ésotérisme chrétien : préambule

Spiritualité

La spiritualité implique la croyance en l’existence d’un principe supérieur, divin, au-delà de la nature perçue par non sens.

La spiritualité implique un certain nombre de pratiques dont l’objet est de mettre le croyant en relation avec le principe divin. Parmi ces pratiques, il y a la prière, la manière de prier, éventuellement une gestuelle destinée à mettre l’orant en situation adéquate, mais aussi une acèse et ses conséquences sur la morale et l’art de vivre.

Il existe un rapport direct entre la spiritualité et la foi (dans le sens de croire/savoir). Celui qui ne sait ni comment, ni pourquoi, ni dans quelles conditions prier, ne peut pas connaître les expériences spirituelles vécues par les mystiques, à la suite d’une longue ascèse nourrie par la pratique de la prière contemplative. Le mystique qui a vécu une telle expérience a atteint le point culminant de la foi : il ne croit plus, il sait. Les douloureuses crises de doute décrites par la plupart des mystiques (notamment sainte Thérèse de Lisieux, le saint curé d’Ars…) portent uniquement sur leur impression d’être délaissés par Dieu, mais jamais sur l’existence de Dieu.

De même qu’il y a différents niveaux dans la foi, il y a différents niveaux de spiritualité.

Au niveau le plus élémentaire, nous trouvons les superstitions.

Ce qu’il y a de pervers, s’agissant des superstitions, c’est que le superstitieux remplit le plus souvent toutes les conditions pour que l’objet de ses craintes se réalise beaucoup plus sûrement que l’objet de ses espérances. En effet, l’efficacité spirituelle de la prière – ou de la pensée positive ou négative – dépend principalement de la foi, de l’humilité, mais aussi du désintéressement. Le superstitieux qui agit en vue de l’espoir d’une réussite quelconque est beaucoup trop intéressé pour que son souhait se concrétise. En revanche, celui qui par exemple, voit comme un mauvais présage le passage d’un chat noir a toutes les chances de voir sa pensée négative déclencher un processus qui aboutira à ce qu’il lui arrive quelque chose de désagréable ; en effet, il y croit, donc il a la foi, il a l’humilité de se sentir vulnérable, il n’a aucun intérêt personnel à souhaiter ce à quoi il pense négativement. Ainsi la plupart des conditions sont remplies pour que sa pensée négative arrive à son terme. L’expression « je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur ! » relève plus du constat que de la boutade.

Les croyants sérieux ont pleinement raison de combattre toute forme de superstition.

Les niveaux les plus élevés de spiritualité ne peuvent être atteints que par des être prédisposés et psychologiquement purs, que cette pureté soit naturelle (c’est le cas des enfants bénéficiant des apparitions de Marie) ou obtenue à la suite d’une ascèse rigoureuse incluant notamment la chasteté volontaire. Par prédisposition, j’entends une aptitude innée, appelée à juste titre un don (don de Dieu ou de la nature). Il en va de même en musique, en sport de haut niveau, en mathématiques… tous ceux qui ont beaucoup et consciencieusement travaillé le violon ne sont pas devenus virtuoses. Tous ceux qui se sont correctement entraînés ne sont pas parvenus à être athlètes de haut niveau. Tous les doctes mathématiciens ne sont pas devenus Einstein.

Ces niveaux supérieurs de la spiritualité amènent l’ascète croyant prédisposé à surpasser la condition ordinaire de l’homme, et lui donnent accès à des niveaux de conscience insoupçonnables. Celui-ci participe naturellement à des phénomènes surnaturels (au-delà du naturel). Il obtient parfois certains pouvoirs particuliers (visions, pré-visions, guérisons, lévitation, connaissance de la pensée, contacts avec l’au-delà, etc.). Au niveau suprême, ces ascètes font l’expérience incommunicable de l’irruption du divin en eux, ce que selon les cultures, on appelle fusion totale, extase, mariage mystique, éveil, connaissance… expressions qui d’une manière ou d’une autre, désignent le fait de participer de la conscience non duelle, de devenir UN comme Jésus et le Père sont UN.

Ces niveaux supérieurs de spiritualité peuvent être atteints quelle que soit la religion, même dans les religions animistes. Il existe de nombreux exemples prouvant que ces niveaux ont été atteints par des adeptes des religions antiques, notamment par certains philosophes grecs. Ce constat ne doit pas surprendre un monothéiste. Il n’y a qu’un seul Dieu, omniprésent, peu importe le nom sous lequel on l’invoque, où même l’idée qu’on se fait de LUI, peu importe que l’on s’adresse à LUI, à Ses saints, aux créatures méritoire qui L’ont rejoint, ou même à certains éléments matériels de Sa création. De toute façon c’est à LUI qu’on s’adresse.

