Etude canonique du concile pan-orthodoxe de 2016 en Crète

Texte officiel : Règlement de fonctionnement des Assemblées épiscopales dans la Diaspora orthodoxe

Article 1.
1. Tous les évêques orthodoxes de chaque région, parmi celles qui ont été définies par le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe, qui se trouvent en communion canonique avec toutes les saintes Églises orthodoxes autocéphales locales se constituent en Assemblée Épiscopale.
2. Sont également membres de l’Assemblée Épiscopale ceux des évêques orthodoxes qui ne résident pas dans la région mais qui exercent un service pastoral sur des paroisses de la région.
3. Les évêques à la retraite et en visite dans la Région, dès lors qu’ils remplissent les conditions du paragraphe (1), peuvent être invités à participer à l’Assemblée mais sans droit de vote.

Article 2.
Le but de l’Assemblée Épiscopale est de manifester l’unité de l’Église orthodoxe, de promouvoir la collaboration entre les Églises dans tous les domaines de la pastorale et de maintenir, préserver et développer les intérêts des communautés relevant des évêques orthodoxes canoniques de la Région.

Article 3.
L’Assemblée Épiscopale aura un Comité Exécutif formé des premiers évêques des chacune des Églises canoniques de la Région.

Article 4.
1. L’Assemblée Épiscopale et son Comité Exécutif auront un Président, un ou deux Vice-Présidents, un Secrétaire et un Trésorier, et toutes autres charges que l’Assemblée peut désigner.
2. Le Président est d’office le premier parmi les prélats du Patriarcat oecuménique et, en l’absence de celui-ci, selon l’ordre des diptyques. Le Président de l’Assemblée Épiscopale convoque les réunions de celle-ci, dirige ses travaux et préside les concélébrations. Concernant les questions, qui ont été débattues en cours de réunion de l’Assemblée Épiscopale et sur lesquelles une décision unanime a été obtenue, le Président (ou un autre membre de l’Assemblée Épiscopale que celui-ci aura désigné), présente devant l’Etat, la société et les autres organismes religieux, la position commune de l’Église orthodoxe de la région.
3. Le ou les Vice-Président (s) sont désignés d’office, parmi les évêques membres des Assemblées, relevant des Églises qui suivent immédiatement, conformément à l’ordre des Diptyques. Les Secrétaire, Trésorier et autres responsables sont élus par l’Assemblée, et peuvent ne pas avoir le rang d’évêque.
Article 5.
1. Les compétences de l’Assemblée Épiscopale sont :
a. Veiller et contribuer au maintien de l’unité de l’Église orthodoxe de la Région dans ses engagements théologiques, ecclésiologiques, canoniques, spirituels, caritatifs, éducatifs et missionnaires.
b. La coordination et l’impulsion des activités d’intérêt commun dans les domaines de la pastorale, de la catéchèse, de la vie liturgique, des éditions religieuses, des médias, de l’éducation ecclésiastique, etc.
c. Les relations avec les hétérodoxes et les adeptes d’autres religions.
d. Tout ce qui engage l’Église orthodoxe dans ses relations avec la société et les pouvoirs publics.
e. La préparation d’un projet d’organisation des orthodoxes de la Région sur une base canonique.
2. La définition du champ des compétences ne devrait en aucun cas interférer avec la responsabilité diocésaine de chaque évêque ni limiter les droits de l’Église de celui-ci, y compris les relations de cette Église avec les organismes internationaux, les pouvoirs publics, la société civile, les médias, les autres confessions, les organismes nationaux et interconfessionnels, ainsi qu’avec les autres religions.
