texte original

καί τε λοεσσάμεναι τέρενα χρόα Περμησσοῖο
ἢ Ἵππου κρήνης ἢ Ὀλμειοῦ ζαθέοιο
ἀκροτάτῳ Ἑλικῶνι χοροὺς ἐνεποιήσαντο
καλούς, ἱμερόεντας: ἐπερρώσαντο δὲ ποσσίν.

traduction très littérale

et aussi lavé la peau délicate de Permesse,
la source de l'Olmée très sacré,
elles introduisirent des danses en anneau au plus haut sommet de l'Hélicon,
des chœurs charmants, et bougèrent leurs pieds.

traduction proposée

Après le bain dans la délicate Permesse,
et la source de l'Olmée très sacré,
elles dansèrent en cercle au sommet de l'Hélicon,
séduisant par leurs pieds et par leurs chœurs.



Commentaire/Analyse





Dans l’article précédent, j’expliquais que le datif du premier mot de la Théogonie était en relation avec les muses. Le monde universitaire hellénistique semble unanimement considérer que le poète, ici Hésiode, invoque les muses. Le datif grec est plus souple, mais prenons un instant en compte ce que nous disent les spécialistes athées et cartésiens du grec antique : aux Muses. La longue introduction du poème, avant de passer à son sujet, à savoir les dieux grecs, s’attarde sur les muses, pour les présenter à l’auditoire du poète qui chantait cette œuvre. Il semble s’agir d’une prière préparatoire, qui reprend un éléments central de la prière humaine, dans le cadre religieux au sens large. De quoi s’agit-il ? Dans tout courant religieux, la prière donne des caractéristique d’identification reprenant des éléments de révélation religieuse. Celui qui compose une prière précise des éléments connus sur celui auquel il prie. Ici Hésiode va donner des détails très précis sur les muses : leur nom, leur spécialité. Dans le texte ici traduit il précise des notions géographiques distinctives : Le Permessos (Permesse en français) est un cours d’eau prenant sa source sur le flanc du Mont Hélicon. L’Olmée, autre fleuve rejoignait le Permesse avant de se jeter dans un lac avoisinant. Strabon a étudié cette géographie de la région de Béotie en Grèce. Les Muses en question sont présentées se baignant dans ces fleuves, dansant sur la montagne, etc. Ainsi, la prière se veut très concrète pour son auditoire : on prie les muses qui se baignent ici, dans cette région, à cet endroit. Les Muses ne sont pas une abstraction, mais bien une chose concrète. La religion grecque ne se présente pas dans une abstraction éthérée, mais s’inscrit tout à fait dans une réalité.

La question que l’on peut alors se poser : le poète invoque-t-il les Muses pour ensuite improviser quelque chose d’artistiquement le plus réussi possible ? Si son récit est parfaitement écrit, pourquoi invoquer les Muses ? Y avait-il une part d’improvisation dans ces grandes poésies grecques ? On peut légitimement conclure que la Théogonie, par cette introduction dédiée aux Muses, mêlait une improvisation poétique (et probablement musicale), avec une assise qui se voulait celle de la réalité historique dans la croyance des grecs. Il semble très improbable que les grecs y voyaient une œuvre de fiction romanesque où tout était faux, avec un consentement de l’auditoire à quelque chose de faux (comme nous le faisons au cinéma, où nous savons intérieurement que tout est faux). Si donc l’auditoire ne pensait pas assister à quelque chose de faux, que conclure sur l’assertion d’Hésiode quant à la présence des Muses en ce lieu ? Il y a bien trop de précision pour un domaine mythique où l’on s’attend à du vague…