ésotérisme chrétien : préambule

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Une fidélité en évolution

Lorsque les autorités allemandes décrétèrent l’évacuation obligatoire des civils de l’agglomération dunkerquoise, l’Institution Notre-Dame-des-Dunes, grâce à l’esprit d’initiative de son supérieur, Monseigneur Lestienne, se replia dans un château campagnard inoccupé, loin dans le sud du département.
Tous les parents d’élèves furent invités à confier leurs enfants, à l’abri des risques potentiels de bombardement, en ce pensionnat organisé pour la circonstance. Chaque élève devait quitter ses parents sans espoir de les revoir avant les prochaines vacances trimestrielles.
J’avais huit ans. Nous n’étions pas très nombreux, dont les parents avaient accepté de se séparer de leurs enfants. Je mesure aujourd’hui la chance que nous avons eue, petits et grands, de pouvoir bénéficier de l’ensemble du corps professoral de l’institution pour si peu d’élèves.
A Mecquignies, c’était le nom du village où nous étions installés, notre vie était organisée, du lever au coucher, selon la règle de saint Benoît : ora et labora.
Ces prêtres, nos éducateurs et nos enseignants, étaient des hommes exceptionnels, à la foi profonde et communicative. L’éducation religieuse était en parfaite orthodoxie avec la doctrine catholique romaine, car ces prêtres étaient des catholiques romains convaincus. S’il ne s’était agi que de cet enseignement, je ne les considérerais aujourd’hui que comme de bons professeurs.
Ils furent mes maîtres, parce qu’à leur exemple quotidien je m’initiais à la vie spirituelle, et j’essayais de mettre mes actions les plus banales et mes projets les plus sérieux en conformité avec l’enseignement de Jésus-Christ. Grâce à eux, j’ai pris conscience très jeune de ce que le Royaume de Dieu n’est pas une promesse de Paradis futur, mais une réalité quotidienne, parce que notre vie se déroule en permanence aussi bien dans le monde visible : « Rendez à César ce qui est à César », que dans le monde invisible et spirituel « et à Dieu ce qui est à Dieu »
Mecquignies fut une aventure de deux années scolaires. Puis vint la Libération et le retour à Dunkerque.
Dès l’adolescence, monsieur le supérieur encourageait personnellement chaque élève à étudier sans relâche les Evangiles, les épîtres, et les actes des apôtres, en totalité, verset après verset.
A l’époque, tout cela me semblait naturel. Je mesure aujourd’hui combien cette éducation religieuse fut exceptionnelle. Et ce que je dois à mes maîtres.
Vers l’âge de vingt et un an, je fis mon service militaire au Maroc. C’est alors que je commençais à m’étonner de certains enseignements de l’Eglise. Comment aurais-je pu admettre qu’il n’y avait pas de salut possible hors du christianisme alors que je côtoyais tant de musulmans dont la spiritualité et la ferveur dépassaient de loin ce que j’avais connu dans ma paroisse ? Nous parlions beaucoup religion, mes amis musulmans et moi, et j’étais impressionné par le respect et l’intérêt qu’ils portaient au christianisme, particulièrement à l’Evangile. Je portais le même intérêt à l’islam, et à Mahomet, béni soit son nom. Nous en étions arrivés à cette conclusion que je n’ai jamais reniée : puisqu’il n’y qu’un seul Dieu, nous sommes tous ses fils bien aimés. Aussi est-il du devoir de chacun de le servir selon l’enseignement qu’il a reçu, coranique, biblique ou évangélique, suivant sa naissance dont seul Dieu est maître.
Vers l’âge de trente ans, je découvris la Baghavad Gîta, considérée depuis des siècles comme l’une des principales Ecritures orthodoxes de l’hindouisme. Ce fut une surprise lumineuse que de constater les nombreuses similitudes avec l’enseignement du Christ. Je m’intéressai dès lors à l’hindouisme, au bouddhisme, au yoga, au zen. Mes nombreuses lectures, il ne s’agissait que de cela, me ramenaient toujours à l’Evangile. Je notais dans la marge de ces ouvrages les références évangéliques en harmonie avec ces textes nouveaux pour moi.
C’est alors que je formulais l’hypothèse que Jésus avait certainement eu connaissance, d’une manière ou d’une autre, de cet enseignement extrême-oriental.


Commentaire/Analyse

l’avant-propos du livre commence sur une note autobiographique, ce qui n’a bien évidemment pas à être commenté. Vous noterez l’utilisation, amusante pour les orthodoxes, de la parfaite « orthodoxie » des catholiques romains qui ont éduqués l’auteur. L’orthodoxie est justement ce qui se distingue des catholiques romains. Catholique-Romain est d’ailleurs une forme d’oxymore, puisque catholique signifie « universel » et romain montre une universalité qui n’est pas partagée par tout le monde, et surtout pas par les orthodoxes… Mais passons.

