ésotérisme chrétien : préambule

La première chose que j’ai constatée est que la plupart de ces vérités litigieuses ne sont pas exprimées dans les Evangiles.
Jamais le Christ, dans l’Evangile, ne dit qu’il est le fils unique de Dieu. En aucun cas, il n’emploie lui-même le mot « Fils de Dieu ». Il dit au contraire : « Fils de l’homme ».
Pouvait-il y avoir un seul disciple pour avoir l’audace de demander au maître si sa mère était restée vierge ?
Un ami vietnamien, dont le beau-père est bonze, a joué un grand rôle dans ma quête spirituelle. Nos nombreuses conversations confirmèrent ce que je pressentais depuis ma lecture de la Baghavad Gîta : la concordance entre l’enseignement du maître Jésus et celui des maîtres hindouistes et bouddhistes. Pour lui, cette concordance allait de soi. L’enseignement de Jésus était celui d’un maître éveillé, d’un Bouddha.
Il me vint alors l’idée de me transporter mentalement dans l’entourage du maître, de l’écouter (le lire) comme si je me trouvais parmi ses disciples contemporains.
Pour cela il me fallait un esprit vierge de tout enseignement dit traditionnel. Je me mettais à sa suite, en adepte inconditionnel de Jésus, conformément à la promesse solennelle de mon adolescence : « je renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, et je m’attache à Jésus-Christ pour toujours ».
Je décidais de faire le tri centre ce qui est l’enseignement du maître et celui de ses interprètes. Dès le départ, je considérais que le premier interprète, chronologiquement, à avancer des hypothèses en fonction de ses convictions personnelles, était saint Paul.
Trois certitudes ont accompagné mes raisonnements :
1 : un dogme n’est qu’une hypothèse parmi d’autres
2 : il est inconvenant d’instituer vérité, ce que l’on ignore
3 : il ne faut pas confondre croire et savoir.
Très vite, je me rendis compte qu’il était préférable de ne pas solliciter l’aide des prêtres paroissiaux pour lesquels ma démarche était insupportable. Fort heureusement, quelques mutations professionnelles successives m’ont permis, tout en restant pratiquant, de travailler à ma recherche de la vérité, car elle seule m’importe, dans l’anonymat le plus total.


Commentaire/Analyse

les vérités litigieuses ne sont pas exprimées dans les Evangiles. Voici ce qui semble permettre à l’auteur de divaguer comme il le fait par la suite. Jamais le moins du monde il se demande qui donc a écrit les Evangiles… Jamais le moins du monde il ne se demande qui donc a transmis les Evangiles pour qu’il puisse, près de deux millénaires plus tard, nous livrer une exégèse qui restera indubitablement dans l’histoire des idées… Jamais le moins du monde il ne se demande pourquoi les Evangiles ont été écrits, les circonstances de leur rédaction, le milieu qui les a vu naître, etc… à chaque fois la réponse est l’Eglise, ou est très étroitement liée à l’Eglise. La même Eglise qui énonce ces vérités litigieuses que l’auteur se refuse absolument à entendre… on avouera qu’en terme de méthode, nous ne sommes pas non plus face à quelque chose d’impérissable.

Imaginons un instant quelqu’un qui prendrait une œuvre de Balzac, par exemple le Père Goriot. Imaginons qu’il choisisse de nous affirmer que le Père Goriot ne parle pas du tout de ce que tous les balzaciens affirment, mais qu’il s’agit en fait de toute autre chose : une ode à l’Egypte antique. Et vous pourriez lui amener toutes les déclarations de Balzac sur son œuvre, celles de ses proches, celles de son éditeur, celles des spécialistes reconnus, rien n’y ferait : vérités litigieuses. Tout le monde refuse de voir l’Egypte antique dans le Père Goriot, sauf l’auteur génial et incompris… L’exemple peut sembler absurde, mais il l’est volontairement, et je pense au niveau d’absurdité équivalente à une hypothèse d’un Jésus maître zen bouddhiste.



