texte original

Περσέων μέν νυν οἱ λόγιοι Φοίνικας αἰτίους φασὶ γενέσθαι τῆς διαφορῆς. τούτους γὰρ ἀπὸ τῆς Ἐρυθρῆς καλεομένης θαλάσσης ἀπικομένους ἐπὶ τήνδε τὴν θάλασσαν, καὶ οἰκήσαντας τοῦτον τὸν χῶρον τὸν καὶ νῦν οἰκέουσι, αὐτίκα ναυτιλίῃσι μακρῇσι ἐπιθέσθαι, ἀπαγινέοντας δὲ φορτία Αἰγύπτιά τε καὶ Ἀσσύρια τῇ τε ἄλλῃ ἐσαπικνέεσθαι καὶ δὴ καὶ ἐς Ἄργος.

traduction proposée

Les érudits perses disent que la cause de la dispute venait des phéniciens. Ceux-ci (disent-ils), sont arrivés de la mer qu’on appelle rouge vers cette mer (la méditerranée), et s’étant installés dans le pays qu’ils occupent encore maintenant, ils ont mis en place de longues expéditions maritimes, transportant des marchandises égyptiennes ou assyriennes, ils parvinrent ainsi à Argos.



Commentaire/Analyse





En lisant le grec d’Hérodote, on voit qu’il n’y a pas le mot pour mer Méditerranée. Il dit simplement « cette mer ». La plupart des traducteurs d’Hérodote n’ont pas la même volonté littérale que la traduction que je propose et insère directement le nom de la mer à laquelle Hérodote faisait référence. Ainsi Henry Cary note « they having migrated from that which is called the red sea to the Mediterranean », Giguet propose « Après avoir quitté les bords de la mer Rouge pour ceux de la Méditerranée », Beloe et Godley, quant à eux, ne mentionnent pas la Méditerranée. On voit ici que pour Hérodote, “LA mer” est la Méditerranée. Il faut toujours prendre en compte la vision du monde de l’auteur pour le traduire correctement, ou en tout cas le comprendre correctement…

Question qui émerge tout de suite : quelle mer rouge ? La question peut paraître saugrenue. Je la reformule… Sommes nous certains que la mer rouge que nous désignons ainsi aujourd’hui est bien celle dont parle Hérodote ici ? Je rappelle qu’aujourd’hui, la « mer rouge » désigne la mer qui sépare le continent africain de la péninsule arabique. Cette mer est d’une importance première pour le biblique, puisque c’est cette mer que traverse Moïse et le peuple hébreu en fuyant devant Pharaon, ainsi que le relate le livre de l’Exode. Est-ce de cette mer dont parle Hérodote ?





Voltaire, visiblement médiocre en grec, comprenait que la migration avait eu lieu par la mer, et trouvait cette idée d’Hérodote ridicule. Il est donc plaisant aujourd’hui de montrer la stupidité de ce marchand d’esclaves. En effet, Hérodote lui-même au chapitre 89 de son livre 7 précise : « Ces phéniciens habitaient jadis, comme ils le rapportent, les bords de la mer rouge ; de là ils vinrent en Syrie et s’établirent sur les côtes : toute cette partie de la Syrie jusqu’à L’Égypte s’appelle Palestine ». Ainsi, les phéniciens, bien que grand peuple de commerçants par voie maritime, sont venus très probablement par voie terrestre. C’est en tout cas le consensus historique, contre Voltaire. Deuxièmement, et c’est là l’important, lorsque nous lisons de la littérature grecque antique mentionnant la « mer rouge », Hérodote désigne ici en fait le Golfe Persique, donc pour nous modernes, la mer qui sépare la péninsule arabique de l’Iran. Strabon rapporte la même origine persique pour les phéniciens dans ses œuvres. Que conclure de tout cela ? Voltaire était un idiot, et ceci nous le savions avant même d’écrire de billet, mais c’est toujours plaisant de rappeler ces évidences. Mais surtout, lorsque nous lisons « mer rouge », selon les auteurs, cela ne désigne pas la même mer. L’antiquité… c’est compliqué !!!