ésotérisme chrétien : préambule

Le langage ésotérique

Quiconque a tenté d’expliquer à un aveugle de naissance la différence qui existe entre une couleur et une autre, ou entre deux tons d’une même couleur, connaît les difficultés et les limites de la possibilité de compréhension entre celui qui sait, et celui qui ne peut que croire.
Pour décrire une couleur à un aveugle, il est possible de tenter de faire une analogie avec les sensations du toucher et disant par exemple que le violet est une couleur douce comme du velours, ou avec celles de l’ouïe en disant que le violet est doux comme le son de la clarinette…
L’aveugle comprendra sans difficulté que le son d’une clarinette ne soit pas en violet, et que tous les velours ne sont pas violets.
Qui n’a jamais salivé, surtout s’il a faim, à l’évocation de son plat préféré ? Cette production de salive témoigne que ce souvenir est capable de faire naître la même réaction physique que celle connue lors de la dégustation réelle. Il ne s’agit pas d’un savoir, mais d’une connaissance.
L’évocation d’une cuisine étrangère inconnue ne fera pas saliver.
Les œnologues dégustateurs avertis utilisent, pour décrire un vin, un langage précis, indispensable, ésotérique.
Lorsqu’un initié à la dégustation parle de robe, de longueur en bouche, de parfums de violette, de fruits rouges, etc. il ne peut être compris pleinement que par un initié dégustateur de même niveau d’expérience.
Le langage ésotérique est réservé aux initiés.
En spiritualité, comme dans toutes les disciplines où il s’agit d’inviter un néophyte à des expériences de plus en plus subtiles, il est nécessaire d’utiliser un langage symbolique, des faire des analogies.
Pour diriger les pas d’un néophyte sur une voie encore inconnue, le seul langage pratique est celui de la symbolique et de l’analogie. L’initié ne comprendra vraiment les symboles et analogies qu’au moment où il aura acquis l’expérience qui lui permettra de s’en passer.
La discrétion, sinon le secret est nécessaire. Le risque est grand de dévoiler ce que les profanes ne peuvent interpréter qu’intellectuellement, et souvent au premier degré.
Entre initiés de niveaux spirituels différents, le secret est tout aussi indispensable. Une indiscrétion qui amènerait un débutant à connaître trop tôt les symboles d’un niveau supérieur risquerait d’être fatale à sa progression.
Lorsque le niveau d’expérience n’est pas suffisant, un initié n’est pas différent d’un profane. L’initié en question croit avoir compris le symbole, il risque fort de se bloquer définitivement à ce qu’il croit, sans être conscient que cette compréhension n’est que pure intellectualité.
C’est la raison pour laquelle il est si difficile à un riche (intellectuellement) d’entrer dans le royaume des cieux (Mt 19 24). La vraie richesse est de se constituer un trésor dans le ciel (Mt 6 20).
En initiation, le symbolisme et l’ésotérisme ne sont pas des fins en soi. Ce sont des outils pédagogiques.
Il est possible, malheureusement, d’utiliser ce langage par orgueil, pour se faire valoir.
Le langage ésotérique n’a pas été inventé pour cela.


Commentaire/Analyse





Dans toute discipline professionnelle il y a un langage lié aux particularités mêmes du métier exercé. Un langage statiquement typé ne parlera pas à un musicien mais parlera à un informaticien, tandis qu’un intervalle de quinte diminuée parlera au musicien et pas à l’informaticien. L’auteur a raison de dire cela. Sauf que la spiritualité n’est pas liée à un langage particulier, langage ésotérique qui serait l’apanage des seuls initiés. Ceci est une approche purement gnostique. Pas surprenant de la part de quelqu’un qui a revendiqué plusieurs fois devant moi, d’être un chrétien gnostique. Lorsque l’on a un bagage théologique on comprend que cette expression est un oxymore absolu. Un chrétien ne peut être gnostique et un gnostique ne peut être chrétien. C’est comme de l’eau sèche, cela n’existe pas, car ce sont d’exacts opposés. Il y a néanmoins un notion conceptuelle importante aussi bien pour les maçons que pour les chrétiens : le symbole.

Ce que je n’ai jamais réussi à savoir durant mon court passage maçonnique, c’est si la vision du symbole était la même dans les deux écoles ou bien si la maçonnerie avait une approche allégorique du symbole. Probablement les deux, car la maçonnerie n’est pas une pensée homogène. En maçonnerie, tous ne pensent pas la même chose. Ils sont néanmoins d’accord sur une chose : le Christ de l’Église est une histoire de grand-mère, prise à la lettre par des gens crédules et peu instruits. La vérité est toute différente. En vérité, le Christ était… et c’est là que chacun arrive avec sa version personnelle : extra-terrestre venant d’Uranus, magicien homosexuel, grand initié des mystères gréco-égyptiens (et pourquoi pas ?), maître bouddhiste zen (ça c’est la branche de mon génial auteur), etc, etc.