Jésus n’a jamais dit « Fils de Dieu » mais « Fils de l’Homme ». Si on reprend les schémas mentaux de l’auteur, on répondra que Jésus n’a jamais rien écrit lui-même, et que ses propos sont rapportés par des témoins. Si on sort de paranoïa maçonnique anticléricale, on constate que nombreuses sont les occurrences de ses déclarations avec cette mention « Fils de l’Homme ». En consultant Daniel 7, on s’aperçoit aisément qu’il s’agit d’un titre divin. Daniel Boyarin explique dans son ouvrage « le Christ Juif » que ce chapitre du livre de Daniel a initié à l’intérieur du monde Juif l’attente d’un être divin et des tendances binitaires, socle évident pour la théologie trinitaire et la théologie de l’incarnation à venir. Daniel Boyarin peut découvrir aisément ce genre de choses, car il maîtrise l’hébreu et la littérature inter-testamentaire. Aussi saugrenu ce que cela puisse paraître, Boyarin part de l’hypothèse folle, que Jésus, maître juif du premier siècle est compréhensible dans le contexte juif de son époque, relativement à la culture juive qui l’avait précédé. De son côté, l’auteur semble identifier, sur des bases à la solidité douteuse, jamais juives, des concordance hindouistes et bouddhistes. Quelle fulgurance de la pensée !!!

La phrase « Il me vint alors l’idée de me transporter mentalement dans l’entourage du maître, de l’écouter (le lire) comme si je me trouvais parmi ses disciples contemporains. Pour cela il me fallait un esprit vierge de tout enseignement dit traditionnel » est en soi un concentré de toute la sottise de ce livre et de son auteur. L’entourage du maître était composé de Juifs, vivant selon la Loi de Moïse, et attendant le Messie promis par la compréhension que certains Juifs avaient de cette Loi. Il est difficile de faire davantage traditionnel que cela. Etant donné la non connaissance de l’auteur en hébreu (ce qui donne la tonalité intellectuelle de l’ensemble de l’ouvrage, se voulant l’analyse d’un texte composé originellement en hébreu/araméen), il n’aurait pas compris un seul mot de l’enseignement de Jésus. Il y a toujours le doute vis-à-vis du grec. L’auteur est également médiocre en grec. Mais disons dans le doute qu’il aurait pu comprendre tout au plus quelques mots si Jésus avait choisi à un moment de s’exprimer en grec. Bref, il n’aurait pas pu recevoir cet enseignement. Il ne l’a pu qu’au travers de l’Eglise, mais tout ce qui vient de ce canal est refusé systématiquement (pas assez bouddhiste ?), à part la rédaction de l’Evangile.

Pour finir ce post, il convient de répondre aux trois axiomes de recherche, qui rivalisent d’inutilité méthodologique et historique :

1 : un dogme n’est qu’une hypothèse parmi d’autres.
Un dogme est une formulation contextuelle d’un enseignement transmis traditionnellement au sein de l’Eglise, relativement à un problème survenu suite à une dérive théologique. L’existence des dogmes est due à des prédécesseurs de l’auteur (davantage brillants que lui néanmoins). Il n’est pas étonnant qu’il les dénonce dès le départ. Il les présente comme des négations de sa liberté intellectuelle. Le dogme est un garde-fou historique contre les hérésies, qui dit : l’enseignement traditionnel de l’Eglise est…

2 : il est inconvenant d’instituer vérité, ce que l’on ignore
Cette assertion est presque comique venant de quelqu’un qui refuse de voir en Jésus un Juif et préfère substituer au Jésus Juif le Jésus bouddhiste. En terme d’ignorance, on est ici au niveau de l’aveuglement…

3 : il ne faut pas confondre croire et savoir.
Tout aussi savoureux de la part de quelqu’un qui croit énormément de choses, mais qui ne sait rien.