme, mais ce qu’il doit être, ainsi que la mesure de sa responsabilité, il est évident que l’image que nous nous faisons de l’homme et du sens de son existence détermine aussi notre point de vue concernant son éducation. Individualiste, sécularisé et à la seule recherche du bonheur, le système éducatif dominant aujourd’hui, dont la nouvelle génération fait les frais, préoccupe aussi l’Église orthodoxe

L’éducation occupe le centre de la sollicitude pastorale de l’Église en vue non seulement de la culture intellectuelle, mais aussi de l’édification et du développement de l’être humain dans son ensemble en tant qu’entité psychosomatique et spirituelle, selon la question à trois volets : Dieu, homme, monde. Dans son discours catéchétique, l’Église orthodoxe appelle affectueusement le peuple de Dieu, la jeunesse notamment, à la participation consciente et active à la vie de l’Église, en cultivant chez elle «?l’aspiration parfaite?» à la vie en Christ. Ainsi, le plérôme chrétien trouve dans la communion divino-humaine de l’Église un soutien existentiel, pour y vivre la perspective pascale de la déification par grâce.


Commentaire/Analyse




Une approche encore une fois très prudente, et pourrait-on dire absolument pas à la hauteur de la problématique. L’approche du concile est d’avoir l’Eglise comme un appendice à ce qui en donné dans l’école. Le partage semble être le suivant : les connaissances dans l’école, et la spiritualité à l’Eglise, le dimanche. Mais on ne fait pas du Christ le centre de sa vie, en Lui donnant une place subalterne dans l’emploi du temps. Si le milieu professionnel ne pourra jamais être chrétien en tant que tel, il en est tout autrement du milieu scolaire. Il faut savoir observer les expériences des autres courants religieux, et deux sont très inspirantes : les écoles des catholiques sédévacantistes (ne reconnaissant pas le concile romain Vatican II) et les écoles juives. Je ne place pas les écoles catholiques dans cette énumération de ce qui fonctionne bien, et ceci volontairement, car le créneau de ces écoles est une meilleure qualité scolaire, sans que la dimension religieuse soit véritablement première. Ces deux communautés religieuses courageuses et organisées ont répondu de façon semblable à ce double problème :

  • comment conserver notre particularisme, notre identité religieuse dans cette sécularisation agressive ?
  • comment offrir à nos enfants un enseignement de qualité dans le désastre absolu de l'école ?

(je raisonne ici en tant que français, ce qui peut expliquer l’attitude du concile, où la France en tant que telle, n’était pas “représentée”, et la situation scolaire dramatique que nous avons en France n’est peut-être pas celle de tous les pays orthodoxes)

La réponse est évidente : créer nos propres écoles, en dehors du “système” de l’éducation nationale. Ainsi, nous sortons des problématiques récentes de type “théorie du genre” : nos enfants ne seraient pas exposés à ce genre de folie et nous aurions des pratiques pédagogiques bien plus efficaces. L’analyse du concile est donc la bonne, mais il y a une forme d’impuissance dans la réponse qui est préocuppante. A minima, pour l’instant, il faudra créer dans les universités, pour les étudiants orthodoxes, des petits groupes pour favoriser la rencontre, la catéchèse. L’important est de savoir que nous ne sommes pas seuls, de réunir les forces, et de faire vivre ces groupes. Si l’on peut favoriser des unions à l’intérieur du monde orthodoxe (et ainsi résoudre sponténament le problème des mariages mixtes) et renforcer la foi des orthodoxes face à une université d’un athéisme morbide et militant, nous aurons déjà fait un progrès. Mais il faudra une prise de conscience au niveau de l’Eglise pour aller vers des écoles orthodoxes. Imagine-t-on la puissance d’un lieu qui réunirait une vie liturgique et académique de qualité ?