Etude canonique du concile pan-orthodoxe de 2016 en Crète

13. Dans une société mondiale axée sur l’ « avoir » et l’individualisme, l’Église orthodoxe universelle propose la vérité de la vie en Christ et selon Christ, librement incarnée dans la vie quotidienne de chaque être humain par son travail accompli « jusqu’au soir » (Ps 103, 23) moyennant lequel celui-ci devient collaborateur du Père éternel – « car nous travaillons ensemble à l’oeuvre de Dieu » (I Co 3, 9) – et de Son Fils [« Mon Père, jusqu’à présent, est à l’oeuvre et moi aussi je suis à l’oeuvre » (Jn 5, 17)]. La grâce de Dieu sanctifie tous les ouvrages de l’homme coopérant avec Dieu, relevant en eux l’affirmation de la vie et communion humaine. Dans ce contexte est aussi placée l’ascèse chrétienne, radicalement différente de tout ascétisme dual qui isole l’humain de la société et de son prochain. L’ascèse chrétienne et la tempérance, qui relient l’homme à la vie sacramentelle de l’Église, ne concernent pas uniquement la vie monastique, mais ce sont des attributs de la vie ecclésiale dans toutes ses manifestations, un témoignage tangible de la présence de l’esprit eschatologique dans l’existence bénie des fidèles orthodoxes.

14. Les racines de la crise écologique sont spirituelles et morales. Elles sont inscrites dans le coeur de chaque être humain. Au cours des derniers siècles, cette crise s’aggrave à cause de nombreux clivages générés par les passions humaines, telles que la convoitise, l’avidité, la cupidité, l’égoïsme, l’esprit de prédation et leurs retombées sur la planète comme le changement climatique qui d’ores et déjà menace sérieusement l’environnement naturel, notre « maison » commune. La rupture du rapport liant l’homme à la nature est une aberration par rapport au véritable usage de la création de Dieu. Pour résoudre le problème écologique sur la base des principes de la tradition chrétienne, il faut non seulement faire pénitence pour le péché d’exploiter à outrance les ressources naturelles de la planète, c’est-à-dire changer radicalement de mentalité, mais aussi pratiquer l’ascèse comme antidote au consumérisme, au culte des besoins et au sentiment de possession. Cela présuppose aussi l’immense responsabilité qui nous incombe de léguer aux générations futures un environnement naturel viable et son usage conforme à la volonté et à la bénédiction de Dieu. Dans les sacrements la création est affirmée et l’homme est encouragé à agir en économe, gardien et « officiant » de celle-ci, la présentant au Créateur comme une action de grâce – « Ce qui est à toi, le tenant de toi, nous te l’offrons en tout et pour tout » – et cultivant un rapport eucharistique à la création. Cette approche orthodoxe évangélique et patristique attire aussi notre attention sur les aspects sociaux et les retombées tragiques que représente la destruction de l’environnement naturel.


Commentaire/Analyse




Après un nécessaire rappel du fait que l’ascèse est une discipline non pas individuelle mais bien relationnelle, et donc hypostatique (c’est-à-dire que l’ascèse est une façon d’envisager la relation à l’autre), l’encyclique aborde la problématique écologique. En cela l’Eglise montre qu’elle s’adresse à un monde qu’elle a décrypté et percé à jour. Elle en expose le pourquoi profond : « les racines de la crise écologique sont spirituelles et morales ». Ainsi se trouve manifesté l’enseignement biblique qu’on trouve dans la Genèse : lorsque l’homme se détourne de sa mission divine, les catastrophes naturelles le condamnent et détruisent son monde. C’est très exactement ce que nous sommes en train de vivre.

Pourtant, la crise écologique est très récente, et l’homme n’a jamais mis en danger la planète dans le passé. D’ailleurs le danger concerne davantage l’homme que la planète, et si nous disparaissions, engloutis par notre propre folie, nous n’engloutirions que nous-même, et pas la planète, qui s’en tirerait très bien sans nous… L’encyclique va dans les paragraphes suivant aborder les problématiques économiques avec un phénomène qu’elle condamne en le nommant globalisation. Nous voyons donc que les rédacteurs de ce document ont parfaitement compris que cette crise spirituelle trouve son origine dans une politique économique particulière. Ce ne sont pas les pygmées qui créent cette crise. C’est bel et bien cette globalisation. Et là, on pourra regretter une certaine tiédeur dans la déclaration, tiédeur tout à fait étrangère à l’Evangile. En effet, le Christ a toujours un discours d’une vérité radicale, quel qu’en soit le prix et il a condamné sans ambiguïté les richesses qui ne manifestaient pas l’amour, et les riches qui ne s’inscrivaient pas dans le don.



Ainsi ce n’est pas faire un saut quantique que de dire que le Christ aujourd’hui condamnerait avec la même puissance tout ce qui participe de cette maudite globalisation : libéralisme économique, capitalisme, société de marché, croissance, système bancaire, etc. Les Etats-Unis d’Amérique sont aujourd’hui le plus gros problème qui soit posé au monde. La façon de vivre de ce pays, et le mode de vie qui en découle en Europe ou en Chine mène le monde à sa perte. Il faudra bien qu’un jour ceci cesse. Cela cessera soit dans l’ascèse, soit dans le drame. Il manque à l’encyclique, mais ce n’était pas le lieu pour le rajouter, une analyse théologique sur le pourquoi du capitalisme. La réponse vient des hérésies protestantes. Il n’est donc pas étonnant de voir que les pays protestants sont les fers de lance de ce qui mène le monde à sa perte. L’hérétique Calvin croyait que la richesse était un moyen d’affirmer la bénédiction divine. La stupidité de cette lecture n’est pas seulement confondante, mais on voit la dérive qu’elle entraine si un continent entier se tourne vers une insatiable acquisition de richesses. Calvin va donc entrainer les gens à accumuler, bafouant un Christ qui entraine à donner. Ceci nous enseigne que l’hérésie n’est pas seulement une erreur conceptuelle qui nous voile une juste représentation du Christ, mais c’est aussi parfois un danger bien concret pour le monde. Nous devrions nous en souvenir, lorsque nous nous inscrivons bien naïvement dans ces inutiles et condamnables manifestations œcuméniques. Nos Saints Pères nous ont canoniquement interdit de prier avec les hérétiques. Cette ascèse de la relation dans l’amour que peut être l’absence, peut parfois être plus salutaire qu’une présence convenue ou diplomatique. Ainsi, plutôt que de participer à ces inutiles assemblées de prières pour l’unité des chrétiens, sanctifions le temps en nous émerveillant de la poésie de la nature.