Texte originel grec

μῆνιν ἄειδε θεὰ Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος οὐλομένην, ἣ μυρί᾽ Ἀχαιοῖς ἄλγε᾽ ἔθηκε, πολλὰς δ᾽ ἰφθίμους ψυχὰς Ἄϊδι προΐαψεν ἡρώων, αὐτοὺς δὲ ἑλώρια τεῦχε κύνεσσιν οἰωνοῖσί τε πᾶσι, Διὸς δ᾽ ἐτελείετο βουλή, ἐξ οὗ δὴ τὰ πρῶτα διαστήτην ἐρίσαντε Ἀτρεΐδης τε ἄναξ ἀνδρῶν καὶ δῖος Ἀχιλλεύς. τίς τ᾽ ἄρ σφωε θεῶν ἔριδι ξυνέηκε μάχεσθαι; Λητοῦς καὶ Διὸς υἱός: ὃ γὰρ βασιλῆϊ χολωθεὶς νοῦσον ἀνὰ στρατὸν ὄρσε κακήν, ὀλέκοντο δὲ λαοί

traduction proposée

Chante, Ô déesse, la divine colère du Péléïde (fils de Péléus) Achille, qui causa aux achéens d’innombrables douleurs, envoyant à l’Hadès de nombreuses et robustes âmes de héros, les abandonnant aux chiens ou aux oiseaux des augures (accomplissant ainsi la volonté de Zeus), lorsque se séparèrent pour la première fois, par une querelle, l’Atride roi des hommes et le divin Achille. Qui parmi les dieux fut à l’origine de cette discorde ? Le fils de Leto et Jupiter apporta cette querelle. En colère contre le roi, il amena une peste terrible contre son armée ;


Ainsi débute l’Iliade d’Homère. L’Iliade n’est pas classée littérairement comme une tragédie. Pourtant, dans ces quelques lignes on peut constater assez aisément que nous ne sommes pas dans le registre de la comédie, de la légèreté ou de l’humour. C’est une colère qui va être chantée. Cette colère est celle d’Achille nous dit-on. Cette colère est funeste. Elle entraîne des morts. Ces morts finissent dans l’Hadès. L’Hadès est une réalité néo-testamentaire. C’est le mot utilisé dans le grec du NT pour désigner les enfers. Cette correspondance devrait en soit frapper l’imagination.

Il est acquis pour les spécialistes, aussi bien que pour les croyants, que le christianisme et les cultes antiques n’ont rien à voir. Ce sont des systèmes radicalement différents. En ce cas, n’y a t il pas une imprudence des écrivains du NT à utiliser le même mot ? Eux qui ont été si prompts à translittérer certains termes pour rendre en grec des termes propres à l’expression de leur foi, ils auraient très bien pu rendre en grec le géhinnom hébreu par exemple. Mais non. Ils ont conservé l’Hadès grec, l’Hadès des grecs, l’Hadès de la mythologie grecque. L’Hadès où Homère nous dit que finissent les héros tués par Achille est le même lieu que ceux qui refusent le Christ.

Plutôt que de voir une imprudence des premiers écrivains chrétiens, voyons-y une information fournie par ces mêmes premiers écrivains chrétiens. Il y a ici un message théologique de première importance. Si l’on regarde les choses en historien des religions, on pourra dire que les descriptions convergent. Les hommes ayant peur des mêmes choses, imaginent les mêmes tourments éternels. D’où l’utilisation du même terme. Mais ce n’est pas cela qu’il faut regarder. Que nous dit la Bible ? Que les dieux des mythologies sont en vérité des démons. Que seul Dieu est Dieu. Il n’y a personne comme lui. Mais le biblique ne nous dit pas que les autres dieux n’existent pas. Le biblique ne nous dit qu’il s’agit du fruit de l’imagination des hommes. Le biblique nous qu’il s’agit de démons. Donc, qu’il s’agit de créatures véritables, trompeuses et malintentionnées. Quand Homère, dans son texte, fera mention d’Athena, de Zeus ou d’Apollon, il ne fera référence à des fictions grecques porteuses de sens, de mythes et de civilisation, mais fera référence à des anges rebelles au plan divin, essayant d’entraîner les hommes dans… l’Hadès. Bien entendu, Homère, homme de sa culture et de son temps, sans accès à la révélation mosaïque (il est bien avant le Christ), n’en sait très probablement rien. Mais il sait déjà que tout ceci est mauvais pour l’homme. C’est une forme de vérité. Il ne sait pas ce qui est vrai, mais il sait ce qui est faux. Ainsi, l’on pourra dire que dans la mythologie grecque, tout n’est pas faux. L’Hadès est bien vrai…