Sur des questions linguistiques, éducatives et pastorales précises d’une Église, l’Assemblée Épiscopale peut collaborer aussi avec l’autorité ecclésiastique de ladite Église, de sorte que la diversité des traditions nationales confirme l’unité de l’Orthodoxie dans la communion de la foi et le lien de l’amour.
Article 6.
1. L’Assemblée Épiscopale reçoit et enregistre l’élection des évêques de la Région, ainsi que leur référence aux saintes Églises orthodoxes autocéphales.
2. Elle examine et détermine le statut canonique des communautés locales de la Région qui n’ont pas de référence aux très saintes Églises orthodoxes autocéphales.
3. Elle doit enregistrer tout jugement relatif à des clercs, prononcé par leurs évêques afin que ce jugement soit effectif parmi toutes les Églises orthodoxes de la Région.
Article 7.
1. L’Assemblée Épiscopale se réunit une fois par an, au moins, sur convocation du Président. Elle peut se réunir autant de fois que cela est jugé nécessaire par le Comité Exécutif ou à la demande écrite et motivée du tiers des membres de l’Assemblée.
2. Le Comité Exécutif se réunit une fois tous les trois mois et chaque fois que nécessaire sur convocation du Président ou à la demande écrite et motivée du tiers de ses membres.
3. Les convocations à l’Assemblée, en l’absence de circonstances exceptionnelles, sont envoyées deux mois à l’avance et pour le Comité Exécutif, une semaine à l’avance. Elles sont accompagnées de l’ordre du jour et des documents y afférents.
4. L’ordre du jour doit être approuvé à la première session de l’Assemblée et ne doit être modifié que par une décision prise à la majorité absolue des membres présents.
Article 8.
Le quorum nécessaire pour le Comité Exécutif est de 2/3 des membres et pour l’Assemblée la majorité absolue des membres, le Président y compris.
Article 9.
Les travaux de l’Assemblée Épiscopale se déroulent conformément aux principes de la tradition conciliaire orthodoxe sous la direction du Président qui assume aussi la responsabilité de superviser l’exécution des décisions.
Article 10.
1. Les décisions de l’Assemblée Épiscopale sont prises à l’unanimité.
2. Quant aux questions d’intérêt commun qui, de l’avis de l’Assemblée Épiscopale, nécessitent d’être examinées à l’échelon panorthodoxe, le président de celle-ci se réfère au Patriarche oecuménique pour que suite soit donnée selon la pratique panorthodoxe en vigueur.
Article 11.
1. Sur décision de l’Assemblée Épiscopale, des Commissions présidées par un évêque-membre de l’Assemblée peuvent être établies, chargées de la mission et des questions liturgiques, pastorales, financières, éducatives, oecuméniques et autres.
2. Les membres de ces Commissions, clercs ou laïcs, sont nommés par le Comité Exécutif. Par ailleurs, des conseillers et des experts peuvent être invités à participer à l’Assemblée ou au Comité Exécutif sans droit de vote.
Article 12.
1. L’Assemblée Épiscopale peut établir son propre Règlement intérieur en vue de compléter et adapter les dispositions ci-dessus, selon les besoins de la Région et dans le respect du droit canon de l’Église orthodoxe.
2. Toutes les questions juridiques et financières relatives au fonctionnement de l’Assemblée sont décidées à la lumière des lois civiles des pays de la Région dans laquelle les membres de l’Assemblée exercent leur juridiction.
Article 13.
La constitution d’une nouvelle Assemblée Épiscopale, le fractionnement ou l’abolition d’une Assemblée Épiscopale existante ou la fusion de deux ou plusieurs de ces Assemblées ne se fait que suite à la décision prise par la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes à la demande d’une Église ou du Président d’une Assemblée Épiscopale adressée au Patriarche oecuménique.