Car le symbole dans sa version chrétienne est quelque chose de très précis. L’étude du symbole est développée de façon poussée via le commentaire du livre « l’Eucharistie, Sacrement du Royaume », du Père Schmemann, vous pourrez vous y référer. Mais pour faire affreusement court, disons qu’il s’agit de réunir deux réalités, une présente et l’autre absente, au moyen du symbole. La réalité présente est physique et l’absente métaphysique. On voit dans le catholicisme par l’adoration du saint sacrement, que la notion de symbole est perdue, ce qui explique le grotesque de la liturgie romaine. Il ne s’y passe rien, et les gens ne communient à rien. La question maintenant chez les maçons est la suivante : savent-ils que le symbole est un mode prévu par Dieu dans la construction de Son monde pour relier le monde visible et le monde invisible, ou bien croient-ils, accompagnant la dégénérescence du christianisme en occident (accompagnant ou réalisant, selon les opinions de chacun) que le symbole est un synonyme d’allégorie, et que donc le symbole représente, figure quelque chose mais dont nous sommes irrémédiablement coupés. La réponse sera : probablement les deux.

Les seconds sont des maçons sans importance, sans envergure. La question importante est : à quoi se relient les premiers ? La question que devraient se poser les maçons est donc la suivante : quelles sont les forces, les mondes et les entités qui sont jointes lors des tenues maçonniques ? Car s’il est bien évident que Dieu et Ses Saints sont présents à une divine liturgie présidée par un prêtre ou un évêque orthodoxe pouvant se targuer d’une succession apostolique, qui et quoi est présent dans les réunions spirituelles qui ne sont pas présidées dans un cadre orthodoxe ? Je laisse à chacun le soin de répondre à cette angoissante question. Au mieux rien, et les gens font du théâtre pour accompagner le grotesque de leur pensée. Au pire des choses mauvaises ce qui pourrait expliquer que sort de certaines loges, exclusivement des choses mauvaises, contraires à la loi divine. Que Dieu leur fasse miséricorde…

La chose déterminante qui permettra de comprendre l’abîme qui sépare le Christianisme authentique de la gnose maçonnique est « l’entretien à Motivilov ». Ce court texte est très connu dans les milieux orthodoxes. Il s’agit d’un certain Motovilov, qui a retranscrit dans un texte, son entretien avec le moine Séraphin de Sarov. Ce texte très court est un joyau de spiritualité. Et il est très intéressant à mettre ici en perspective. Il n’y a pas de langage ésotérique. Il n’y a pas d’initiation. Il n’y a pas de gloubiboulga bouddhico-hindouisto-catholico-gnostico-maçonnique. Il y a juste un véritable Saint de Dieu qui explique quelque chose à un orthodoxe qui se pose des questions. Il ne parle pas à partir de choses théoriques. Il parle d’expérience. Et dans ce qu’il décrit pour arriver au terme de cette route, il n’y a pas de choses initiatiques. Car l’auteur du livre sur Matthieu écrit des choses en les répétant sur ce qu’il a lu chez d’autres. Il ne parle pas d’expérience. Quand il parle de fusion dans l’UN, il répète. Il ne parle pas d’expérience. Je le sais moi-même d’expérience. Car j’ai eu personnellement la possibilité de croiser le regard de moines et de moniales qui m’ont littéralement transpercé le cœur et l’esprit. J’ai côtoyé l’auteur pendant plus d’un an et il est dans une autre catégorie. C’est un être absolument normal, terriblement classique comme vous et moi. Il n’est pas allé au bout de cette route dont il parle. Donc il n’est que le perroquet des erreurs des autres. Par pragmatisme le plus simple et le plus éhonté je dirai que l’Église offre un modèle dont on peut constater les fruits chez certains tout au long de l’histoire : regardez donc une photo de Saint Jean de Kronstadt ou de Saint Silouane de l’Athos. Vous verrez ce regard d’une force incroyable. Et à côté il y a la maçonnerie, avec sa route alternative, mais qui manque terriblement de preuves… qu’on m’amène une fois, un maçon qui soit une sorte de Saint Seraphim de Sarov moderne. Il n’y en a pas. Il n’y en a jamais eu. Il n’y en aura jamais. Car ceci ne se construit qu’en Église. Et on ne peut être maçon sérieux et conséquent et en même temps être chrétien sérieux et conséquent. Les maçons chrétiens se mentent sur leur maçonnerie et sur leur Christianisme. Peu m’importe le manque de cohérence vis-à-vis de leur loge, mais je trouve extrêmement problématique, en tant que chrétien orthodoxe, de savoir qu’il y a des maçons dans l’Église. C’est quelque chose qui ne devrait pas être permis. C’est une tumeur dans le corps mystique du Christ.