ésotérisme chrétien : préambule

Synchronicité

L’enseignement transmis par l’Ange nous est accessible depuis 1976. Il s’est déroulé entre le 25 juin 1943 et le 24 novembre 1944 (chaque vendredi). La découverte de l’Evangile de Thomas a eu lieu en 1945. Sa traduction est accessible au grand public depuis 1959. Tout se passe comme si cette synchronicité, concomitante à l’arrivée en occident du Dalaï Lama et de nombreux maîtres tibétains, était une œuvre providentielle destinée à recadrer et à réactualiser l’enseignement de Jésus, au moment où de nouvelles découvertes scientifiques confirment les affirmations des initiés anciens et contemporains. Comment ne pas être convaincu que cette préparation providentielle inaugure les changements nécessités par notre ère commençante, celle du Verseau.


Commentaire/Analyse





Ce petit paragraphe sur la synchronicité est bref mais intense en erreurs. C’est un bombardement nourri de contre-vérités. « L’enseignement transmis par l’Ange » est en soi une phrase intéressante. Dans les milieux maçonniques, ou dans la critique historique, il est commun d’entendre : Jésus n’a jamais rien dit directement. Nous n’avons que des témoignages de seconde main. Les évangélistes n’étaient pas tous témoins. Tout ceci ressemble d’avantage à des rumeurs qu’à des choses sérieuses. On répondra aisément qu’en ce cas, aucun travail historique n’est possible dans aucun domaine, et on se demande bien pourquoi on n’affuble pas des mêmes attaques ceux qui se lancent dans une biographie de Louis XIV… L’auteur n’a pas de doute par contre lorsqu’il s’agit de cette communication angélique. « L’enseignement transmis par l’Ange » j’aimerai le reformuler en : l’enseignement transcris dans un livre dont on nous annonce qu’il s’agit d’une communication angélique. C’est peut-être vrai. C’est peut-être faux. On pourra me répondre que dans ce cas j’utilise exactement les mêmes techniques que mes adversaires théologiques. Sauf que dans mon cas, les témoignages sur Jésus se trouvent du côté Juif, Chrétien et romain. Ce n’est pas comparable avec une expérience singulière, solitaire. Ensuite, acceptons que cela soit un ange : quel ange ? de quel côté se place-t-il ? Car la première communication entre un homme et un ange s’est plutôt mal terminée (en l’occurrence c’était d’ailleurs entre une femme, Eve, et un ange, Lucifer). Elle invite donc à la prudence cette communication angélique… Le critère pourra donc être le contenu de cette communication. Que veut nous dire cet ange que ne nous ait pas dit le Christ au travers de Son Eglise ? Je n’ai pas lu ce livre, mais sachant qu’il est promu par l’auteur, et quand je connais son sérieux théologique, je préfère ne pas perdre de temps là-dessus et me concentrer sur des choses vraiment nourrissantes dans la théologie.



Ensuite l’auteur passe sans prévenir au Dalaï Lama et son arrivée en occident. Il faut savoir que le Dalaï Lama est un dirigeant spirituel tibétain, qui professe un bouddhisme mettant en avant la réincarnation, la non-violence et la méditation. C’est-à-dire, à part la non-violence, des choses fausses ou imparfaites dans une optique chrétienne. Il n’y a pas de réincarnation. La méditation est une demi-prière, ce que j’ai expliqué dans un article précédent. Il est donc intéressant de voir l’auteur asséner que le bouddhisme tibétain, qui n’a rien à voir avec le Judaïsme de l’époque de Jésus, ni avec le Christianisme issu du ministère du Christ, pourrait venir « recadrer et actualiser » l’enseignement du Christ. Pour bien comprendre la dynamique à l’œuvre ici, il faut bien comprendre que la franc-maçonnerie est névrotiquement anti-chrétienne. Je parle bien évidemment de dogmatique ici. Mais on pourra retrouver dans l’histoire des éléments davantage politiques, puisque toute théologie a une traduction politique au bout d’un moment, s’il y a une influence pour exercer cette politique.