Commentaire/Analyse




Il n’y a pas grand-chose à commenter en tant que tel dans ce règlement administratif, mias profitons en pour expliciter ce qui est décrit comme « Le Président est d’office le premier parmi les prélats du Patriarcat œcuménique et, en l’absence de celui-ci, selon l’ordre des diptyques ». Le patriarcat œcuménique désigne le patriarcat de Constantinople, et les diptyques sont les papiers dans lesquels le clergé orthodoxe commémore les vivants, les morts et les malades. Les noms qui figurent ou ne figurent pas sur ce papier indiquent donc avec qui le prêtre est (et donc par extension n’est pas) en communion. Le fait de mentionner, dans les diptyques des lieux importants comme les cathédrales et basiliques, un patriarche d’un autre patriarcat permet donc de définir le statut de communion de foi. Ainsi, le patriarche de Rome n’est plus nommé depuis 1054. L’ordre dans lequel les patriarches sont nommés est nommé « ordre des diptyques ». Ce rang correspond à l’ordre d’importance dans les Églises orthodoxes. Cet ordre est à relativiser, puisque toutes les Églises sont égales entre elles. C’est la notion antinomique de « premier parmi les égaux ». Le premier est à la fois premier et un parmi les autres. Il a préséance de discours sur les autres. Il jouit d’une préséance d’autorité et non de pouvoir. La dérive autocratique romaine devrait permettre de contrer le penchant naturel de la primauté d’autorité a devenir primauté de pouvoir avec les conséquences juridictionnelles désastreuses que l’on a pu constater à Rome.

C’est aujourd’hui Constantinople qui jouit de cette primauté d’honneur et d’autorité. Elle en jouit pour deux mauvaises raisons, et il faut comprendre que cette situation est d’une certaine façon anormale. La première raison est le schisme avec Rome. Si Rome était restée orthodoxe, si elle n’avait pas choisi son chemin solitaire de pouvoir et qu’elle avait gardé intacte le dépôt de la foi orthodoxe, alors Rome aurait la place qui revient aujourd’hui à Constantinople. Deuxième raison, l’Église ne prend pas en compte la dynamique issue du canon 28 du Concile de Chalcédoine, 451, qui dit « Suivant en tout les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l’ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mus par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l’empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l’ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu’elle dans les affaires d’Église, tout en étant la seconde après elle ; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l’Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l’Église de Constantinople ; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d’être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l’évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci. »

Ce canon n’a jamais été accepté par Rome, mais le sujet n’est pas là. Car toute l’orthodoxie reconnaît ce canon comme authentique. Que dit le canon ? Que la dynamique politique liée à l’empire romain donne un rang sans tenir compte de l’histoire. En effet, il ne s’est rien passé en terme d’histoire sainte à Constantinople. Autant, on peut dire que Pierre, Paul et d’innombrables autres martyrs sont morts à Rome, mais le canon explique que Rome est Rome parce que siège de l’empire, lieu du pouvoir impérial. Comme le pouvoir passe en partie à Constantinople (l’empire romain d’occident n’est pas encore effondré à cette époque), que l’empereur y réside, y dirige l’empire romain d’orient, alors Constantinople devient patriarcat, second après Rome. Devant Antioche, Alexandrie ou Jérusalem. Donc, dans la conscience millénaire de l’Église, les patriarcats sont situés dans les villes importantes de l’histoire sainte (sinon comment explique le patriarcat de Jérusalem ?) et dans les villes qui sont les sièges du pouvoir politique dominant de l’époque. Constantinople répond-elle à un de ces deux critères ? Nullement. Elle n’a pas de lien historique avec le Christ, et plus aucune dynamique historique. L’histoire aujourd’hui s’écrit à Moscou. Dans la logique du concile de Chalcédoine, c’est Moscou qui devrait être première. Je le dis d’autant plus facilement, que je dépends personnellement de Bucarest, et donc d’un pays qui est plutôt mineur en terme de pouvoir mondial. Le peuple roumain s’illustre de bien des façons, mais pas dans la géopolitique.

Donc, Constantinople est un patriarcat qui jouit d’une autorité liée à la fameuse pesanteur orthodoxe. Sa faiblesse démontre aussi quelque chose du Christianisme. En étant rien politiquement, militairement, elle témoigne de quelque chose du monde chrétien. Mais dans la convocation de ce concile inutile, et dans les récentes déclarations (sur l’autocéphalie ukrainienne), il y a quelques choses qui ne va pas à Constantinople. Ceci ajouté à l’histoire de l’Église, nous ne pouvons que constater et déplorer un « problème Constantinople ».