Texte original grec du fragment (et traduction)

ὑετοὺς δὲ ἐκ τῆς ἀτμίδος τῆς ἐκ γῆς ὐφ' ἥλιον ἀναδιδομένης·

traduction littérale

les pluies d'autre part hors de la humidité la hors du terre par soleil produite.

traduction possible

La pluie est produite par l’humidité extraite de la terre par le soleil.



Commentaire/Analyse

Ce fragment est dans la droite ligne du problème soulevé lors de l’analyse précédente : le contexte. Sa brièveté est la source principale de ce souci. Nous sommes néanmoins dans quelque chose qui, une nouvelle fois, se base sur l’observation du monde. Anaximandre semble ici vouloir expliquer une sorte de cycle de l’eau.



L’eau dans la Bible permet une théologie d’une grande richesse. Et l’on voit qu’à cette richesse biblique répond un intérêt présocratique évident. Il s’agit donc ici d’une indication supplémentaire de convergence. On a toujours considéré que les sémites vivants dans des régions plutôt désertiques avaient sublimés leur rapport avec l’eau pour en faire un élément théologique de première importance. Mais Anaximandre, en temps que grec, vivait dans une région, qui si elle est certes chaude n’en reste pas moins en bord de mer. Alors pourquoi cet intérêt pour l’eau ? On notera d’ailleurs, que cette intuition d’importance de l’eau est due à l’importance de l’eau dans ses fragments, mais que ceux-ci peuvent très bien être très minoritaires dans le cas d’un corpus intégral : si l’on avait à notre disposition tout ce qu’a dit Anaximandre, on se rendrait peut-être compte que l’eau est un sujet subalterne. Mais la providence a voulu nous faire parvenir ceci plutôt que cela. Nous conjecturerons donc sur ceci, en l’absence de cela.

Qu’est-ce que l’eau dans le biblique ? C’est avec la lumière un élément fondamental, plus ancienne que cette dernière. En effet Dieu crée la lumière après que Son esprit plane au-dessus des eaux. Il faut se méfier des considérations chronologiques dans le biblique, car la pensée divine est hors du temps, mais dans une compréhension humaine et linéaire, l’eau est antérieure à la lumière. Notre gestation nous fait d’ailleurs vivre 9 mois dans l’élément aquatique avant de découvrir la lumière. Dans le texte de la Genèse, elle est un enjeu important lors de l’épisode des puits d’Isaac et les philistins. Dans la Loi de Moïse, elle sert d’élément de purification, au travers des bains rituels appelés Mikve. Le triomphe du Temple chez Ezekiel s’accompagne aussi d’eau. Le prophète et précurseur Jean le Baptiste baptisait dans l’eau, et enfin il y a le baptême chrétien. On voit donc, tout au long de l’Ecriture, une progression de l’importance religieuse, sacramentelle et symbolique donnée à l’eau.



Que nous dit Anaximandre sur l’eau ? Car il ne faut bien sûr, avec ce genre d’esprit supérieur, pas rester à la « simple » description scientifique des choses. L’eau va et vient en lien avec le soleil. Ainsi donc, la lumière et l’eau sont intimement liés. Poussons plus loin la conjecture. La lumière permet à l’eau d’acquérir une dimension symbolique. La lumière du soleil permet à l’eau d’être un symbole effectif. Cette eau est lumière pour celui qui sait voir ainsi. Pour la notion de symbole, j’utilise ici le symbole au sens chrétien, et non pas la figure, l’allégorie, la métaphore. Pour la pleine compréhension du symbole, je vous renvoie aux autres articles dédiés à ce sujet central. En prenant une formulation scientifique, il se peut qu’Anaximandre veuille nous dire, depuis les tréfonds de l’antiquité : le symbole est la science du monde. Dans cette science, l’eau est lumière. Pas étonnant que nous baptisions dans l’eau. Le rite d’entrée dans l’Eglise du Christ aurait pu être différente ? Dans ce monde, tel qu’il est… pas si sûr.