Cela devient intéressant lorsque l’auteur part faire son service militaire au Maroc et rencontre l’islam, la foi musulmane et la pratique musulmane. Il commence par se révolter sur le salut qui ne serait dispensé que dans les rangs de l’Eglise. Il est étonnant de ne pas le voir être gêné par cette exclusive partagée justement par les musulmans. Je n’ai pour l’instant pas encore rencontré un seul musulman qui valide le fait qu’un non musulman puisse bénéficier de la miséricorde divine et de la vie éternelle dans la béatitude céleste. Pour les musulmans que j’ai rencontré, et probablement pour l’islam en tant que théologie, un non musulman, quelles que soient la bonté de ses actions (type abbé Pierre ou Mère Theresa en occident) ira rôtir en enfer (en ma compagnie) pour l’éternité. L’Eglise au contraire ne dit pas cela. L’orthodoxie a bien conscience de la nature puérile de l’affirmation que le paradis serait exclusivement peuplé d’orthodoxes. Les Evangiles sont bien trop généreux en exemple qui enseignent le contraire sans ambiguïté pour ne pas commencer à se questionner sur l’enseignement catholique reçu par l’auteur, ou plutôt ce qu’il a bien voulu ou été capable d’en retirer. Je passe sur la mention de bénédiction vers Mahomet, marque classique de la bienpensance maçonnique. On voit que l’auteur n’est pas un habitué de la patristique, où les discours envers les hérétiques sont moins tièdes et davantage viriles. Pourquoi qualifier Mahomet d’hérétique ? Je vous renvoie vers les postes précédents sur l’explication de ce qu’est une hérésie : un discours non orthodoxe sur le Christ ou la Sainte Trinité. Mahomet en présentant le Christ comme un prophète exclusivement humain et Dieu comme une monade propage deux hérésies. C’est donc techniquement, un hérétique.

La France comptant aujourd’hui des millions de musulmans, nous pouvons tous constater la ferveur de leur pratique. Elle n’a rien à envier à celle des peuples orthodoxes que j’ai pu voir. Et je rejoins l’auteur sur ce point : cette ferveur est belle à voir. Mais cela reste une ferveur pour l’erreur. Et cette ferveur traduit simplement cette capacité qu’a l’être humain d’être une créature priante. L’homme est un animal politique disait Aristote. Il me semble aussi éminemment religieux. On retrouve de belles ferveurs dans tous les courants religieux. Par contre on voit que l’homme n’est pas un animal si rationnel que cela. La plupart des identités religieuses sont reçues par la civilisation et la famille. L’identité religieuse est ce qui s’hérite le plus naturellement. Combien d’hommes, tel Abraham, sont capables de remettre en cause ce qu’ils reçoivent de leur famille et d’en faire l’implacable examen ? L’auteur s’est émerveillé au final de la capacité humaine à adorer Dieu, et il a cru discerner une convergence de nombreuses spiritualités vers l’Evangile. Il n’a juste pas saisi le fait que toutes les civilisations ont reçu des préparations pour le Christ et son Evangile. Le destin du monde entier est le baptême. La spiritualité n’est pas une dilution théosophique adolescente dans un syncrétisme new-age, mais bien une ascension par des voies différentes vers l’unique baptême auquel le Christ invite le monde au travers de chaque nation. L’auteur oublie un peu facilement le final de Matthieu, ce qui est dommage pour un livre qui est censé en percer les secrets.

Ensuite, j’en ai parlé dans mon commentaire sur son préambule, sa cécité sur le judaïsme est absolument stupéfiante. Il se met à étudier toutes les spiritualités. Comme si l’on pouvait dire quelque chose du bouddhisme en achetant un livre à la fnac et en regardant quelques reportages télévisés ? Quelle médiocrité intellectuelle !!! Pour dire quelque chose du bouddhisme, et ceci est valable ensuite dans chacun des courants spirituels qu’il évoque, il faut réaliser un travail linguistique pour s’ouvrir le corpus des textes fondateurs, et vivre dans un pays qui l’a adopté largement. Il faut côtoyer un maître dans cette discipline et cheminer selon son enseignement. Et l’auteur va ainsi paresseusement picorer dans les spiritualités humaines comme l’on picore dans un buffet, mais va occulter celle qui a vu éclore le Christ. Il ne se documente pas sur le judaïsme. Il ne s’intéresse pas au judaïsme. Lorsque je le côtoyais, je lui ai posé plusieurs fois la question, et il était à chaque fois très gêné. Il me semble qu’il avait réalisé que le judaïsme pouvait mettre à plat toutes ses belles théories vaseuses, et qu’il avait choisi de considérer que ceci concernait les juifs, et que par conséquence, cela n’était pas son objet.

L’auteur choisit donc d’ignorer le judaïsme, et il part sur une hypothèse totalement farfelue : Jésus a eu connaissance de cet enseignement extrême-oriental, d’une façon ou d’une autre. Jésus n’a donc pas trouvé son bonheur dans le judaïsme. Il est ainsi parti chercher la lumière chez un bouddhiste, ou un hindouiste, ou un taoiste, ou shintoiste, nous ne savons pas trop. C’est extrême-oriental. Le mot seul suffit à donner un petit parfum de spiritualité à notre ami. Mais quand il revient, on se demande bien pourquoi d’ailleurs, il n’en parle pas. Il n’a que le Dieu d’Israël à la bouche. Il ne parle que de Moïse. Il tranche des problématiques rabbiniques. Il ne parle jamais de Bouddha ou de choses relatives à la spiritualité de l’extrême-orient. Il n’y a pas un seul verset qui puisse venir en appui à la thèse enfantine. Mais notre auteur a une intuition. Et elle va guider tout son travail. Je pourrais arrêter ici l’étude de cette bien pauvre pensée maçonnique, mais je vais continuer pour en montrer le ridicule dans son entier, méthodiquement, systématiquement. Je ne fais en cela que répondre à l’invitation de l’auteur, qui pour l’instant n’a démontré qu’une chose : il a abandonné ce qu’il avait reçu. Il l’a abandonné pour des raisons futiles. Malheur à lui !