Mais revenons à la théologie. La maçonnerie, et l’auteur me l’a affirmé plusieurs fois en ce qui le concernait, est gnostique. Elle est initiatique. La gnose, c’est la coupure entre le physique et le métaphysique, coupure qui implique que le physique doit être vaincu au profit du métaphysique, et qu’un ensemble de connaissances transmises par des initiés les ayant eux-mêmes reçues permet de réaliser cette victoire sur le physique, de se libérer du physique. Le bouddhisme, pour ce que j’en connais, est finalement assez proche de cette gnose, malgré son côté sympathique au premier abord. Le but est de se libérer d’un cycle de réincarnations qui n’entraînent que des souffrances pour arriver au fameux nirvana. Le lien gnose-bouddhisme est finalement simple à faire : à la chute gnostique de l’âme dans le corps et tout le travail initiatique pour s’échapper du corps-prison correspond en parfaite identité la réincarnation, c’est à dire l’arrivée de cette âme préexistante dans un corps et le travail bouddhique pour s’échapper de la vie-souffrance. Je me dois de préciser que je ne connais pas ou peu le bouddhisme, et qu’il est fort possible que ma description du bouddhisme soit totalement fausse. Peut-être avons-nous accès en occident aux formes dévoyées du bouddhisme, de la même façon que les calvinistes ont accès à une forme frelatée de Christianisme. Néanmoins, la vision de la maçonnerie et de l’auteur sur le bouddhisme, est celle que je viens d’énoncer. Pour lui, ce recadrement nécessaire, c’est le fait de donner enfin, après des siècles de luttes perdues (dans son optique à lui bien évidemment), la dimension gnostique du Christianisme. Ainsi, l’enseignement du Christ ne serait plus celui d’un Dieu qui s’offre pour diviniser la créature, mais celui d’un grand initié (dans les mystères grecs, égyptiens, ou extrême-orientaux selon l’humeur du gnostique qui échafaude la théorie) qui serait venu délivrer un enseignement sur la libération de l’âme du corps. On notera au passage la disparition anthropologique de l’esprit, mais l’hérésie ne s’est jamais vraiment embarrassée avec ce genre de soucis.

Je ne reviens pas sur l’instrumentalisation de la science, car j’en ai dit ce qu’il fallait en penser. Aucun grand n’a jamais réalisé un travail sur le contenu de la science en regard de la théologie. Seulement sur « la science » en tant que connaissance. Science et théologie, c’est pour les petits…



Je voudrais finir cette analyse sur la notion de synchronicité et d’initiation. La synchronicité est un terme un peu savant que l’auteur met en avant pour éviter que l’on ne raisonne en terme de causalité ou de corrélation. Le fait que le bouddhisme arrive en occident au moment où des écrits gnostiques sont traduits : est-ce corrélé ou causé ? La corrélation est : cela se passe en même temps. Mais il n’y a pas de lien de causalité. Je me lève tous les matins en étirant les bras, il se peut que cela n’ait pas de cause sur le fait que le soleil se lève. On voit finalement que toutes les analyses de l’auteur ne reposent sur rien. Et ce rien, est bien résumé par l’initiation. C’est un principe auquel on vous demande de croire en maçonnerie. J’ai pu constater que cela ne donnait aucun résultat tangible, sur moi ou sur les autres. Mais surtout, l’initiation pose un problème d’œuf et de poule. Si l’on ne peut être initié que par un initié, il y a une fraude au début de la chaîne. Qui a initié le premier initié ? Nul n’a jamais été capable de me répondre à cette simple question, et donc, on est en droit de se demander ce que vaut cette initiation au final ? Certains anti-maçons forcenés voient une origine luciférienne. De ce que j’ai constaté, c’est surtout un formidable aspirateur à argent (car chaque degré coûte de l’argent et chaque année coûte de l’argent) et une formidable perte de temps pour des personnes des fois admirables. On y rencontre aussi quelques crétins. C’est une société très humaine à ce titre finalement. Pour finir sur une touche personnelle, je dirai que je ne regrette en rien mon passage dans cette institution. Cela me permet de mettre en garde les chrétiens contre la perte de temps et la déviance théologique et spirituelle que représente la franc-maçonnerie.