Il existe deux façons d’atteindre ces niveaux où la vie de ces croyants atteint le surnaturel :

- la voie mystique est celle qui est reconnue par le christianisme, en général.
- la voie initiatique n’est plus reconnue par le christianisme.



Commentaire/Analyse





à part sa conclusion sur les deux voies possibles dans le christianisme (mystique et initiatique), ceci est un des rares paragraphes sérieux de ce livre. L’auteur développant ensuite ce qui concerne la mystique et la voie initiatique, je laisse donc le commentaire sur ces notions pour ces paragraphes là. Il développe un point très intéressant sur la superstition. Ceci est un véritable cancer de la vie religieuse et spirituelle. Le Christianisme se veut une sortie des pensées magiques (voir tous les posts sur le livre du Père Schmemann) et la superstition est une horrible régression dans ce domaine. Il est intéressant de voir l’évolution étymologique du terme, puisqu’à une époque cela désignait ce qui était extérieur à la religion bien comprise, alors qu’au siècles des Lumières, le mot superstition est carrément devenu synonyme de religion ! Lorsque l’infâme Voltaire parle de superstition, il ne parle pas des idioties concernant les chats noirs mais bien de l’Eglise.

Comme pour la violence, la superstition démontre le fait que la religion ne fonctionne pas totalement sur une personne. Nous ne pouvons pas dire théologiquement que la personne est naturellement violente ou superstitieuse, mais plutôt qu’elle a une tendance spontanée à la violence et à la superstition. La religion étant la médecine spirituelle chargée de la guérir de sa violence et de sa superstition (entre autre), on pourra dire que la violence et la superstition en religion sont le signe certain de l’échec de la thérapie.

Les superstitions les plus populaires (en tout cas en France) sont diverses : nombre 13, les chats noirs, les miroirs cassés, etc. Elles varient bien évidemment avec les cultures mais reprennent des schémas toujours identiques. Il y a une relation de cause à effet qui est tracée entre deux choses à priori totalement sans rapport, censée amener quelque chose de négatif. Le fait de connaître cette relation permet de se prémunir de l’effet négatif. On fera ainsi en sorte de ne pas être exactement 13 à table, quitte à décommander quelqu’un, ou à trouver un invité supplémentaire. La superstition est très présente dans le monde religieux, et pour cause, puisqu’elle témoigne façon certe impropre, mais d’au final tout à fait sérieux : l’existence de forces négatives dans le monde. Ces forces négatives peuvent être aidées ou combattues, mais tout ceci est finalement du ressort de l’attitude des personnes, et c’est ce que la superstition nous fait malheureusement oublier. La tradition juive est très prolixe sur ces concepts qu’elle appelle le ayin hara : le mauvais œil. En soi, parler mal de quelqu’un, le regarder de façon négative, tout ceci participe de ces choses négatives que les Juifs regroupent dans le concept de ayin hara. La superstition devrait en fait être vue comme une paresse de la personne vis-à-vis de ses devoirs relationnels envers autrui. Est-ce que l’homme a vraiment le pouvoir de conjurer des forces négatives lorsqu’il est lui-même négatif ? très probablement d’une façon ou d’une autre.

La superstition nous appelle donc à une vigilance double. Au cas où ces forces négatives existent, veillons à ne pas les conjurer, ou en tout cas le moins possible. Car finalement, déclencher ce que redoute le superstitieux, ce n’est jamais que commettre une faute. Le superstitieux se concentre sur la conséquence cosmique prétendue de la faute. Le religieux devrait se concentrer sur son origine. La conséquence cosmique qui est à redouter est celle du redoutable tribunal du Christ. Chaque mauvaise parole, chaque mauvaise pensée sera passée au crible de ce tribunal, car « il reviendra en gloire juger les vivants et les morts ». Ensuite, il y a la notion de pouvoir que l’on donne. Si quelqu’un nous maudit, et que nous lui conférons psychiquement et spirituellement un quelconque pouvoir, alors nous donnons une réalité à ses « pouvoirs magiques ». Mais nous sommes appelés à considérer que seul Dieu est maître de nos vies. Une foi intense, puissante, ardente est le meilleur rempart contre ces superstitions, car si l’on considère réellement qu’il n’y a rien d’autre que Dieu dans la guidance de nos vies, alors la superstition perd toute effectivité.

Comment gérer tous ces phénomènes au niveau pastoral ? Il faut faire attention, car dans les publics peu éduqués à la théologie, la superstition fait partie intégrante de la religion, et vouloir l’extirper peut revenir au fait de scandaliser la personne. C’est ici affaire de discernement, mais il est fort à craindre que dans certains cas, il faille considérer la superstition comme un parasite inévitable, et que l’on doive tolérer sa présence, à partir du moment où aucune vérité théologique profonde n’est remise en cause…